Jérôme Laloux a débuté sa carrière professionnelle en tant qu’ingénieur en génie électrique. « Au bout de cinq ans, je ne me retrouvais plus dans ce métier, j’avais besoin de mettre du sens dans ma vie », explique ce fils d’agriculteur qui, jusqu’à ce moment, n’envisageait pas de reprendre l’exploitation familiale, baptisée la Ferme des Trognes, à Boiry-Sainte-Rictrude (62), au sud d’Arras.
« En 2013, j’ai décidé de voyager, je suis parti découvrir un éco-village en permaculture en Suède, j’ai fait du maraîchage bio aux États-Unis, du woofing en Jamaïque… », énumère-t-il. Des séjours qui renforcent son envie de travailler auprès de la nature mais surtout de la respecter.
n nouveau projet professionnel prend forme : il souhaite reprendre l’exploitation de son père mais avec l’envie de la convertir en bio. « Mon père était en polyculture élevage. Il avait un élevage de taurillons à l’engraissement qu’il nourrissait avec, notamment, du soja OGM d’Amérique du sud, culture qui participe à la déforestation au Brésil. Ce genre d’agriculture ne m’intéresse pas. Je veux travailler sans mettre ma santé en danger, ni celle des consommateurs, et tout en préservant l’environnement et la biodiversité », met-il en avant.
Il passe alors son BPREA (Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole) au lycée agricole de Tilloy-lès-Mofflaines (62) en 2015, enchaîne avec des stages et des contrats d’ouvrier agricole.
En 2017, il revient sur l’exploitation familiale en tant que salarié. Père et fils entament ensemble la conversion en bio de l’exploitation. En 2018, en parallèle des 55 hectares de cultures de pommes de terre, haricots verts, betteraves sucrières ou encore céréales, Jérôme Laloux démarre un élevage de bovins en acquérant quatre limousines, « puis peu à peu j’ai fait grandir le troupeau jusqu’à arriver à une cinquantaine de têtes ». Il reclôture ses champs, plante des haies afin de pouvoir y faire paître ses bêtes. « Il n’y a que des avantages, cela permet de limiter l’érosion, nourrir le sol sans engrais chimique… », énumère-t-il, convaincu que l’agriculture bio est la solution pour l’avenir.
En 2019, il développe également une activité de farine à partir des céréales cultivées dans ses champs, du blé mais aussi du sarrasin, du seigle ou encore de l’épeautre. De la farine qui sert à la fabrication de pain. Il construit de ses mains un moulin ainsi qu’un fournil et embauche un boulanger et une vendeuse qui s’occupe de son point de vente directe.
En 2020, le paysan boulanger s’installe, son père part en retraite. Et les galères commencent : « Le covid a ralenti tous les dossiers administratifs entraînant le retard des versements des différentes subventions, puis la guerre en Ukraine, la crise de la bio, la sécheresse du printemps 2022, qui a impacté les cultures, ou encore les précipitations excessives de l’hiver 2023… » Jérôme Laloux dénonce un manque de soutien de l’État pour la bio, prenant pour exemple les aides au maintien attribuées aux agriculteurs bio qui étaient versées par l’État après les trois premières années d’activité pour pérenniser les jeunes exploitations bios qui ont été supprimées par le ministre Stéphane Travert en 2018… « Cela représente un manque à gagner de 30 000 euros pour moi. »
Au printemps dernier, Jérôme Laloux se retrouve en difficulté financière. Les factures s’accumulent et les banques ne suivent plus. « J’avais trois mois pour rembourser 40 000 euros… Mon banquier et mon expert-comptable m’ont conseillé de repasser en agriculture conventionnelle, mais c’est impensable pour moi. » L’agriculteur ne parvient pas à se tirer un salaire, « j’ai dû me déclarer au RSA, poursuit-il, j’étais à bout ».
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Pris à la gorge et épuisé moralement, Jérôme Laloux prend la décision de vendre son troupeau de bovins, « cela m’a permis de payer les factures ». Il doit aussi se séparer de son boulanger et de sa vendeuse…
Tout en continuant de cultiver ses 55 hectares et de fabriquer sa farine, Jérôme Laloux prend alors le temps de réfléchir et de repenser son projet. « J’ai tout remis à plat, j’ai tiré aussi quelques leçons. J’ai décidé d’arrêter certaines cultures comme la betterave qui nécessite énormément de temps pour une rémunération quasi-nulle. Je me suis soulagé aussi de certains engagements. »
Jérôme Laloux a repris du poil de la bête, et compte bien faire revivre son projet. Car il en est convaincu, son système marche, la crise du bio est passée, la demande repart. Le paysan boulanger souhaite donc une seconde chance. Il a pour ambition de relancer son activité d’élevage, « j’aime ça et c’est tout à fait cohérent dans mon système ». Il souhaite reformer un petit troupeau, « d’une dizaine de bovins » d’abord. Il veut aussi reprendre la fabrication de pain.
Mais pour y parvenir, l’agriculteur a besoin d’argent, 60 000 euros pour être précis. « Pour racheter des génisses, il me faudrait 40 000 euros, et pour l’activité boulangère, j’ai besoin d’un four professionnel dont le coût s’élève à 15 000 euros – celui que j’ai construit devient trop fragile – et d’une chambre froide pour la fermentation de la pâte qui revient à 5 000 euros. Des outils qui me permettront d’avoir de meilleures conditions de travail », détaille le paysan boulanger. Pour l’activité pain, Jérôme Laloux s’est également mis à la recherche d’un associé paysan boulanger, « c’est une activité qui fonctionne, j’ai les marchés. Mais je ne peux pas faire cela tout seul ».
Pour rassembler cette somme, Jérôme Laloux a décidé de faire appel à la générosité du public en lançant une cagnotte en ligne sur la plateforme Leetchi. En quelques jours, cette cagnotte a déjà rassemblé plus de 6 000 euros.
Hélène Graffeuille
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