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La phrase est clichée mais n’en est pas moins vraie : Majdouline Sbaï n’était pas destinée à devenir eurodéputée.
La Roubaisienne de 47 ans n’a jamais, ou quasiment jamais, cessé de faire des études, assoiffée de savoir. La carrière d’universitaire semblait donc plus à propos. Et pourtant, elle a rejoint les rangs du groupe Verts / ALE au Parlement européen en juin dernier. Récit d’un parcours (réellement) atypique.
Tout commence donc à Roubaix, au lycée Maxence Van der Meersch pour être précis. « Le lycée souffrait d’un déficit de moyens. J’avais choisi la voie ES (économie et sociale, ndlr) dont la matière principale comptait beaucoup pour le bac. Or, nous avons eu un défilé d’enseignants sur ce poste… Résultat, cinq élèves sur 38 ont eu le bac dans ma classe. Nous avons fait des manifestations, bloqué le lycée… C’est là que le sujet des inégalités sociales est devenu important pour moi car j’y ai été confrontée de plein fouet. »
Majdouline Sbaï fait partie des cinq bacheliers et décide de poursuivre ses études à Lille en sociologie. « Ce qui était arrivé au lycée m’avait poussé à lire de la sociologie, pour comprendre ce qu’il se passait. »
Une fois sa licence terminée, la jeune femme poursuit avec une double maîtrise en science et technique de la sociologie à Lille et en sociologie des inégalités à Paris.
« Je me destinais à entrer dans des bureaux d’études mais j’ai été refusée à mon DESS en statistiques. La vie est bien faite puisqu’à la place, j’ai été prise pour un DEA à Sciences Po Lille après avoir fait un stage passionnant dans un laboratoire de gestion des services publics. À la rentrée, j’étais heureuse d’être dans ce DEA finalement ! »
En parallèle, pour financer ses études, elle devient cheffe de projet en politique de la ville pour la Région, alors, Nord-Pas de Calais. « Je ne dormais pas beaucoup », plaisante l’eurodéputée.
Et dans une autre ligne parallèle, Majdouline Sbaï adhère au parti écologiste et se présente sur leur liste aux élections municipales en 2001.
« J’avais une soif de savoir mais le désir d’appliquer ce que j’apprenais. C’est pourquoi après mon DEA, j’ai décidé d’ouvrir une université populaire à Roubaix. Avec cette université, nous faisons de la recherche – action et avons été retenus sur un appel à projet à propos de l’aménagement urbain durable des villes avec la participation des habitants. Nous proposions alors d’étudier le quartier de l’Union à Roubaix où les enjeux écologiques sont criants ! Je passe alors un diplôme d’ingénieur en environnement à Nice. »
Mais pourquoi ce besoin constant d’une validation par le diplôme, d’en apprendre toujours plus ? « Parce que je ne supporte pas qu’on me dise “c’est trop compliqué, vous ne comprendrez pas”. Et puis, quand on est une femme, qui plus est issue d’un milieu populaire, il n’y a pas la présomption de compétences. Alors je crois que j’avais besoin d’avoir confiance en moi, dans ce que je proposais. Je ne voulais pas qu’on puisse me prendre à défaut. »
Ce n’est finalement qu’en 2009 que la carrière politique de Majdouline Sbaï s’accélère, alors que le parti Europe écologie – Les Verts prend de l’ampleur. « C’est pour moi une révélation. J’ai une prise de conscience, celle que l’écologie peut être un vrai projet structurant et social. »
C’est pourquoi en 2010, quand le parti vient la chercher pour être tête de liste aux élections régionales, elle accepte. « Je suis élue et deviens vice-présidente à la Région entre 2010 et 2015, en charge de la politique de la ville, des solidarités et de la coopération européenne et internationale. »
Mais elle veut aller plus loin et créer un projet pour remettre de l’industrie dans la région grâce à l’économie circulaire. Elle décide d’approfondir ses connaissances et s’inscrit en master entrepreneuriat et innovation à l’IAE de Lille et crée le Fashion green hub, association d’entreprises mode et textile engagées pour une transition durable rapide. Projet qui fonctionne bien, jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par une économie de la mode ultralibérale. « Nos adhérents ont, pour certains, été les victimes collatérales de l’arrivée de l’ultra fast fashion en France. C’est là que je me suis dit, “mais pourquoi on ne se protège pas ?” et que j’ai songé à être eurodéputée. »
Mais le chemin ne sera pas de tout repos, elle le sait bien : « Un enseignant m’avait dit une fois, alors que je soutenais un renforcement des circuits courts, “si jeune et déjà si nostalgique” », se souvient, mi-amusée, mi-amère, l’eurodéputée.
Aujourd’hui, Majdouline Sbaï défend corps et âme la fin de la « chimère de la tertiarisation. Je pensais qu’on en avait terminé avec ça mais apparemment non. On continue de voir une Europe qui ne serait plus qu’un lieu de services… Je pense qu’il faut renforcer le marché intérieur européen et planifier autrement. »
Eglantine Puel