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29-01-2025

Amandine Cochet : « Les fruits et légumes, bruts et colorés »

Amandine Cochet, 41 ans « et demi », est déléguée régionale de l’interprofession des fruits et légumes frais Interfel depuis fin 2023. Une filière « colorée et brute », où on n’a pas le temps pour les chichis. Elle adore.

Amandine Cochet a grandi à Béthune (62) et a suivi le parcours « classique », pense-t-elle, de celle qui n’a jamais voulu choisir : bac S, prépa en biologie pour se laisser le temps de mûrir avant d’entrer en école d’ingénieurs à UniLaSalle Beauvais (60). « J’aurais probablement aimé faire médecine mais je suis trop sensible et les gens qui souffrent me font mal au cœur », commence la jeune quadragénaire qui opte, alors, pour un cursus en alimentation et santé.

Entre 2003 et 2006, elle suit ce parcours qui oscille entre apprentissages très généralistes et immersions en entreprise qu’elle boucle par un stage de fin d’études au sein de la commune de Roubaix, où elle travaille sur la prévention de l’obésité infantile. « Un défi. J’aimais l’aspect gestion de projet, très touche-à-tout, et le côté éthique de cette mission », fait valoir Amandine Cochet.

Elle enchaîne ensuite sur divers contrats mais, elle qui a été formée pour travailler dans les grandes industries, leur préfère les produits bruts. Elle passe chez Norabio, coopérative agricole bio des Hauts-de-France, et par Bio en Hauts-de-France, association de promotion de l’agriculture biologique. Marketing, communication, développement commercial, elle y fait ce qu’elle aime : un peu de tout.

En 2008, elle devient responsable commerciale de l’entreprise coopérative Ethiquable pour les Hauts-de-France : « J’avais opté pour l’option santé dans une quête d’éthique. Je me suis mise à chercher l’éthique dans l’alimentation », résume-t-elle. Après cette expérience, Amandine Cochet suit son conjoint dans la Sarthe, où elle intègre Terroir local conseil (TLC), qui crée alors des filières courtes entre producteurs et grande distribution. Elle y reste jusqu’à la fermeture, fin 2013.

Ça colle avec une proposition de poste reçue par son conjoint : le couple s’envole pour les États-Unis, « le Dakota du sud précisément où mon premier fils naît un mois après notre arrivée », détaille la déléguée régionale. Six mois plus tard la famille s’installe à Chicago et y demeure de 2015 à 2019 : c’est là que naîtra leur deuxième fils. « J’y ai aussi repris des études en gestion de projet et j’ai été embauchée comme consultante pour une start-up américaine qui organisait des learning expeditions », autrement dit des voyages d’études.

Une toute petite entreprise, dont les effectifs varient de deux à cinq et où Amandine Cochet doit toucher à tout. « Je faisais de la compta et de l’accueil, du contrôle, du commercial, j’intervenais dans les programmes… hyper épanouissant et à la fois gérable pour l’expatriée jeune mère de famille que j’étais », salut-elle. Quand la famille rentre, en 2019, Amandine Cochet continue à travailler pour la jeune pousse américaine, qui a déployé ses activités en Europe. Jusqu’au covid, on commence à avoir l’habitude, et l’arrêt qui, combiné à un changement de situation personnelle, conduit la jeune femme à bifurquer. Encore.

La filière « de plus haut »

2021, elle rejoint un détaillant en ligne, mesvoisinsproducteurs.com, qui met en relation producteurs et consommateurs sur la métropole lilloise. « Ils voulaient réorganiser leur approvisionnement, j’y ai passé six mois. » C’est comme ça que la jeune femme fait la connaissance de l’un des fournisseurs en particulier, Lomme primeurs, qu’elle rejoint pour deux ans. Sur le marché Euralimentaire de Lomme (59), elle est embauchée pour une mission et se retrouve, ça aussi on commence à en avoir l’habitude, à faire « un peu de tout ». Analyse des chiffres, communication, audit logistique, bilan carbone… elle ne s’ennuie pas.

Surtout, elle découvre une filière, on pourrait dire un monde, qu’elle qualifie de « colorée et brute : les relations humaines y sont à l’image des fruits et légumes, c’est direct, sans rancune. On dit ce qu’on a à dire et on passe à autre chose. Comme avec les produits, il faut aller très vite, être très réactifs. » Un coup de cœur pour celle qui sera « testée » à ses débuts, dans ce monde très masculin. « Ils ont vu », balaie celle qui, a 40 ans, opère un dernier (mais certainement pas ultime) changement de poste. « Quand Pierre Varlet a quitté son poste de délégué régional d’Interfel, je me suis dit pourquoi pas. » Une dimension touche-à-tout et la possibilité de voir la filière « de plus haut » qui l’enchante.

Novembre 2023, elle devient déléguée régionale de cette interprofession qui défend l’ensemble des fruits et légumes frais hors bananes et pommes de terre, qui ont leurs propres instances. « Nous représentons 4 400 entreprises et 13 000 emplois dans les Hauts-de-France, depuis les producteurs jusqu’aux distributeurs. Nos membres sont 15 organisations professionnelles : nous représentons les représentants. »

« Plein de petits points, qui sont maintenant reliés »

Le point commun entre tous ces métiers ? Les produits. Les fruits et légumes frais, sans transformation. Sans grosses industries donc, ce qui explique probablement pourquoi les budgets alloués à la communication ont toujours été si faibles, comparés, par exemple, à ceux des produits laitiers qui sont nos amis pour la vie. « Les fruits et légumes frais ont longtemps été perçus comme une punition ou, au moins, une contrainte parce qu’ils impliquent de les préparer et si la période covid a logiquement fait exploser leur consommation, parce qu’on avait le temps, 2022 marque une forte baisse comparé à 2019 : – 4 % à l’échelle nationale et – 13 % à l’échelle régionale ! », alarme la déléguée des Hauts-de-France. En cause notamment, « une transmission générationnelle enrayée », nomme-t-elle poétiquement : les enfants voient moins leurs parents cuisiner qui voient moins leurs parents cuisiner… et cuisinent donc de moins en moins.

Dans ce contexte, trois grands thèmes sur la feuille de route d’Amandine Cochet : fédérer les acteurs et sensibiliser aux enjeux de la filière ; accompagner les professionnels face aux enjeux climatiques, politiques et sociaux et, enfin, favoriser l’attractivité des métiers. Des projets sont lancés, des pistes défrichées.

En attendant, la quadragénaire dit se sentir « à (s) a place. Le fait d’avoir touché à tout en termes d’entreprises et de missions m’est utile en tout. C’est comme si mon parcours était fait de plein de petits points, qui sont maintenant reliés. » Un écosystème au cœur de l’écosystème. La vie brute, comme les produits.

Justine Demade Pellorce

Agriculture legumes

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