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Aurélie Notteau est une jeune femme des plus solaires. Elle a les yeux qui pétillent et le rire facile. On devine, dans la sincérité de ses sourires, un caractère gentil et généreux. Derrière sa joie de vivre, se cachent toutefois les blessures d’un drame passé. Elle a été victime de violences conjugales. Son ex-compagnon l’a « massacrée », lui a ruiné moral et réputation. Un « enfer », dit-elle.
Si Aurélie Notteau est parvenue à se sauver, à se libérer de l’emprise, c’est « grâce à (s) es animaux », assure la trentenaire. Grâce à sa chienne, Myrtille, et à ses poneys, tous des shetland, petits et robustes, sa race préférée.
La jeune femme de 35 ans a la passion des chevaux comme chevillée au corps. « À 3 ans, j’essayais déjà de monter une vache », se rappelle-t-elle en riant. À 18, son père lui demande ce qui lui ferait « le plus plaisir au monde ». Elle répond sans hésiter : « Un poney ». Mirabelle, une ponette shetland alezan, entre ainsi dans sa vie. Elle lui donnera, plus tard, trois petits.
À l’Institut de Genech, où elle passe un diplôme de vente en animalerie – « parce qu’à l’époque les métiers autour du cheval étaient loin d’être valorisés », précise la Lommoise d’origine – on la réprimande gentiment, car elle loupe quelques cours pour cause de « balade à cheval ». En effet, afin de financer sa participation aux championnats de France d’équitation, Aurélie Notteau organise des promenades en petit groupe, qui fonctionnent bien. Si bien d’ailleurs que son père décide de donner un cadre légal à l’activité : en 2009, il crée l’association Shet59, dont Aurélie Notteau est présidente.
Aux manettes de Shet59, elle privilégie l’itinérance et se déplace avec son chien, ses poneys, ses lapins, à la rencontre de ceux qui en ont besoin. Pour la métropole européenne de Lille, elle se rend dans les quartiers populaires l’été, pour offrir un soupçon de dépaysement aux enfants qui ne partent pas en vacances. Elle anime des anniversaires aussi, propose des baptêmes de poneys. Elle rend visite aux services d’hôpitaux, de la psychiatrie aux soins palliatifs. Elle conte, émue, la rencontre entre un homme alité, ancien cavalier souffrant d’un cancer en phase terminale, et sa ponette Uliana, qui a aussitôt posé sa tête sur le torse du malade. L’homme est parti serein, assure Aurélie Notteau.
C’est toutefois au contact d’un public bien particulier que la jeune femme a une « révélation » : les jeunes en situation de handicap mental. Elle signe, il y a sept ans, son premier contrat avec l’institut médico-éducatif (IME) de Tourcoing. Elle voit ces enfants, avec d’importantes difficultés sociales, interagir avec les animaux et perçoit soudain, « au-delà de la souffrance », de la joie, de l’apaisement, une sorte de guérison lente aussi, alors qu’elle-même en a besoin dans sa vie personnelle.
« Les séances de psychothérapie ont été moins efficaces que de voir les enfants prendre les animaux dans leur bras », confie Aurélie Notteau. Elle est aux premières loges de progrès inespérés, comme lorsque cette petite fille autiste, qui n’avait jamais parlé, s’est mise à répéter le mot « poney », devant des soignants sidérés. « Les animaux stimulent leurs sens », explique la jeune femme : si le crin de cheval a tendance à gêner les jeunes autistes, ils raffolent des poils de lapin, très doux, et des cris des cochons d’Inde.
Dix ans après la création de Shet59, la jeune femme décide enfin de poser ses valises. « Il me fallait des murs », assure-t-elle. Elle visite une ancienne boucherie à l’entrée de Merville (59), qu’elle achète en 2020. Aidée par ses parents et son compagnon, Clément, elle entame une année de travaux. Aujourd’hui, Aurélie Notteau présente son cocon avec beaucoup de fierté. « Ici c’est comme ma salle de classe », rit-elle en montrant une salle emplie de dessins, de photos, de poneys miniatures, de tabliers, de crayons, et de tous les outils nécessaires pour distraire les enfants. « Je leur fais faire des petites sculptures, des dessins, l’idée c’est qu’ils repartent toujours avec quelque chose », explique la trentenaire.
Elle a aussi monté un élevage de shetland, qu’elle s’évertue à valoriser, bien que ça ne soit « pas trop (s) on truc ». « Vendre les animaux, s’en séparer… C’est assez douloureux, je préférerais les garder », confie-t-elle. Elle a eu son premier poulain il y a quelque mois à peine et possède au total 18 poneys, 15 lapins et cochons d’Inde, un chien et un chat. Sa chienne, Myrtille, fait d’ailleurs aussi de la médiation animale. Clément, son chéri, la taquine : « Tu n’as pas un animal qui ne travaille pas en fait. » Elle s’esclaffe : « C’est vrai, même le chat me chasse les souris. »
Pas question, pour autant, d’exploiter les bêtes. Aurélie Notteau y consacre tout ce qu’elle possède en matière de temps et d’argent. Elle s’apprête à faire construire des écuries actives et fera d’une partie de ses quatre hectares un centre de repos pour ses canassons les plus âgés.
Elle aime ses animaux et eux lui rendent bien ; c’est grâce à Myrtille qu’elle a entamé son histoire d’amour avec Clément. « Après ce que j’avais vécu, ma chienne ne supportait plus les hommes. Et pourtant, elle a joué avec Clément. Comme pour me dire “celui-ci, c’est bon, tu peux lui faire confiance”. »
1987. Le 7 septembre, la jeune femme naît à Lomme, près de Lille.
2007. Elle sort diplômée de l’Institut Genech.
2009. Son père crée l’association Shet59, dont elle devient la présidente.
2020. Elle achète quatre hectares à Merville, où elle installe un élevage de poneys shetland.
Marion Lecas