Actualité
21-05-2025

Stratégie : Mettre le bio au menu des restaurants

180 000 restaurants en France, qui ne proposent qu’1 % de produits bio : voilà une piste de marché défendue par les acteurs de la filière et incarnée par le binôme du restaurant Saisons, à La Madeleine, qui propose 80 % de bio.

Antoine Dacquin, au premier plan, et Pierre Bleuzé, aux fourneaux en arrière-plan, du restaurant Saisons – Cave à manger à La Madeleine. © J. D P.

Antoine Dacquin et Pierre Bleuzé se sont rencontrés dans les cuisines d’un certain Florent Ladeyn en 2007. À l’été 2021, ils ont ouvert Saisons – Cave à manger, restaurant installé à La Madeleine, qui propose « au moins 80 % de produits bio depuis l’ouverture » et sont depuis peu ambassadeurs du programme « Cuisinons plus bio », sous l’impulsion du cabinet de conseil Sublimeurs (voir aussi plus bas).

Pourquoi ? « Parce que nous proposons une cuisine 100 % locale (la Boskoop ne tombe jamais loin de l’arbre, ndlr) et que nous aimons raconter l’histoire des produits que nous cuisinons. Au-delà de ça, nous voulons valoriser une autre façon de travailler », explique Antoine Dacquin.

Toute la cuisine qu’ils aiment

Cette approche c’est celle du mieux et du bon. Et quoi de plus pertinent que le bio pour incarner ces valeurs ? « Nous sommes fiers de proposer de bons produits à nos clients, qui ne se rendent pas forcément compte du travail qu’il y a eu en amont. Les restaurants sont un relais important pour les produits et nous voulons participer à expliquer tout ça », détaille encore le jeune chef. Cuisiner bio et le faire savoir, pour éduquer en quelque sorte.

Entraid’Union : « Faciliter la tâche des restaurateurs »
Entraid’Union est né en 2018 avec l’objectif « de faciliter la tâche des restaurateurs », rappelle Émile Rossignol, son fondateur. Nous vous expliquions dans notre édition du 21 juillet 2023 comment cette « plateforme d’approvisionnement responsable et engagée au service des professionnels de l’alimentation » récupérait les produits sur les fermes partenaires, préparait les colis puis les livrait deux fois par semaine après que les producteurs avaient publié leurs disponibilités et fixé leurs prix, et que les professionnels de la restauration avaient passé leurs commandes. Passé de cinq producteurs à une cinquantaine, avec 60 à 80 clients fournis par mois, Entraid’Union rappelle ses trois piliers : « Rémunérer correctement les producteurs, développer l’agriculture durable – les deux tiers des références livrées par la plateforme sont bio – et rendre accessibles ces produits : si aujourd’hui nous nous adressons essentiellement aux restaurants commerciaux, nous ambitionnons de nous étendre aux collectivités », annonçait le fondateur en début d’année.

Cuisiner bio et le faire savoir, pour éduquer en quelque sorte.

Alors, franchement, plus compliqué pour les restaurateurs de se fournir en bio ? « À peine », juge le co-fondateur du restaurant qui explique avoir « la chance d’être accompagné par Entraid’Union » (notre édition du 21 juillet 2023 et lire ci-contre), cette plateforme qui approvisionne restaurateurs et commerces indépendants en produits locaux, dont les deux tiers sont bio.

« Nous passons même par eux pour certains de nos fournisseurs, avec qui nous passions jusqu’alors en direct : ça permet de tout centraliser et nous sommes livrés deux fois par semaine », se satisfait le jeune chef. Il pense que bio ou pas, « une fois qu’on a trouvé les bons fournisseurs, ça roule ». Et ça permet à ce duo de faire la cuisine qu’ils aiment, quitte à « adapter le modèle économique » aux produits qu’ils proposent.

« Un marché, ça se crée »

C’est aussi le discours de Laure Verdeau. Pour la directrice de l’Agence bio, « on ne peut pas adapter les ambitions au marché, mais l’inverse : un marché, ça se crée ». Et c’est pourquoi l’agence, comme ses partenaires sur le territoire (lire le point de vue de Sophie Tabary, Bio en Hauts-de-France, ci-contre) militent pour qu’une part croissante de produits bio soit utilisée dans la restauration.

On parle souvent d’Egalim, et de l’obligation faite aux collectivités de proposer au minimum 20 % de produits bio (en valeur) dans leur offre de restauration collective : on serait plutôt aux alentours de 6 % dans la réalité d’après la directrice de l’Agence bio qui juge erronés les 12 % officiellement avancés : « C’est une perte de 1,5 million d’euros » pour le secteur, a-t-elle calculé.

On parle aussi de la consommation des ménages, « qui ne consacrent que 6 % de leur budget alimentaire aux produits bio ce qui nous place au niveau des États-Unis », tacle Laure Verdeau qui donne pour contre-exemple les voisins danois qui consacreraient, eux, 12 % à ce même poste.

