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Damien Dubrulle vient de prendre la présidence d’Axema, le syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l’agroenvironnement.
Ce « pur Flamand » de 54 ans a fait de Downs, à Sainte-Marie-Cappel (59), une success story et entend partager son credo « innovation et international ».
J’y suis arrivé de manière tout à fait fortuite.
Je sortais d’une école de finance. Mon grand-père m’a appelé pour me dire que mon oncle allait déposer le bilan de sa concession agricole et qu’une entreprise Dubrulle ne dépose pas le bilan.
Je n’avais pas d’argent. C’est mon père qui a racheté l’entreprise, que j’ai reprise en 1993. Il y avait alors un commercial, un technicien et moi.
Ma première décision a été de ne faire plus que du matériel pour la pomme de terre. Il y avait un besoin, un marché, on s’en est occupé et on a professionnalisé notre manière de travailler. Entre 1993 et 1999, on a multiplié par 30 le chiffre d’affaires !
À tel point que le fournisseur Downs, chez qui je représentais 50 % du chiffre d’affaires, a décidé d’arrêter de prendre des commandes. Ce qui m’a poussé à commencer à construire des machines.
Oui, on a créé une petite usine, avec un bureau d’études et de création 3D, ce qui était audacieux à l’époque. Et en 2006, on a racheté Downs.
Depuis, j’ai deux choses en tête : l’innovation et l’international. Car il ne faut pas oublier que la France n’est que le huitième producteur mondial de pommes de terre avec 8 millions de tonnes.
La Chine est première avec 100 millions de tonnes, l’Inde deuxième avec 50 millions de tonnes. C’est le premier légume cultivé au monde.
L’autre tournant, c’est en 2017, une rencontre avec quelqu’un qui me parle de l’intelligence artificielle. C’est la naissance de Crop vision (un trieur optique équipé de caméras industrielles couplées à un algorithme d’intelligence artificielle, ndlr). En 2019, la première machine voit le jour. En 2023, on a un objectif de 50 machines, déjà atteint en termes de ventes et on crée une nouvelle usine de 5 000 m2. On emploie 76 personnes, dont 16 à l’innovation et en recherche et développement.
Et l’international représente aujourd’hui 30 à 40 % de notre chiffre d’affaires. On a des demandes de partout dans le monde.
Je l’ai intégré en 2007 pour le volet international et technique, puis je suis devenu vice-président de la commission international et il y a sept ans, je suis entré au conseil d’administration.
Depuis quatre ans, j’étais trésorier. Frédéric Martin, après deux mandats à la présidence, m’a proposé de prendre la suite. C’est un beau challenge et c’est utile. Ça fait grandir et on est avec des gens qui ont une vision, une stratégie, de l’anticipation. Axema, c’est 235 entreprises, petites et grandes, 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 90 % de l’offre française.
Il y a la question de l’attractivité de nos métiers, avec 10 000 postes ouverts de la construction à la distribution. Il faut qu’on quitte notre image de vieille industrie : il y a plus de technologies dans un tracteur que dans une voiture !
On emploie tous les corps de métiers : de la découpe via des machines laser, à la conception 3 D, aux chercheurs en intelligence artificielle, aux ingénieurs… Il y a aussi le sujet de la décarbonation.
Comment s’organiser et anticiper en construisant une filière de l’agroéquipement décarboné. Mais il faut des signaux forts de la part du gouvernement pour savoir vers quoi on veut s’orienter : l’hydrogène, l’électrique, le méthane ?
Les industriels sont prêts, il nous faut des prises de position. Axema, c’est aussi deux salons, le Sima et le Sitevi avec la question, là aussi, de l’attractivité avec de moins en moins d’agriculteurs et donc de visiteurs.
Mais je n’ai jamais raisonné en termes de visiteurs mais de coût par contact. Et les clients, quand ils viennent aujourd’hui, ne recherchent plus les mêmes choses. Avec internet, ils connaissent déjà les machines.
On continue de travailler sur l’innovation. On a racheté en novembre 2022 la start-up Salto, de tracking et géolocalisation des caisses. Aujourd’hui, on sait ce qu’on met dans une caisse et on sait où elle se trouve. On peut suivre l’état des stocks depuis son smartphone.
Mon but est de continuer à assurer la pérennité et le développement de la société si l’un de mes quatre enfants veut reprendre.
1993. Il reprend l’entreprise de son oncle, concessionnaire agricole.
2015. Il entre au conseil d’administration d’Axema, puis en devient trésorier quatre ans plus tard.
2019. Son entreprise sort le trieur optique pour pommes de terre Crop vision, s’appuyant sur l’IA.
2023. Il est élu à la tête d’Axema et son entreprise s’agrandit de 5 000 m2 pour répondre à la demande.
Claire Duhar
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