Un écosystème : c’est ce que Marie Peltier et Thomas Peyre sont en train de créer sur leur exploitation de Bourbourg, lui parle de « ferme paysanne« . Les trentenaires sont installés depuis 2021 sur des parcelles qu’ils louent ici et là. Maraîchage, élevage, et bientôt culture de blés anciens qu’ils transformeront en pain : comme pour les briques réfractaires du four, le projet se construit pierre après pierre, calées les unes aux autres pour un édifice solide et cohérent. S’il est loin de s’interdire de nouveaux projets, le binôme en pèse chaque conséquence.
Tout commence en Rhône-Alpes il y a 38 ans pour Thomas Peyre. Diplômé en arts appliqués puis étudiant aux Beaux-Arts, il comprend que le destin qu’il s’écrit ne lui permettra pas de défendre ses valeurs. « Et puis j’avais envie de faire de mes mains », dit celui qui commence à arpenter les fermes et se lance dans une formation en maçonnerie. Un cheminement qui croise celui de sa sœur qui, ayant rencontré un Bourbourgeois, planche sur un projet de plantes médicinales dans ce coin du nord de la France.
Lui enchaîne les missions dans des fermes, « pour apprendre », et conclut sur un BPREA (brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole) où il se penche en particulier sur l’activité de paysan-boulanger. L’idée de la traction animale trotte dans sa tête. Un certificat de spécialisation (CS) plus tard, le voilà prêt à se lancer. Nous sommes en 2016. L’installation est difficile, il s’engage dans diverses associations : « Une façon de défendre ma vision de l’agriculture à défaut de la mettre en œuvre moi-même. »
2020, l’éleveur de chevaux qui partage la parcelle avec sa sœur part à la retraite, laissant box et pâtures. Thomas, salarié pour l’Atelier paysan à Valence, achève sa mission et s’installe à Bourbourg. Après quelques allers-retours, il intègre la pépinière d’entreprises À petits pas. Mais il ne s’installe pas seul, car son chemin a croisé celui de Marie Peltier un an plus tôt.
Son enfance a elle, c’est la campagne normande, les chevaux. « Et être dehors, toujours. » Petite, Marie veut faire « plein de trucs, sauf que ça marchait bien à l’école alors j’ai fait une fac ». De médecine. Dix ans. « J’aimais bien la bio », se justifie-t-elle. « Et à la fin ils ont dit que j’étais médecin », glisse Marie avec une malice tranquille. C’est qu’elle n’aime pas qu’on la résume à ce parcours atypique. Elle assure aujourd’hui quelques remplacements à la polyclinique de Grande-Synthe et à la toute récente permanence d’accès aux soins (PASS) dédiée aux personnes sans droits.
Diplômée de la fac de Lille à 28 ans, elle intègre une maison médicale de la Pévèle où elle exercera trois ans. « Là, je découvre les semaines de 35 heures », ne s’en remet-elle toujours pas. « J’avais plein de temps libre et, comme je m’étais toujours posé la question de travailler avec les chevaux, je me rapproche de débardeurs en forêt. » Un week-end à suivre l’un d’entre eux suffit à imprimer un nouvel emploi du temps : le cabinet médical en semaine et la forêt le week-end. « Mais le bois ça ne paie pas et je m’interroge sur l’opportunité de travailler dans l’agricole », déroule celle qui n’a alors jamais mis les pieds dans une ferme. 2019 elle quitte le cabinet médical, « besoin d’être dehors ». Et puis cette lassitude, déjà, d’être « confrontée à beaucoup de problèmes non médicaux, ou même des problèmes médicaux induits par une société qui ne va pas. Des problèmes qui sont la conséquence directe de choix politiques qui me mettent trop en colère. J’en avais marre d’être en colère », résume Marie Peltier.
Elle contacte alors Benoît Guilbert, qui pratique le maraîchage en traction animale au Jardin des loufs, au Doulieu. Elle adore. Confinement, la jeune femme se retrouve coincée au jardin pour son plus grand bonheur. Elle continue à apprendre à mener un cheval, découvre ce qu’est un itinéraire technique : un monde s’ouvre à elle. C’est là aussi qu’elle croise la route de Thomas. Lui est venu voir comment on bossait là, elle s’apprêtait à lancer son projet de prestation de traction animale pour des exploitations agricoles, « pas envie de (s)’installer seule ». L’équation est résolue quand ces deux-là se rencontrent.
Résultat : ils s’installent un an plus tard à Bourbourg, sur des parcelles louées en bail rural à la sœur de Thomas, installent Noré, le cheval de Marie, dans les écuries où il sera rejoint par Étoile : un minimum pour récolter les pommes de terre. Les premières mises en culture débutent au printemps 2021, des légumes de plein champ de conservation uniquement, car ici les légumes sont une rotation dans l’exploitation qui fonctionne en circuit fermé : autonomie alimentaire des animaux qui ont rejoint la ferme – une trentaine d’ovins et trois bœufs -, blés anciens à longue paille (ça fait plus de litière donc plus de fumier). « Le cœur du projet », rappelle Thomas, qui deviendront farine puis pains au levain cuits au four à bois. Les moutons servent à broyer les couverts végétaux, puisqu’ici ni phytos ni tracteurs, ça valorise les prairies et offre du fumier, ils peuvent même manger les légumes quand il y en a trop.
Relisez un autre exemple d’autonomie, sur la ferme de Patricia Rifflart.
« La philosophie est de ne pas avoir plus d’animaux que nous pouvons en nourrir au foin et à l’herbe. L’idée est d’avoir une ferme paysanne », synthétise l’un ou l’autre. Leurs débouchés, les trentenaires les trouvent en direct, auprès de la restauration collective du territoire – pour que les légumes profitent à tous et pas seulement aux initiés des Amap et autres Biocoop, même si l’enseigne fait partie des points de vente, tout comme le groupement de consommateurs La casa à tisot’, à Saint-Omer, ou encore le marché mensuel de la ferme des bio prés, à Wierre-Effroy (62). Sans oublier la future halle gourmande de Dunkerque, où le binôme participera avec le collectif Bio DK, ou le projet en cours de constitution d’un pôle territorial de coopération économique (PTCE) afin de répondre, avec d’autres producteurs, aux marchés publics. Avec ce même principe de l’écosystème, et de l’idée que les uns bénéficient aux autres. Pas l’inverse.
Justine Demade Pellorce
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par Justine Demade Pellorce
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