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18-07-2025

Les châtelains 2.0 d’Esquelbecq

Après la Grande boucle à vélo, on vous emmène cet été pour d’autres « petites » boucles. Deuxième étape : les châteaux avec un zoom sur celui d’Esquelbecq, où la dernière génération compte imprimer sa marque.

1470. La famille Ghistel, originaire de Bruges, décide de se construire un petit château de défense passive composé de deux ailes d’habitation. Nous sommes dans l’arrière-pays rural de la Flandre, où les champs font la richesse des grandes familles. Plusieurs d’entre elles se succèdent et le château, alors entouré de 250 hectares de terres, devient un lieu de plaisance à partir du XVIsiècle. Un diaporama en noir et blanc est visible pendant la visite des lieux qui, sur fond de musique joyeuse, fait défiler les parties de tennis et autres cousinades du début du siècle (dernier). Seconde Guerre mondiale, le château est tour à tour occupé par les Allemands et les Alliés, devient hôpital de campagne…

1946. Le château entre dans la famille Morael. Jean, le grand-père, a vu sa maison brûler pendant la guerre. L’industriel souhaite racheter quelque chose dans la région, ce quelque chose sera le château d’Esquelbecq. Il conforte l’édifice, réalise quelques travaux d’aménagement et vient y passer les week-ends et les vacances en famille, comme le fera plus tard Maude, la mère. C’est dans ce cadre que la résidente de la région parisienne se marie. Les fêtes du château sont organisées régulièrement, et marquent le début de l’ouverture au public : quelques événements, en partenariat avec l’église, relatées par des affiches anciennes encadrées dans la cuisine restée dans son jus. Là, un potager à 10 creusets (photo 3) et un fourneau Briffault du XIVe siècle que l’actuel propriétaire imagine utiliser pour des événements, car c’est aujourd’hui l’avenir du château qui s’écrit avec la dernière génération. Mais pas trop vite.

1984. Le donjon haut de 126 marches s’effondre sur l’aile nord ne faisant pas de blessés, la famille de passage pour le week-end était rentrée plus tôt à Paris pour cause de mauvais temps. Le château est fermé, Johan a cinq ans. Il se souvient avoir arpenté les jardins, quelques hectares arrachés au démantèlement progressif du domaine, comme c’est le lot des châteaux au fil des ans.

2005. Maud et Joseph, les parents, deviennent propriétaires du château. Ils le réouvrent en 2017 pour une année zéro – seuls les jardins sont accessibles au public jusqu’en 2020 – et se lancent dans les gros travaux de consolidation. L’aile nord est rebâtie, conservant de l’accident un volume permis par l’absence d’étage et une forme de décoration baroque : murs bruts, charpente visible. C’est la salle d’exposition, où des cadres vides bordent des fissures murales (photo 4), où des photos et autres installations viennent tisser des liens entre le passé et le présent. Une bonne part de ces œuvres est signée Anne-Laure Cros, la châtelaine actuelle, puisque Johan Tamer-Morael et son épouse deviennent à leur tour propriétaires des lieux en 2018.

Elle, aime mettre en images et en volumes les petits détails des lieux : ici des ardoises posées façon château de cartes, là une muraille de livres faite de briques disparates récupérées sur le site et décorées de couvertures de livres, « tous censurés à un moment de l’histoire pour une raison ou une autre », décrypte l’artiste du couple. Un lustre est encore composé des vieilles clefs retrouvées dans le château, un autre de pièces de passementerie, pompons et autres rubans décrochés.

Lui, joue clairement le rôle de l’entrepreneur. Ce qui compte pour le quadragénaire aujourd’hui, c’est d’écrire une nouvelle page du château, en imaginant notamment « des actions autour des jardins, de l’art et du patrimoine ». Histoire de partager le patrimoine, certes, mais aussi d’en financer l’entretien. Il ambitionne que le public vienne visiter les lieux, mais aussi y passer un moment, un salon de thé permet désormais de faire une pause pendant la visite, qui propose même le déjeuner ponctuellement. Plus que les faire venir, Johan veut les faire revenir. Pour ça, il ne se contente pas de poursuivre l’aménagement des lieux mais il en imagine la programmation. Une série de travaux sur le pigeonnier, la serre ou les douves a été financée par des dotations de soutien. « On peut désormais faire le tour des douves en barque et la vie est de retour », se réjouit Anne-Laure qui évoque poissons, grenouilles et oiseaux. Tiens, c’est l’un d’eux, un paon, que les néo châtelains ont choisi comme emblème et dont ils ont fait orner le logo du château d’Esquelbecq, cette armoirie des temps modernes.

2018. De nouvelles fenêtres payées par un financement participatif permettent de fermer le château… pour mieux les rouvrir. Le gros œuvre avait été pensé par son architecte de père, naturellement aidé par un professionnel certifié pour intervenir sur les monuments historiques. Lui a d’ailleurs changé d’architecte quand il est devenu propriétaire, « parce que l’ancien était incapable d’envoyer des documents numériques » et que celui qui passe la moitié de son temps en Île-de-France ne pouvait accepter ça. Une façon comme une autre de définir son propre cap, tout en prenant en compte l’histoire du vaisseau familial. Jouxtant le château, l’ancienne auberge sera rénovée, proposant une dizaine de chambres aux visiteurs.

2021. Le loto du patrimoine de Stéphane Bern retient le château d’Esquelbecq parmi les 100 monuments en péril. La même année, c’est le Village préféré des Français qui fait du petit bourg de Flandre son lauréat. Autant de coups de projecteurs bienvenus pour faire connaître l’édifice en pleine renaissance. Si le millier de m2 de surface plancher, réparti en quatre ailes et deux niveaux a évolué au gré des époques et des usages, la façade originelle – « héritage unique de la Renaissance flamande »- et les extérieurs du château en font une de ses forces indéniables. Ceignant l’édifice au-delà des douves, un parc paysager comptant une île, des arbres centenaires, des potagers et autres serres où pommes et poires poussent en palissade et courgettes à foison. Un immense arrosoir trône dans cet écrin végétal qui annonce la couleur : ici on conserve l’ancien mais on n’oublie pas d’être pleinement dans son temps, et dans l’idéal dans celui d’après.  

Lire aussi : Baignade d’été et plongeon dans l’art déco

Justine Demade Pellorce 

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