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Il sort de la voiture, téléphone à la main et écouteurs aux oreilles avec au bout du fil l’un de ses salariés, puis signe le chèque tendu par le livreur de carburant qui l’attend depuis quelques minutes.
Il est à peine 10 h du matin mais la journée d’Adrien Desbuquois est déjà chargée quand il prend le temps de se poser pendant une heure, café à la main. « Aujourd’hui, entre guillemets, on n’est plus agriculteurs, débute-t-il. On gère des entreprises. »
À 38 ans, le jeune agriculteur est père de quatre enfants. Il est installé avec son frère aîné de quelques années, Olivier. « On a repris la ferme de notre père qui lui-même avait repris l’exploitation de son beau-père. » Le papa, Luc, est bien connu dans la région pour son engagement à la chambre d’agriculture ou dans le monde associatif. Brigitte, la maman, a été professeur des écoles et gère maintenant des chambres d’hôtes sur la commune de Westrehem (62) dans le Pas-de-Calais, là où sont installés Adrien et Olivier Desbuquois.
Un aîné qui s’est intéressé avant Adrien à l’agriculture… « Moi, j’étais plus avec ma maman, même si j’ai toujours aimé ça. » Après un bac pro à Bapaume et un BTSA analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole à Genech (59), le jeune étudiant se tourne vers une licence commerciale et entre en alternance dans la société de son beau-père d’alors, la société Pruvost-Leroy à Saint-Hilaire-Cottes. « J’étais responsable d’un secteur de distribution. Ça a été formateur, une expérience exceptionnelle. » Il est en charge de la création et du développement de la branche restauration hors foyer de l’entreprise et apprend sur le tas. Il gère mille et une choses (gestion des achats, vente, ressources humaines, organisation du travail…) jusqu’à devenir responsable.
« On a commencé avec une personne, on était 30 à la fin, se souvient-il. C’était super intéressant et la société est une super réussite de l’agroalimentaire dans la région. »
Mais après une dizaine d’années là-bas, il se décide à revenir travailler sur l’exploitation familiale, non sans avoir hésité. « Je me suis quand même posé la question. Puis avec l’attrait de revenir aux sources et de bosser avec mon frangin, les années passant, ça redevenait une évidence. »
Depuis 2016, Adrien est installé avec son frère en polyculture (betterave, lin, maïs, pois de conserve, pommes de terre). Le duo possède également des bovins, deux poulaillers et est impliqué dans le projet (contesté par un collectif de riverains) de méthaniseur Agri Metha Lys, du côté de Lillers.
À la ferme, les deux frères sont complémentaires : « Olivier, son truc, c’est de faire le suivi technique des cultures. Il a toujours été à la pointe de la technique. Sa femme s’occupe de la comptabilité et moi, je suis plus côté organisation du travail. »
Le jeune agriculteur évoque d’abord des contraintes administratives toujours plus importantes. « On en a une multitude qui vient polluer notre métier de base, juge-t-il. Aujourd’hui, on est obligés d’être au courant de tout ça, on passe énormément de temps au bureau et au téléphone. Et si on veut rester au goût du jour, il faut déléguer en partie notre travail de base. »
Pourtant, Adrien Desbuqois aime ça au fond. Car cela fait partie du jeu pour entreprendre, développer… Tout ce qu’il aime et qu’il a appris lors de son passage chez Pruvost-Leroy. « Mettre des projets en place, c’est plus ça mon dada, sourit-il. Être dans l’organisation, être porteur de projets, amener des solutions pour optimiser le temps de travail, moderniser, renouveler avec l’idée d’avoir la performance économique qui s’améliore et un temps de travail qui diminue. »
Le Westrehemois pourrait parler des heures de types d’organisation, d’optimisation des surfaces, de rentabilité ou de diversification… Mais il estime malgré tout qu’il faut savoir, parfois, appuyer sur la pédale de frein. Une prise de conscience qui date de sa séparation. « J’ai toujours voulu aller vite. Vite rencontrer quelqu’un, vite me marier, vite avoir des enfants, vite m’installer et me lancer dans ma profession. C’est ce que j’ai fait. L’échec, ça a été mon divorce. Je suis peut-être allé trop vite finalement, souffle-t-il avec lucidité et honnêteté. Mais après, c’est tout, on rebondit, on se reconstruit. Le tout, c’est de bien se reconstruire. »
Adrien Desbuquois s’est remis en question professionnellement et il a réalisé, la quarantaine approchant, qu’il ne passait pas assez de temps avec sa famille. « Quand je dis qu’on essaie d’optimiser le temps de travail, ce n’est pas pour faire plus, continue-t-il. Mais pour faire pareil tout en gagnant du temps et du confort de vie à côté. »
Une philosophie qu’il s’efforce d’appliquer au quotidien dans son travail. « C’est dans l’air du temps, on fait attention au confort de vie de notre personnel. » C’est aussi ça la panoplie d’un agriculteur, en 2023.
2004. Il obtient son bac professionnel agricole, à Bapaume dans le Pas-de-Calais.
2007. Il entre en licence de commerce et intègre en alternance la société de production de viande Pruvost-Leroy, à Saint-Hilaire-Cottes.
2016. Adrien Desbuquois quitte son emploi de commercial pour rejoindre son frère aîné, Olivier, et s’associe avec lui sur l’exploitation familiale à Westrehem.
2016. Le duo de frangins se lance dans la culture de pommes de terre avec l’idée de diversifier l’activité de l’exploitation familiale.
Kévin Saroul
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