Actualité
15-10-2025

Savons : de l’idée à la formule au Maroc

Dans la région de Ouarzazate, au Maroc, Corosa transforme le lait de chèvre en yaourts et fromages. Au printemps, les femmes de cette coopérative ont été formées par des Nordistes à la fabrication de savons.

L’idée est née à quelques milliers de kilomètres de là. Dans le Nord de la France, Bérénice Denis-Lemaitre a créé une savonnerie artisanale. Elle y fabrique chaque année savons et autres cosmétiques à partir de produits naturels et forme – parce qu’elle adore ça – pour transmettre son savoir-faire.

Au printemps 2025, elle s’est rendue avec Élevages sans frontières (ESF) au Maroc, à Ouarzazate, pour y rencontrer les femmes de Corosa. Soutenue par l’association lilloise, cette coopérative transforme depuis 2010 le lait de chèvre des éleveuses de la région en yaourts et fromages, vendus ensuite sur les marchés, aux hôtels et aux restaurants.

Transformer quelques litres en savons parfumées aux essences locales, l’idée séduisait Pauline Casalegno, directrice d’ESF. D’autant que cette région du sud-est marocain regorge d’oliviers, de plants de verveine, de fleurs d’oranger et d’épices variées que l’on retrouve dans les mets traditionnels et qui se marient particulièrement bien aux cosmétiques. Au pied du Haut-Atlas, visible depuis Ouarzazate, s’étend aussi la vallée des roses foisonnante de pétales et d’eau de rose, des trésors pour de futures recettes de savons…

Formules magiques

Mais avant de parler recette, parlons chimie et molécule : Bérénice Denis Lemaitre commence sa formation par quelques formules magiques. Triglycérides d’acide gras et soude donnent glycérine et savon. « On a de la chance, dans le lait de chèvre, il y a beaucoup de corps gras », assure la formatrice. Du lait de chèvre, les éleveuses des villages voisins, accompagnées par l’association Rosa et la coopérative Corosa, en extraient chaque matin. Un litre patiente d’ailleurs au frais.

Autour de la table, on trouve notamment Imane, Khadija et Tahra, salariées de l’une ou l’autre entité, prêtes à apprendre les gestes qu’elles reproduiront ou transmettront ensuite. Au lait de chèvre, on ajoute l’eau – qui va permettre à la soude de réagir – puis les huiles et les additifs. « La reine en savonnerie, c’est l’huile d’olive, promet Bérénice Denis Lemaitre. Le risque de rater des savons avec l’huile d’olive est assez faible. » Contrairement à l’huile de coco, elle mousse peu mais est très douce pour la peau. « Il faut jongler entre les différents facteurs pour trouver quelque chose de stable, reprend la Française. Selon l’indice de saponification des huiles, on adapte la quantité de soude. »

Place à la créativité

Les apprenantes enfilent leur blouse et se rendent en cuisine. Et pour la première fois, elles suivent les différentes étapes de fabrication d’un savon. À commencer par les préparatifs : plan de travail propre et dégagé, ustensiles disposés et nettoyés, ingrédients à proximité, recette mémorisée (et fixée au mur). Masquées et gantées, elles versent la soude, dont il faut se protéger et se prémunir des éclaboussures, avec le lait pour que les deux liquides réagissent.

Après refroidissement, les huiles sont ajoutées au mélange qui est ici réparti en trois bacs. Pour leurs premiers savons, les femmes ont choisi une version au miel avec quelques gouttes d’huiles essentielles de sauge ou de romarin, une autre à l’hydrolat de fleur d’oranger et une troisième à l’eau de rose. « Puis on mixe et on met en moule rapidement pour éviter que ça ne fige dans la cocotte », indique Bérénice Denis Lemaitre.

Place à la créativité : pétales de rose pour orner les uns, marbrures pour embellir les autres, ou encore safran pour en sublimer certains. Reste à oublier le tout une vingtaine d’heures avant de démouler et couper.

Festival des roses

La formation ne s’arrête pas là puisqu’il ne suffit pas de savoir faire des savons pour les transformer en activité économique rentable pour la coopérative. « C’est une autre porte de revenu que l’on ouvre dans le cadre de la diversification des activités de Corosa », justifie Tahra, la directrice, qui évoque les périodes de mises bas en janvier et février durant lesquelles la collecte de lait s’interrompt et seule la fabrication de yaourts se poursuit avec le lait stocké.

Étude de prix, analyse de la concurrence, choix des fournisseurs sont scrutés à la loupe par Bérénice Denis-Lemaitre et Claire Decroix, venue prêter main-forte. C’est elle, d’ailleurs, qui résumera les différentes étapes du protocole à l’aide de photos, certaines femmes de la coopérative ne sachant pas lire.

Savoir faire des savons pour les transformer en activité économique rentable pour la coopérative.

Pendant que les savons sèchent – « plus rapidement que chez nous, le climat est parfait ici ! » – les femmes imaginent les futures étiquettes qui encercleront les produits et rédigent en arabe, français et anglais les informations et compositions. « Les réglementations marocaines et françaises sont assez semblables », indique la formatrice.

Une course contre la montre s’engage. Le festival des roses qui célèbre la saison de la récolte des fleurs, a lieu dans quelques jours et l’association souhaite y vendre les savons tout beaux, tout chauds (ou presque). Impression des étiquettes, improvisation d’un studio photo dans les locaux de l’association pour réaliser les dépliants, les femmes ne chôment pas avant de charger les véhicules pour la vallée des roses où elles seront complètement dévalisées. Une belle réussite pour cette première confrontation à une future clientèle.

Quant aux femmes de Corosa, elles pensent déjà aux crèmes de jour, qu’elles aimeraient fabriquer avec quelques litres de lait de chèvre. Elles ont l’idée, reste à trouver la formule.

Lire aussi : Solidarité. Trek au Maroc : élan rose et colère noire

Louise Tesse 

Partager l'article

Agriculture Hauts-de-France monde agricole Transformation agricole

Dans la même rubrique

ertaines plantes possèdent la faculté de stocker des nutriments dans leurs racines, permettant de les garder en surface pour les cultures suivantes. © A. C.

Actualité

Jérôme Hary et l’agriculture régénératrice

Lire la suite...
Le planétarium hybride est le seul de France avec une disposition concentrique des sièges, pour exploiter les 360° du dôme. © PHILIPPE HOUZÉ / CÉDRIC ARNOULD / FORUM DÉPARTEMENTAL DES SCIENCES

Actualité

La tête dans les étoiles, les pieds sur Terre au Forum des sciences

Lire la suite...

Actualité

Le sol vivant au cœur d’un festival

Lire la suite...

Actualité

Avesnes-lès-Bapaume : Au cœur d’Excelience, usine de semences de céréales

Lire la suite...

Actualité

Des coopératives locales et leurs pistes de diversification

Lire la suite...

Actualité

Coopératives. Des services par milliers

Lire la suite...

Ecoutez son histoire !

par Justine Demade Pellorce

<< Gérante de la brasserie Thiriez, Clara parle de son parcours - venue pour 3 mois... il y a 11 ans ! >>

écouter