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Alors que l’ensemble de la population française s’apprête à entamer progressivement son déconfinement, elle, de son côté, retrouve avec enthousiasme son isolement. Loin de tout contact humain, entre dunes, champs et falaises, Lorène Pascal retourne affronter vents et marées des caps Gris-Nez et Blanc-Nez. Seule face à la mer pour guider durant six mois un troupeau de moutons boulonnais au milieu de cet espace labellisé Grand Site de France.
Rien ne prédisposait Lorène Pascal à venir passer la moitié de son année dans le cadre du détroit du Pas-de-Calais. Originaire de l’Isère (38), la jeune femme est plutôt adepte des randonnées dans les alpages. “Mes parents m’ont donné le goût de la montagne. Lors de nos balades, nous rencontrions souvent des bergers. Leur mode vie dans la nature m’a attiré.“
C’est donc par dévouement et “sans aucun héritage familial dans l’agriculture” que Lorène Pascal se lance dans une formation professionnelle en “transhumance” à Salon-de-Provence (13). Diplôme en poche, la jeune femme tombe sur une annonce d’Eden 62, gestionnaire du site des Deux caps, qui cherchait un(e) berger(e) pour la période estivale. L’occasion était trop belle pour ne pas être saisie.
“Cap !” se dit-elle. L’aventurière quitte sa région natale pour le bord de Manche et signe son premier contrat à l’été 2018. Depuis, Lorène Pascal a tissé des liens forts avec ce cadre de travail inédit des Hauts-de-France. “C’est ma troisième saison ici, souligne-t-elle. Le paysage est vraiment hors du commun, le troupeau est agréable, tout comme l’équipe d’Eden 62. C’est chouette de pouvoir y revenir une nouvelle fois !”
En solitaire, sur ce coin de campagne française le plus proche de l’Angleterre, la bergère a du pain sur la planche. Les 600 moutons de race boulonnais, mis à disposition par quatre éleveurs locaux, ont en effet un rôle tout particulier sur ces prairies rases atypiques où le pastoralisme trouve tout son sens.
“Il s’agit de préserver les pelouses calcicoles (poussant sur la craie, ndlr), explique Lorène Pascal qui connaît désormais parfaitement les lieux. En fonction de la pousse de l’herbe et des conditions météorologiques, très changeantes ici, je m’adapte pour effectuer des rotations sur les 260 ha du site et faire éco-pâturer les moutons entre le Mont d’Hubert, le fond Pignon ou les falaises.”
En mangeant le brachypode, plante qui a parfois pris la dominance sur les autres entre les deux caps, les ovins permettent à une végétation disparue de se développer à nouveau et de retrouver petit à petit sa place, comme les orchidées ou la gentiane. Un atout de taille pour la biodiversité.
Logée dans un ancien restaurant installé sur le site, Lorène Pascal voit son quotidien entièrement rythmé par la conduite du troupeau depuis le 1er mai dernier, date de son arrivée sur place. “Le matin, je sors les brebis vers 8 heures, ou 7 heures lorsqu’il fait trop chaud, indique-t-elle. Je les fais manger durant quelques heures à des endroits précis. Puis elles se reposent et viennent s’abreuver dans un parc. Dans l’après-midi, les animaux repartent en pâture jusqu’au soir où ils prennent la direction du parc de nuit. Deux fois par semaines, je réalise des soins si nécessaire, notamment sur les pattes. C’est très important de vérifier que toutes les brebis se portent bien.”
Tâches techniques, écologiques et sanitaires que la bergère réalise en autonomie, accompagnée de ses deux fidèles chiens, Opale et Zumaï. Des compagnons de route qui aideront Lorène Pascal à compter les moutons entre terre et mer, jusqu’au mois d’octobre prochain.
Simon Playoult