On parle trop peu souvent de la restauration, où des efforts et des initiatives sont à saluer, mais encore trop timides. « La France a inventé le restaurant après la Révolution. Il y en a aujourd’hui 180 000 dans le pays, qui ne servent qu’1 % de bio », déplore la chantre de l’organique qui y voit une perte de chance pour la filière.

Elle rappelle notamment que beaucoup de chefs louent les agriculteurs, estimant que sans eux il n’y aurait pas de gastronomie. On pourrait aller plus loin en estimant que sans bio, et sans une approche globalement plus vertueuse, plus d’agriculteurs à terme. Chaud devant !  

« Je crois beaucoup à des acteurs comme les restaurateurs pour participer à écrire cette histoire du bio »

Sophie Tabary

Pour Sophie Tabary, présidente de Bio en Hauts-de-France, la région est clairement « dans le peloton de queue » national en termes de surface en agriculture biologique, avec 2,7 % de la surface agricole utile (SAU) contre une moyenne de 10 % dans le reste de l’Hexagone, « en raison d’un système industriel qu’il est très compliqué de transformer », pose l’agricultrice dans l’Aisne.

« Egalim, c’est aujourd’hui 7 % de bio dans la restauration collective au lieu des 20 % prévus par la loi. Et pour les restaurants c’est encore pire », regrette d’autant plus Sophie Tabary que « ce sont des lieux où on invente la cuisine, où naissent les idées » et qu’ils pourraient être « des leviers : je crois beaucoup à des acteurs comme les restaurateurs pour participer à écrire cette histoire du bio ». Pour la présidente de l’association de promotion de l’agriculture bio en région, « ce qui pèse généralement sur la facture des restaurateurs ne concerne pas l’approvisionnement mais les charges ». Pour elle, la cuisine, et a fortiori la restauration « est aussi une façon de faire société ensemble, une fierté à entretenir comme il faut le faire avec l’agriculture ».

Et aussi la restauration collective
Portée par l’Agence bio, la campagne « Cuisinons plus bio » s’adresse aux chefs de la restauration commerciale mais aussi à ceux de la restauration collective soumis, depuis 2018 pour les établissements publics et depuis 2024 pour les établissements privés, à la loi Egalim. Issue des États généraux de l’alimentation de 2018 bâtis sur la volonté de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et de favoriser une alimentation saine et durable pour tous, elle fixe un objectif d’au moins 20 % de produits biologiques dans les achats des restaurants collectifs. On en est loin – l’Agence bio parle de 6 % – mais l’objectif existe, accompagné de diverses démarches comme une réduction du gaspillage, moins de plastique et plus de propositions végétariennes. « Respecter la loi Egalim à 20 % de bio c’est ouvrir un marché évalué à 1,5 milliard d’euros pour les producteurs bios et créer un véritable élan vers la transition alimentaire et écologique », milite l’Agence bio.
Plusieurs labels existent pour mesurer objectivement la démarche de qualité engagée par les établissements : Territoire Bio engagé, Mon restau responsable, Collectif les pieds dans le plat, les labels Ecocert en cuisine, Écotable ou encore Bon pour le climat.
Dans la région, un chef de restauration collective est ambassadeur de la campagne « Cuisinons plus bio » : Xavier Verquin, qui propose 70 % de bio au menu à Lys-lez-Lannoy (59). D’autres initiatives existent, comme Coopérabio, événement consacré aux professionnels de la restauration collective des Hauts-de-France porté par AProBio. Chaque année, il réunit chefs de cuisine, acheteurs, convives, fournisseurs, prestataires et élus pour favoriser des échanges constructifs sur l’introduction de produits bio dans la restauration collective et contribuer au renforcement des compétences en la matière.

Justine Demade Pellorce

Partager l'article

alimentation Bio Hauts-de-France Nord Pas-de-Calais

Dans la même rubrique

Actualité

Les châtelains 2.0 d’Esquelbecq

Lire la suite...

Actualité

Berthen. Marie-Thérèse Cadet tient les rênes de la fête de l’attelage

Lire la suite...
Pogacar Prud'homme - Lille ©F.D

Actualité

Quelques détours sur le Tour en photos

Lire la suite...
À Cambligneul, on a fait rimer histoire avec territoire et terroir.© FDSEA 62

Actualité

La pluie n’a pas rincé la mobilisation sur la Grande boucle

Lire la suite...

Actualité

Baignade d’été et plongeon dans l’art déco

Lire la suite...
Feu d'artifice ©Wirestock

Actualité

Feux d’artifice pour le week-end du 14 juillet 2025

Lire la suite...

Ecoutez son histoire !

par Justine Demade Pellorce

<< Gérante de la brasserie Thiriez, Clara parle de son parcours - venue pour 3 mois... il y a 11 ans ! >>

écouter