Bien sûr, il y a le jeu de mots. Happy pour apiculture, quelques lettres suffisent à illustrer le bonheur – en français dans le texte – de voir butiner les abeilles. Mais la joie de Mathilde Dusart ne se confine pas aux ruches.
Elle rayonne dans l’atelier de transformation de son bâtiment pimpant implanté en plein cœur de la Pévèle. Elle se propage au-delà des murs. Elle se diffuse dans les enclos alentour, les vergers et les champs qui s’étendent un peu plus loin.
Pour en arriver là, Mathilde Dusart a étudié la biologie avant d’empocher un diplôme rennais d’ingénieure agronome. Elle a navigué le temps d’un service civique d’école en école, de cantine en cantine pour parler agriculture biologique aux élèves avec A pro bio. Elle s’est posée à Amiens. Elle y a accompagné des porteurs de projets, plutôt « atypiques », caractérise-t-elle, avant d’avoir envie de prendre le large à son tour.
À force de soutenir l’envie d’entrepreneuriat des autres, cela donne envie d’y aller, glisse-t-elle en se remémorant les mois qui ont suivi son retour dans le Nord. Nous sommes en 2019 et son oncle, installé à Landas, songe à la retraite. « La cession s’est faite naturellement », se souvient celle qui a d’abord aidé aux moissons avant de reprendre les terres petit à petit. En mai 2020, alors que la France se déconfine, Mathilde Dusart crée officiellement son entreprise, la ferme Happy.
Elle plante ses premiers arbres fruitiers, mitonne ses premières confitures et l’aventure est lancée. Pour son nouveau verger, elle se lie au parc naturel régional Scarpe-Escaut et choisit des variétés ultra-locales comme la cerise de Sars ou la (pomme) tardive de Bouvignies. « </i>Un arbre, une variété », dicte-t-elle avec une volonté pédagogique : montrer la diversité des goûts, des couleurs, des précocités. « Le verger est conduit en permaculture », poursuit-elle.
Pommes, poires, prunes, coings, pêches, cerises mais aussi framboises, mûres, cassis, groseilles, baies de goji, mûroise, casseille et quelques myrtilles : Mathilde Dusart choisit de cultiver – sans produits phytosanitaires – « ce qui est adapté au territoire et au sol ». Ce n’est pas le cas des myrtilles notamment, car « les sols ne sont pas suffisamment acides. » En revanche, elle compte une douzaine de variétés de framboisiers, ce qui lui permet d’étaler la récolte de juin à septembre. À l’automne, elle cueillera également ses premiers raisins. Outre ses 3,5 hectares de vergers, la Nordiste a près de 50 autres hectares cultivés en céréales pour lesquelles elle « réduit l’IFT » (indice de fréquence de traitement, ndlr), vise-t-elle.
La moitié des fruits récoltés – « les plus beaux » – sont vendus en frais aux pâtissiers, restaurateurs, quelques glaciers et sur des marchés de temps à autre. La seconde moitié est directement transformée – car « c’est une forme de conservation » – dans son tout nouvel atelier inauguré le mois dernier. « Je congèle au minimum pour éviter de consommer de l’énergie et de gorger les fruits d’eau », indique-t-elle.
Elle imagine ses confitures au gré des saisons et des rencontres. « Parfois, les recettes sont inspirées d’un client, parfois d’un pâtissier », dit-elle en citant
le duo framboise-verveine qui convainc en tartelette comme en confiture. Elle teste les dosages, les goûts, les associations. La gamme est variée, autant que les fruits qui mûrissent dans les vergers. « Cet hiver, j’avais 22 références différentes », calcule-t-elle. Dont l’une d’elles a obtenu le Saule d’or et le prix coup de cœur de la presse au concours des Fins gourmets du parc naturel Scarpe-Escaut : celle de poire-groseille.;
Aujourd’hui, Mathilde Dusart produit entre 5 000 à 6 000 pots de confiture chaque année qu’elle vend sur place ainsi que dans 13 autres points de vente. Elle compte bien monter jusqu’à 8 000 avec son nouvel atelier. « Pas plus, je veux garder le côté artisanal », dit celle qui cueille, confectionne, met en pot et étiquette seule et à la main. Elle songe plutôt à élargir sa gamme avec des pâtes de fruits, sirops et compotes.
Elle garde aussi en tête son envie de partager et d’échanger. Anniversaires à la ferme pour les enfants, ferme pédagogique, ateliers pour les adultes afin de « partager les savoirs et échanger les pratiques », les idées fusent. « L‘ouverture est importante des deux côtés », dit celle qui veut maintenir le lien entre consommateurs et agriculteurs.
C’est aussi pour cette raison qu’elle a ouvert grand les portes de son nouveau bâtiment le mois dernier. Les visiteurs ont découvert sa collection de confitures mais aussi ses animaux qui peuplent les enclos alentour. Lapins, oisons, canetons, moutons, poules sont là pour animer la basse-cour, certes, mais aussi entretenir les vergers. « Le coureur indien attaque les limaces. Les oies fertilisent les sols. Les poules mangent les vers du pommier qui se développent dans le sol. Les lapins se nourrissent des déchets de transformation. Les abeilles pollinisent les arbres fruitiers… » Et puis il y a Watson, le border, qui veille sur ce troupeau éclectique. Chacun a sa place. Comme Mathilde Dusart, qui l’a trouvée en créant sa ferme Happy. « C’est mon bonheur », conclut-elle, en français dans le texte (bis).
Louise Tesse
ltesse@terresetterritoires.com
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