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Les chiffres sont impressionnants. Un milliard de munitions ont été tirées pendant la Première Guerre Mondiale. « On estime à 10 % la part d’obus qui n’ont pas explosé et sont encore programmés pour le faire », alerte Jean-Philippe Cuvelier, démineur du Nord-Pas de Calais. Le calcul est simple : 100 millions d’obus sont donc prêts à éclater.
« Les risques sont accentués pendant les chantiers de plantation, les récoltes, le travail du sol ou encore le terrassement, prévient Christine Bresson, conseillère prévention de la MSA Nord-Pas de Calais. Le risque est sous-estimé, surtout chez les jeunes générations. »
Plus d’un siècle après la signature de l’Armistice, la menace est encore présente et s’accentue au fil des années. « La terre rejette tout ce qui n’est pas organique », explique Jean-Philippe Cuvelier.
La gravité de la terre fait ainsi remonter les obus à la surface. Avec le temps, le fer se détériore, les parois s’affinent. « Les engins détériorés ont plus de risques d’exploser », résume Christine Bresson. Ce n’est pas tout. « 10 % de ce qui est trouvé chaque année est chargé en gaz toxique », ajoute Jean-Philippe Cuvelier.
Par gaz toxique, entendons gaz moutarde – ou ypérite – qui a en réalité l’apparence d’un liquide huileux. Sa couleur dépend de la pureté du produit, ses nuances vont du transparent au noir. « C’est très insidieux, observe Jean-Philippe Cuvelier. Si un obus est touché sans gant, au bout de cinq minutes, le gaz moutarde pénètre l’épiderme ; au bout de 45 secondes, il entre dans l’œil. L’ypérite ronge les chairs, elle se disperse dans les organes via le sang, modifie l’ADN, l’ARN. Elle est hautement mutagène et cancérigène. »
Depuis le printemps dernier, la MSA a recensé deux accidents, nous affirme Christine Bresson : une explosion avec produit chimique à Auchy-les-Mines (62) et une autre avec des débris qui ont fait exploser les vitres d’un tracteur à Boiry-Saint-Martin (62).
La MSA tente de sensibiliser les agriculteurs aux risques encourus avec un message clair : ne surtout pas y toucher. Si tel était toutefois le cas, il faut absolument se protéger du risque chimique en portant des gants.
Autre danger : les explosions et les incendies lorsque les munitions sont stockées en plein soleil. Idéalement, la démarche à adopter est de prévenir les démineurs.
Issus de la police ou de l’armée, les démineurs du Nord-Pas de Calais sont mis à disposition au Groupement d’intervention du déminage qui dépend de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Le service a été créé en 1945. « Nous connaissons toutes les munitions et leurs réactions, assure Jean-Philippe Cuvelier. Certaines fusées (cerveau de la munition) sont extrêmement sensibles et exigent d’être neutralisées avant d’être transportées. »
Chaque année, entre 100 et 120 tonnes de munitions sont ramassées dans la région. « À ce rythme, on a encore 500 à 700 ans de travail ! », lance Jean-Philippe Cuvelier. Les munitions sont transportées à Vimy et 80 tonnes y sont détruites chaque année.
« Les zones les plus concernées sont le long de la ligne de front qui allait de Dunkerque à la Somme pendant la Première Guerre Mondiale », précise Jean-Philippe Cuvelier. Plus de 100 km pour tenter d’arrêter l’ennemi dans sa course à la mer.
Quelques munitions – plus anecdotiques – datent également de la Deuxième Guerre mondiale, à l’emplacement des rampes de lancement des V1 qui ont été bombardées par les alliés. La prudence est donc de mise en cas de rencontre avec l’un de ces obus.
Louise Tesse