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Le soleil se lève sur la plaine des Flandres, à Bailleul (59). En arrivant sur la ferme de la famille Richard, on aperçoit les clochers à travers la brume matinale. Il est 7 h. Jean-Noël contrôle que les 2 400 cochons en engraissement ont suffisamment d’eau et que la distribution automatisée de nourriture se passe comme prévu.
Pendant ce temps, son fils, Guillaume, 26 ans, livre des bières avant de le rejoindre dans l’après-midi pour les travaux de la ferme. Encore double actif, il s’apprête à reprendre les rênes de cette exploitation qui comprend un élevage de cochons mais aussi de 40 hectares de blé, de betteraves, de maïs, de pommes de terre et de colza. Le 1er février 2021, il s’installera en tant que chef d’exploitation aux côtés de sa maman, Martine.
Son père, qui travaille depuis l’âge de 16 ans, prendra alors sa retraite. « Depuis tout petit, je veux être agriculteur, mes ancêtres, agriculteurs, ont tous mangé autour de cette table », explique Guillaume en appuyant sa main sur le meuble en bois massif.
Présent depuis maintenant un an dans la ferme avec sa compagne Claire, infirmière, ce fils issu d’une famille d’agriculteurs depuis sept générations ne se séparerait pour rien au monde de cette table. « J’aimerais qu’elle traverse d’autres générations, confie-t-il. L’enjeu de taille, c’est de réussir à la transmettre. »
La reprise, pour lui, semblait naturelle, comme une évidence. « J’ai toujours travaillé dans la ferme. Mes parents me surveillaient lorsqu’ils s’occupaient des truies. Ça m’a appris le travail », raconte Guillaume souriant.
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Depuis un an, Guillaume prépare la reprise. « Le plus difficile pour nous est d’estimer la valeur de la ferme. Mes parents veulent vendre à un prix élevé pour assurer leur retraite et je souhaite acheter moins cher car sinon je devrais emprunter davantage », souligne-t-il, sans tabou. Il précise que la décision finale sera le choix personnel des parents.
Pour l’accompagner dans cette démarche, il a sollicité les services du Point accueil installation-transmission (PAIT) de la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais concernant les procédures administratives ainsi que la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) au sujet de la recherche de terres à reprendre.
Pour ce rêveur de nature, les projets ne manquent pas pour diversifier les activités de la ferme. En avoir est d’ailleurs une nécessité à ses yeux. Guillaume compte maintenir l’activité d’élevage porcin et prépare un nouveau projet encore secret qui sera lancé l’année prochaine. « Quand on reprend une ferme, on hérite des pratiques des parents. Chaque modification que l’on fait a des conséquences sur tout ! », explique-t-il.
Au sommet du pignon de la ferme, il a décidé de restaurer une cloche d’époque qui servait autrefois à appeler les ouvriers pour le repas. Cette cloche est comme un symbole, un lien entre les générations. « Reprendre après sept générations, c’est un honneur », avance-t-il. Mais aussi une grosse responsabilité : « Tu ressens le poids de l’héritage et la honte que tu peux avoir si tu échoues. »
Jean-Noël, son père, a repris la ferme de son grand-père en 1985. Une exploitation de 35 hectares avec des vaches, des veaux et des cochons. « J’étais à la fois naisseur et engraisseur jusqu’en 2012. Suite à des soucis de santé, je n’ai gardé que l’activité d’engraissement. »
Pour lui, qui n’a pas exigé de ses enfants qu’ils poursuivent des études agricoles, la reprise de la ferme est tout de même une fierté. « Ça reste dans la famille », se réjouit-il. Pourtant, il reconnaît que travailler en famille peut-être source de tensions, voire de conflits. « C’était très dur de travailler avec mon père. Depuis, j’ai tourné la page », explique-t-il en préparant les aliments pour les porcelets nouvellement arrivés.
Enfin, le passage d’une génération à l’autre passe souvent par une redéfinition des pratiques et une réappropriation des activités. Ce futur retraité est partisan du « laisser-faire ». « Je vais l’aider, mais les conseils, il les connaît. »
Il le reconnaît, c’est un métier difficile. D’un point de vue physique, notamment, pour le nettoyage les bâtiments au nettoyeur haute pression. « Ça casse le dos ! » Heureusement, il peut déjà compter sur son fils. Même si Jean-Noël est inquiet quant à l’avenir de l’agriculture, il a confiance en son fils et sa force. Une chose s’annonce sûre : Guillaume commencera sa vie de nouvel installé en remettant la cloche historique sur le toit de la ferme.
Victorine Alisse