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09-04-2025

Tarek Oueslati, l’homme qui murmurait à l’oreille des os

Tarek Oueslati est archéozoologue. Il étudie les os d’animaux pour comprendre leurs relations avec l’Homme dans les sociétés du passé.

Tarek Oueslati, archéozoologue © T.R

Tarek Oueslati voit le jour le 30 mai 1974 à Carthage, en Tunisie. Il n’est pas plus haut que trois pommes quand il accompagne sa mère sur son lieu travail, dans une entreprise de prospection et d’exploitation de pétrole. Il y croise des géologues texans parés de santiags et chapeaux de cow-boys qui louvoient entre les nappes d’or noir pour prélever des échantillons de roche.

L’enfant, fasciné, se rêve alors géologue. Sa maîtrise en sciences naturelles à l’Université de Tunis en poche, il décroche une bourse et débarque à Paris en octobre 1997, au Muséum national d’histoire naturelle. Là, il découvre l’archéozoologie, une discipline à la croisée des sciences naturelles et historiques, dont il fait sa spécialité. Il apprend à décrypter les restes animaux prélevés sur les sites archéologiques, retraçant ainsi les pratiques alimentaires et les rapports entre l’homme et l’animal à travers les siècles. « Je n’avais jamais mis les pieds sur un site de fouilles avant de commencer l’archéologie ! », confie-t-il en riant. Il enchaîne avec un doctorat et une thèse sur l’alimentation à Paris à l’époque romaine.

En 2003, il pose ses valises et rejoint l’unité mixte de recherche 8 164 HALMA (Histoire, archéologie, littérature des mondes anciens) de l’Université de Lille, où il travaille encore aujourd’hui, au laboratoire de bioarchéologie animale. À 50 ans, c’est en chair et en os, avec un grand sourire contagieux, qu’il nous ouvre les portes de son laboratoire.

Faire parler les ossements d’animaux

« Mon métier consiste à faire parler les ossements d’animaux que les archéologues découvrent lors de la fouille : qu’il s’agisse de déchets de consommation, de témoins d’activités cultuelles ou encore de cadavres d’animaux. » Chaque jour, il plonge dans les sacs d’ossements remontés des fouilles, un puzzle que ses mains patientes assemblent. Il identifie les fragments grâce à une collection de plus de 1 200 squelettes de référence : mammifères, poissons, oiseaux… véritable bestiaire figé dans le temps. Il retrace les routes commerciales de denrées exotiques, décrypte les modes de consommation et perce les secrets des pratiques culinaires oubliées.

Son savoir, il le partage sans compter, à travers l’enseignement, la formation de jeunes chercheurs, les publications scientifiques et des expositions grand public.

Ne pas savoir sur quel os on va tomber

Parmi les découvertes qui l’ont le plus marqué, il narre la fouille d’une villa romaine à Écly, dans les Ardennes. Dans un puits, les archéologues exhument les restes de dix daims, une espèce importée par les aristocrates Romains pour éblouir leurs invités. À leurs côtés, 226 fœtus de chiens, témoins probables d’un élevage sélectif destiné à une élite. « Une découverte spectaculaire qui soulève encore bien des questions sur l’origine et la gestion de ces animaux », s’enthousiasme-t-il.

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Mais l’archéozoologie ne se limite pas aux trouvailles spectaculaires. À Tourcoing, Tarek Oueslati et son équipe ont révélé une saisie de poissons avariés datant du Moyen Âge, preuve tangible de la réglementation alimentaire de l’époque. « L’archéozoologie est indispensable, c’est la seule source pour documenter l’exploitation et la consommation des animaux. Les sources écrites vont relater des faits exceptionnels alors que l’étude des déchets de consommation et d’élevage va informer sur les faits quotidiens. »

Joueur et rieur, il avoue ne pas planifier son futur. Son travail dépend des découvertes de l’archéologie préventive, cette discipline qui explore les terrains voués à l’urbanisation. « Chaque caisse que nous recevons est une boîte surprise ! On ne sait jamais sur quel os on va tomber ! », plaisante-t-il.

Sportif jusqu’à la moelle

Hors du laboratoire, il aime se dépasser, aller au-delà de ses limites. Fraîchement débarqué dans la cinquantaine, il boucle un Ironman : 3,8 km de natation, 180 km de vélo et 42 km de course à pied. « L’espoir, c’était d’approcher des 12 heures. Je l’ai fait en 11 h 48, donc je suis plus que satisfait. C’était deux ans de préparation. Beaucoup de pauses déjeuners supprimées et moins de temps disponible pour la famille le week-end, mais c’était un petit défi pour les 50 ans ». Un « petit défi » oui…

En tout cas, Tarek Oueslati compte bien faire de vieux os dans sa profession.  

Timothee Renaud 

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