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700 milliards de dollars. C’est ce que pèse, à l’échelle de la planète, le marché des cosmétiques, qui regroupe à la fois les parfums, les produits d’hygiène et le maquillage. Et la France est le premier exportateur mondial, avec 19,1 milliards d’euros d’exportations en 2022. « Il s’agit d’un secteur majeur pour notre balance commerciale », commente Christophe Masson, directeur général du réseau Cosmetic Valley (lire aussi l’encadré), qui a débuté sa tournée des régions par Cambrai. Un choix stratégique car les Hauts-de-France se classent première région exportatrice de cosmétiques du pays, avec 6,4 milliards d’euros d’exportations en 2022.
L’implantation de l’industrie cosmétique dans le nord de la France remonte aux années 1970 : « Les grandes marques recherchaient du foncier disponible et moins onéreux qu’en région parisienne. Souvent, à proximité des résidences secondaires des propriétaires de ces grandes marques », détaille Soline Godet, directrice générale adjointe de Cosmetic Valley. La présence d’usines L’Oréal à Gauchy (02) et Caudry (59), par exemple, s’explique par celle d’une maison de Liliane Bettencourt à Saint-Quentin (02).
Parmi les « géants », la région compte quatre sites de production L’Oréal, deux sites Chanel, deux autres LVMH, un site Unilever et un autre Colgate-Palmolive. Mais la majorité du secteur étant constituée de TPE – PME, ce sont, au total, 338 établissements qui sont installés dans les Hauts-de-France, dont la moitié de sites industriels et l’autre de commerces.
« Le secteur investit beaucoup et rayonne à travers ses marques, mais aussi, j’insiste, à travers ses fournisseurs, puisqu’on a un fort effet d’entraînement », assure Christophe Masson. « Dans les Hauts-de-France, nous avons toute la chaîne de valeurs, des ingrédients jusqu’à la distribution, en passant par le packaging. C’est vraiment une particularité, car dans les autres régions, on ne trouve pas toujours l’ensemble des métiers », ajoute Soline Godet.
La région compte, de fait, des fournisseurs de matières premières, à l’instar de Roquette, leader sur les produits végétaux, d’Aiglon, spécialiste des vaselines, gels, cires et autres paraffines, mais aussi des entreprises de flaconnage, comme Verescence, des plasturgistes, des conditionneurs…
Ainsi, les Hauts-de-France profitent d’une véritable « force industrielle », d’après Christophe Masson, mais également d’une « force de recherche » : « On travaille beaucoup avec l’université d’Artois, qui est membre de Cosmetic Valley. On souhaite se rapprocher de l’UTC de Compiègne, de l’Escom, de l’université de Lille », abonde, quant à elle, Soline Godet.
C’est dans l’optique de « renforcer cet écosystème » et d’ « impliquer davantage les pouvoirs publics » afin d’« amplifier le développement économique de la région sur ce secteur » que Cosmetic Valley a réuni une partie des acteurs de la filière autour de la table. Était notamment présent le député du Nord Guy Bricout, co-président du groupe d’études « Industries du luxe » et secrétaire du groupe « Commerce, artisanat et métiers d’art » à l’Assemblée nationale. Il était missionné par Cosmetic Valley pour porter les voix du secteur « auprès de Xavier Bertrand », afin que les Hauts-de-France rejoignent « les régions, qui à l’instar de l’Île-de-France l’an dernier, ont choisi de reconnaître la cosmétique comme une filière prioritaire de leur schéma régional de développement économique ».
L’État français ne considère la filière comme stratégique que depuis 2020 – année covid lors de laquelle l’industrie avait été mobilisée pour la fabrication de gel hydroalcoolique – et le premier comité de filière stratégique a vu le jour en 2021.
Trois priorités nationales ont été définies : l’emploi d’abord, car la filière, comme nombre d’autres métiers, peine à recruter. La transformation, ensuite, à la fois écologique et digitale, qui passera par l’innovation et des partenariats avec des pôles de recherche. Redorer les couleurs du « Made in France », enfin. « Nous allons créer à l’étranger, en commençant par la Chine, des ambassades sectorielles qui vont nous aider à jouer collectif », énonce Christophe Masson.
D’après Cosmetic Valley, « l’expression de la richesse des régions » devrait permettre à la France de conserver son avance et ses 15 % de parts du marché mondial.
« Ce n’est pas la même chose dans les Hauts-de-France, qu’à Grasse, qu’à Cayenne, qu’à Bordeaux. On croit beaucoup en la force des territoires, et en leur différenciation : qu’est-ce que chaque territoire va apporter, en termes de spécificités, pour alimenter la richesse du Made in France ? » s’interroge le directeur général du réseau.
Si la France a de l’avance, « il ne faut pas s’endormir », insistent les intervenants. La concurrence fait rage, notamment la Corée du Sud qui affiche une croissance à trois chiffres. Il y a une dizaine d’années, politiques publiques et privées se sont alignées pour développer la K-Beauty (filière cosmétique coréenne, ndlr) et le pays est passé quatrième exportateur mondial en peu de temps.
« C’est une concurrence très offensive. Le sujet d’après, c’est certainement la Chine qui pour l’instant se contente de son marché domestique mais devrait, demain, s’adresser au marché mondial » prédit Christophe Masson.
Cosmetic Valley est le premier réseau mondial en parfumerie-cosmétique, labellisé pôle de compétitivité en 2005. Anciennement « association parfums et cosmétiques », le réseau s’est renommé en anglais, pour que « la marque parle à l’international, justifie son directeur général Christophe Masson. Nous avons dû emmener des TPE et PME françaises sur des salons au Japon, aux USA… Aujourd’hui, n’importe où dans le monde, Cosmetic Valley est connu. Notre modèle a d’ailleurs essaimé à travers le monde : chez les Canadiens, les Coréens… », rapporte encore Christophe Masson.
Créé par 20 entreprises en 1994, Cosmetic Valley porte désormais la voix de 3 200 entreprises, représentant près de 250 000 emplois, 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus d’un millier de brevets déposés par an. « Nous sommes des marieurs, des facilitateurs » entre les différents acteurs de la filière, détaille Christophe Masson. Des antennes se trouvent en France métropolitaine comme en outre-mer. Une présence dans les Hauts-de-France est « espérée prochainement ».
Marion Lecas