Votre météo par ville
À 41 ans, Florent Piedanna est ce qu’on peut appeler un passionné. « Un peu un geek », reconnaît-il. Vaches, béliers, chevaux… il est intarissable : nom, numéro, descendance, parents… Il connaît tout de ses bêtes.
Il faut dire que son travail est bien de maintenir les races locales mais aussi, si possible, qu’il y ait plus de naissances. Et pour cela, il faut bien les connaître.
Tout commence il y a 18 ans, lorsqu’il effectue son stage de fin d’étude, au Centre régional de ressources génétiques (CRRG) des Hauts-de-France (qui dépend de l’institution Espaces naturels régionaux), pour valider son diplôme d’ingénieur agricole de Esitpa Rouen. « Je voulais travailler plutôt avec les animaux. J’étais assigné à la mission “marché de l’utilisation des chevaux de trait”. Puis en 2007, j’ai eu un contrat Maec PRM* et à la faveur d’un départ, j’ai obtenu le poste de chargé de mission aux races régionales ».
« C’est à la fin du XIXe siècle que l’on commence en France à officialiser des races. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, on voulait de la productivité et on suivait surtout ce qui était à la mode. Si bien que dans les années 1960, le ministère de l’Agriculture a interdit nos races régionales. Mais, des éleveurs se sont battus et ont continué de les élever, dans la clandestinité et sans accompagnement technique ou financier… » Ces races, ce sont les chevaux de trait du Boulonnais, les traits du Nord. Côté bovin, les bleues du Nord et rouges flamandes et pour les ovins, les moutons du Boulonnais. Ces races n’ont été réintroduites qu’à la fin des années 1980.
Concrètement, son travail consiste à accompagner les exploitations agricoles qui élèvent des races locales d’un point de vue technique mais aussi « assurer qu’il y ait une finalité économique à garder ces races et augmenter si possible le nombre d’individus ». Pour les bleues du Nord et les rouges flamandes, « on a une finalité “viande” ou “lait”. Pour les moutons du Boulonnais, les agneaux sont valorisés ». Il n’en est pas de même pour les chevaux de traits. Ainsi, si la population de bleues du Nord (560 vaches au contrôle laitier) et de rouges flamandes (780 au contrôle) et de moutons du Boulonnais (1 350 envoyés au contrôle de performance) est plutôt stable, le centre n’a enregistré l’an dernier que 157 naissances pour les chevaux Boulonnais, contre 460 en 2006, et 72 pour les traits du Nord, contre 180 en 2006.
Afin de garantir cette finalité économique, il faut que les caractéristiques qui rendent intéressantes ces races soient perpétuées. Une chance, le centre « connaît bien les populations pour pouvoir assurer la pérennité des bons gènes pour qu’une certaine rentabilité soit assurée. Ce ne sont pas des races de musées mais bien des races d’élevage, qui ont des caractéristiques intéressantes et sont robustes, et ça peut intéresser les instituts de génétiques. »
Des croisements peuvent aussi être un point de départ pour avoir de nouvelles têtes et, « du fait qu’on connaisse bien notre population et qu’elle soit en nombre limité, on n’a quasiment aucune consanguinité. De bonnes habitudes ont été prises par les éleveurs au fil des années ».
Pour assurer l’avenir de ces races, le centre régional de ressources génétiques des Hauts-de-France a mis en place diverses formes d’accompagnement. « Nous avons obtenu un financement de la Région pour pouvoir collecter tous les ans la semence d’un étalon du Boulonnais et d’un Trait du Nord et de les conserver à la cryobanque nationale. » Des matrices d’accouplement ont aussi été mises en place pour aider les éleveurs.
Côté bovins, le centre travaille sur la génomie. « Concrètement, on collecte beaucoup de données pour pouvoir créer un fichier de références permettant grâce à une simple prise de sang sur un veau, de connaître son potentiel, comme cela se fait depuis des années pour les races à gros effectif. »
Les éleveurs sont au cœur de cette démarche de préservation. « Depuis 17 ans, je les vois tous les jours et ce sont des personnes tellement impliquées qu’on se doit nous aussi de l’être. On a une bonne dynamique, avec de jeunes éleveurs motivés qui se lancent dans ces races locales. »
Une motivation qui paye car, régulièrement, les bêtes envoyées par les associations de race remportent des concours au SIA. « Cette année, il y aura 15 béliers du Boulonnais, cinq bleues du Nord, 16 rouges flamandes, et une dizaine de chevaux. » On ne peut que leur souhaiter bonne chance !
Eglantine Puel
Retrouvez également notre dossier concernant toute l’actualité du salon de l’agriculture.