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06-03-2025

Brasserie. Clara Thiriez, famille et touche de poivre

Clara Thiriez a officiellement repris la brasserie éponyme, fondée par son père en 1996 à Esquelbecq, en novembre dernier. Rare femme dans un milieu masculin : un sujet ? Pas pour celle qui mise sur la continuité sans oublier une bonne dose de poivre, sa petite touche à elle.

Petite, Clara Thiriez était surnommée La blonde d’Esquelbecq. Aujourd’hui, elle la commercialise. © J. D . P.

Hériter des recettes familiales et y ajouter ses épices. Clara Thiriez vient de prendre la direction de la brasserie fondée par son père en 1996 à Esquelbecq, en Flandre intérieure. Et si elle est l’une des rares femmes à ce poste, elle ne s’en fait pas tout une histoire. N’empêche que c’est chez elle que l’association de biérologie féministe et anti-raciste des Buveuses de bières avait choisi de faire son brassin annuel, le 6 mars. Hasard ? Je ne crois pas.

Clara est la fille de David Thiriez, descendant des filatures DMC : « La bourgeoisie lilloise. » Après des études de sciences politiques, il travaille quelques années dans la grande distribution, côté ressources humaines. « C’était la période faste d’Auchan et il en a eu assez de ce rythme, à la trentaine il a eu envie d’indépendance en créant son entreprise. La bière connaissait son renouveau, notamment outre-Atlantique où ma mère, Canadienne, avait pu voir la dynamique : il a choisi de créer une brasserie. S’il avait été dans le sud, il se serait peut-être lancé dans le vin », observe la trentenaire en rembobinant le parcours paternel. Un parcours qui conduit en Flandre, pour l’opportunité d’un corps de ferme qui accueillera la première brasserie (600 hectolitres par an) et la famille.

Clara, alors petite blondinette, est surnommée la blonde d’Esquelbecq (nom d’une des bières de la gamme) au village et ça ne lui plaît pas. « Je n’étais pas forcément à l’aise avec l’idée d’être la fille du brasseur. Les choses ont bien changé depuis et ma fille a été super fière quand, avec le centre aéré, ils sont un jour venus visiter la brasserie », explique l’intéressée.

En 2006, une nouvelle brasserie est construite, permettant à l’affaire familiale de brasser 2 500 hectolitres par an. « Une échelle que nous souhaitons garder », annonce la patronne. « Nous sommes sur notre rythme, nous avons une super équipe de sept personnes et notre entreprise est rentable. Nous allons plutôt essayer d’améliorer les conditions de travail que chercher à en faire toujours plus », poursuit-elle. Une philosophie à l’image de la brasserie et de ses hommes : simple et bien.

Venue pour trois mois… il y a onze ans

La gamme se déploie aujourd’hui en dix bières permanentes plus quelques éphémères, parfois brassées en collaboration comme cette This is fine tout fraîchement concoctée avec la brasserie croisienne Cambier, victime d’un incendie ravageur fin décembre. « On fait pas mal de choses mais on ne fait pas tous les styles : on se contente de faire ce qu’on maîtrise », lance Clara qui avoue sa petite préférence pour l’Étoile du nord, une saison houblonnée avec du houblon local. Elle, a rejoint la brasserie il y a 11 ans. Elle était venue pour trois mois.

Née à Tourcoing, elle suit donc sa famille dans ce petit village à l’âge de six ans. Plus grande, elle veut devenir psychologue, fait une licence de psycho à Lille puis un master de psychologie légale à Mons, en Belgique. Elle fait notamment quelques stages en prison et, à aucun moment elle n’envisage de reprendre la brasserie. « Probablement dans un mécanisme classique d’opposition », imagine celle qui vient donner un coup de main à son père « sous l’eau » quand elle rentre en France, diplôme en poche mais dans l’impossibilité de pratiquer avant quelques stages pour valider l’équivalence.

Nous sommes en 2014 et, si elle a grandi dans une brasserie, elle n’a jamais trop partagé à ce sujet avec son père. « Il travaillait énormément et quand, étudiante, je rentrais le week-end, il voulait parler de tout sauf de brasserie », se souvient-elle. Début des années 2000, c’est le boom de l’affaire, et seulement trois salariés parmi qui le père de Clara qui cherche alors quelqu’un de confiance pour les démarches administratives, de douane etc. « Et j’arrive pour ça, pour un job de trois mois. » Onze ans plus tard, Clara Thiriez dit avoir aimé l’hyper diversification de son poste, son dynamisme. « Et puis le milieu de la brasserie, ses clients sont très sympas. » Elle aime aussi les rapports humains constants qu’impose son travail, à l’opposé de ses expériences en psychologie où « on est un peu seul » et où « on doit rendre des comptes ».

C’est qui la patronne ?

Elle se plaît rapidement dans le monde de la brasserie, et comprend aussi vite « qu’il y avait de la place pour les projets ». Et donc pour ajouter ses ingrédients personnels à l’image de ce poivre, avec lequel elle tente une première recette en 2017 avant que d’autres ne suivent.

Elle se rapproche physiquement d’abord, passant de Lille à Bailleul puis à Esquelbecq où elle s’installe dans l’ancienne brasserie qu’ils retapent avec son mari. Juste à côté de la boutique, lieu stratégie puisqu’elle enregistre 15 % des ventes mais qui incarne aussi cette volonté originelle d’ouvrir l’entreprise au public. Entre les clients locaux réguliers, les touristes et curieux de passage, la brasserie est un lieu de vie.

Clara prend aussi de plus en plus de responsabilités, allant se former en brasserie à Bruxelles. Quand elle tombe enceinte quelques années plus tard, c’est son mari qui vient la remplacer, puis il prend le relais à la maison pendant qu’elle, reprend du service. Aujourd’hui, depuis que David Thiriez a passé la main en novembre, les deux sont associés à la tête de la brasserie. Gérante d’une brasserie artisanale : « Je n’aurais pas imaginé faire ça seule », explique celle qui reste, au final et n’allez pas rapporter à son mari, la vraie patronne. 

Lire aussi : Goudale et Saint-Omer : « Le plus gros brasseur indépendant »

Clara Thiriez en trois dates

2014. Arrivée à la brasserie pour donner un coup de main à son père.

2017. Création de la Pepper trip, première bière créative qui ouvrira une nouvelle ère.

2024. Reprise des parts de son père et co-gérance avec son mari (mais en vrai, c’est elle la cheffe).

 Justine Demade Pellorce

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