Elle est née ruelle de la paix, à quelques pâtés de maisons de l’hôtel de ville. « Ici, à Denain », insiste Anne-Lise Dufour-Tonini qui a grandi – ou presque – dans cette mairie avant d’en devenir la première magistrate. Depuis le troisième étage, un terril en toile de fond, elle mesure le chemin parcouru, pour elle, pour sa ville.
« Mon arrière-grand-père communiste, torturé, a fui l’Italie fasciste », rembobine celle qui a toujours entendu le fils, son grand-père donc, répéter de « respecter la France », cette « terre d’accueil » qui « nous a sauvé la vie » et donc de « bien travailler à l’école. » L’école, justement, Anne-Lise Dufour-Tonini en a fait son métier, de l’enseignement à la direction d’établissement, de la maternelle au lycée.
Son père, lui, est descendu au fond de la mine à 14 ans, avant de se tourner vers Usinor lorsque sa mère, enceinte, ne voulait pas de cette inquiétude perpétuelle que connaissent les familles de mineurs. Denain rayonne à cette époque. C’est le plein-emploi, les Valenciennois viennent ici faire leurs courses.
Jusqu’à ce mois de décembre 1978 où Anne-Lise Dufour-Tonini entend pour la première fois le mot chômage de la bouche de son père, effondré. La fille de 8 ans garde des images de guerre de cette époque, les gens se battent littéralement pour leurs emplois. « J’ai vu la ville tomber de la plus grande prospérité à la plus grande misère en quelques années. » Denain se paupérise, se vide. Ceux qui ont « un métier dans les mains » partent, les commercent ferment. « C’est un sinistre incroyable, nous tombons dans un état de sidération. On nous annonce notre fin. » Les difficultés attirent les difficultés, à l’échelle de la cité comme du foyer. « On nous coupe l’eau, on nous coupe l’électricité. Quand vous avez connu ça, vous ne l’oubliez jamais. »
Et puis la famille se relève.
À 18 ans, Anne-Lise Dufour-Tonini s’encarte au parti socialiste. « Cela a peiné ma mère », confie celle qui « est tombée dans le chaudron de la politique ». Car sa mère est élue municipale pour le parti communiste. « Une belle idée, mais difficile à mettre en place », constate cette « femme de gauche qui pense qu’il faut tendre la main aux gens mais aussi que les entreprises apportent l’emploi ». Sa mère est « peinée », mais le duo figure en 1995 sur la même liste d’union de la gauche qui remporte l’élection. Quelques années plus tard, Patrick Roy mène avec elle une liste socialiste et devient maire de Denain. En 2010, son (ancien) moniteur de centre aéré lui confie les rênes. « Il va falloir que tu prennes tes responsabilités. » Elle n’a jamais eu « l’envie d’être maire » mais lorsque son ami décède en mai 2011, elle lui succède. L’année d’après elle est élue députée. Lorsqu’elle entre dans l’hémicycle, l’émotion est vive pour son père qui voit le chemin parcouru par sa fille, fille de l’usine, fille de l’immigration. Sa mère n’est plus là, emportée elle aussi par un cancer. En 2017, Anne-Lise Dufour-Tonini échoue aux législatives face au Rassemblement national : « Un drame ». Elle devient sénatrice suite à la démission de Marie-Christine Blandin mais retrouve, dès l’automne, le chemin du collège. « Car c’est ça ma vie. Être maire et faire de la politique, c’est après la récré de 15 h 30 et pendant les vacances scolaires. »
Lire aussi : En Flandre, la brasserie 3 Monts émerveille
En 2016, elle amène Emmanuel Macron sur la zone des pierres blanches. « Là où la ville a émergé, là où la ville s’est écroulée. » « La zone est immonde » en surface, mais le pire est sous terre où « Usinor a laissé une piscine d’acide en bord de canal. » Qui plus est, la zone est desservie par le canal, le train, l’autoroute mais il n’y a pas de sortie. Le ministre de l’époque débloque la situation et « miracle, d’un seul coup, la friche d’Usinor n’est plus une friche. Le téléphone a commencé à sonner. » Jusqu’à l’appel de Lesaffre et la promesse d’emplois à venir (lire notre édition du 24 janvier 2025). « Un travail d’équipe », recadre l’élue.
Aujourd’hui, Denain est une ville de 21 000 habitants en pleine mutation, des mots de sa maire. « On investit de façon massive », résume-t-elle, ANRU (agence nationale pour la rénovation urbaine, ndlr) à l’appui : 280 millions d’euros pour les deux premiers plans qui devraient être suivis de deux autres. Le centre-ville se redessine, la grue s’active, la ville se relève. La date de l’inauguration est déjà prise, d’ailleurs, ce sera le dernier jour de juin. Un nouveau chapitre pour cette « ville résiliente qui a tourné la page d’un passé industriel », « où l’on retrouve des lieux pour travailler, où l’habitat est digne du XXe siècle, où l’on trouve des espaces de verdures et de fraîcheur. » Ne lâche rien, lui avait dit son père avant de mourir. Des mots qui résonnent encore. « Je fais ce que je devais faire pour cette ville. »
Louise Tesse
Actualité
Actualité
Actualité
Actualité
Articles, C’est tout frais, Politique-syndicalisme
Actualité
Agenda
Actualité
Actualité
C’est tout frais, Consommation, Environnement, Hors-champ, Innovation, Les rencontres, Société
Actualité
C’est tout frais, Politique-syndicalisme
Actualité
C’est tout frais, Enseignement, Innovation
Actualité
C’est tout frais, Innovation, Organisations agricoles
Actualité
C’est tout frais, Environnement, Société
Actualité
C’est tout frais, Environnement, Société
Actualité
C’est tout frais, Environnement, Société
Actualité
C’est tout frais, Innovation, Société
Actualité
C’est tout frais, Politique-syndicalisme, Société
Actualité
C’est tout frais, Consommation, Société
Actualité
C’est tout frais, Les rencontres, Société
Actualité
C’est tout frais, Politique-syndicalisme
Actualité
C’est tout frais, Politique-syndicalisme
Actualité
Agriculture, Culture, Politique
Ecoutez son histoire !
par Justine Demade Pellorce
<< Gérante de la brasserie Thiriez, Clara parle de son parcours - venue pour 3 mois... il y a 11 ans ! >>
écouter