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12-02-2025

En Flandre, la brasserie 3 Monts émerveille

À 42 ans et depuis 14 ans déjà, Pierre Marchica dirige la brasserie 3 Monts. Il y poursuit une histoire entamée un siècle plus tôt par son arrière-grand-père.

pierre marchica © J. D. P.

Prononcez [markika], à l’italienne, mais retenez surtout la passion flamande du natif d’Arras : Pierre Marchica, 42 ans, a pris la direction de la brasserie 3 Monts en 2010. Elle s’appelait alors encore brasserie de Saint-Sylvestre, employait 11 salariés et produisait 35 000 hectolitres par an. Aujourd’hui c’est 65 salariés et 165 000 hectolitres, très certainement en raison des talents de gestionnaire du jeune quadragénaire, mais aussi grâce aux vents favorables pour l’affaire centenaire. Retour sur image.

1914, Rémy Ricour, qui se destine à des études de pharmacie, est appelé sous les drapeaux. « Il a quand même de la chance, il revient », résume Pierre Marchica, son arrière-petit-fils. En 1919, un oncle de Rémy a racheté une brasserie à Saint-Sylvestre-Cappel avec les dommages de guerre reçus suite à la démolition de sa malterie, du côté de Strazeele. L’année suivante, il cède la brasserie à son neveu – Rémy si vous suivez bien -, c’est la date retenue du début de l’aventure familiale. C’est l’époque de la « petite bière », qui tire à 2° maximum et qu’on fabrique pour potabiliser l’eau. C’est aussi le temps des tonneaux transportés en charrettes, qui ne parviennent pas à franchir la frontière naturelle que dessinent les trois Monts de Flandre – le mont des Récollets, le mont Cassel et le mont des Cats.

Deux Pierre à l’édifice

1924 naît Pierre Ricour, le fils de Rémy. Il a 16 ans quand, rebelote, son père est de nouveau mobilisé en 1940. Ce dernier reviendra vite mais Pierre, qui a pris les rennes de la brasserie en son absence, est piqué. Il porte surtout à la brasserie un intérêt scientifique qui le conduit à aller se former à Nancy. Il en revient avec des techniques modernes. Il avait repris la brasserie le 1er octobre 1954, après avoir épousé sa binôme de femme en août et s’être offert un voyage de noces dans les vignobles en septembre, tout ça pour dire que, « depuis cette date, nos années comptables se terminent le 30 septembre », dévoile Pierre Marchica comme pour démontrer combien l’autre Pierre aura apporté à l’édifice.

Tout va bien jusqu’au mitan des années 70 et la grande période de concentration des brasseries : de 3 000, le pays n’en compte plus qu’une vingtaine au début des années 90. « Beaucoup ont fermé, ont été rachetées : c’est la concentration », observe Pierre Marchica a posteriori. Dans les années 80, la brasserie Saint-Sylvestre a elle-même frôlé la faillite, jusqu’à ce que François et Serge Ricour, les oncles, ne rejoignent l’aventure. Ils suggèrent de revenir à la fermentation haute, que Pierre avait abandonnée au profit de la plus moderne fermentation basse. On choisit de produire une bière différente, de spécialité. Une bière d’autrefois. Et comme Pierre Ricour est très copain avec le patron de la brasserie Jenlain, on prend garde à ne pas marcher sur ses plates-bandes : la 3 Monts sera blonde, embouteillée dans une bouteille à la belge, avec son célèbre bouchon mécanique. « En 1984, ils créent la 3 Monts, ça a sauvé la brasserie. » Ce produit phare, c’est encore 90 % du chiffre d’affaires.

« Et pouf […] ici à 28 balais »

Suit une croissance tranquille, à une période où les brasseries font plutôt le dos rond. Jusqu’au début des années 2010 et au retour en grâce de la boisson houblonnée. C’est le moment que les oncles choisissent pour embaucher Pierre Marchica. « Pour moi, la brasserie c’était une immense salle de jeux pour les vacances, quand je venais voir mes grands-parents », formule-t-il. Il voit son grand-père gérer la production, sa grand-mère gérer le social : des valeurs qui infusent doucement en lui. Mais ce que veut faire l’Arrageois d’alors, c’est « paysan, je trouvais ça noble, comme métier » : il fait un bac à l’institut de Genech, puis un BTS agricole. Ses parents veulent qu’il poursuive ses études, va pour une école de commerce suivie de quatre années chez PricewaterhouseCoopers, cabinet d’audit : « Formateur. Et pouf, je me suis retrouvé ici à 28 balais », lance-t-il.

Ses oncles veulent passer la main en douceur, un an plus tard le cancer fulgurant de l’un d’eux accélère le programme. Entré comme directeur opérationnel en 2010, il se retrouve « avec les clefs du camion et 11 salariés à gérer » un an plus tard. D’abord en vitesse de croisière, puis il lance la construction d’une nouvelle salle de brassage deux ans plus tard et poursuit les investissements pour que la jeune centenaire reste pimpante, d’inox auréolée. « On a toujours su quelle était notre trajectoire, on a juste avancé plus vite », dit Pierre Marchica qui commençait à 5 heures du matin lorsqu’il est arrivé, pour lancer le premier des deux brassins quotidiens. « Aujourd’hui, nous sommes à 11 brassins de 100 hectolitres par 24 h, on est passés au 3/8. » Celui qui a choisi de renommer la brasserie du nom de son produit phare, la 3 Monts, il y a quelques années, n’a plus le temps de brasser. Si ce n’est la filière, qu’il aime à fédérer au sein du syndicat local Brasseurs des Hauts-de-France, qu’il préside, et où il se réjouit de voir l’écosystème brassicole avancer ensemble. Par pour rien qu’une Cité de la bière ouvrira bientôt. En Flandre française, where else ?

Justine Demade Pellorce

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