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17 h 30, la valse des vaches commence dans la salle de traite de Thibault Roseleur, éleveur d’une centaine de vaches laitières à Boulogne-sur-Helpe (59). Même s’il est équipé d’un roto, une bonne dose d’huile de coude est nécessaire pendant plus ou moins une heure selon les périodes.
90 vaches défilent entre les mains de ce jeune installé de 28 ans. « Pendant une heure, le trayeur va répéter les mêmes gestes sans arrêt, explique Charles Hemelsdaël, de chez ADF Milking, la société d’équipements destinés à la traite. Si les griffes ne pèsent que deux kilos et qu’elles ne sont portées que sur quelques centimètres, c’est la répétition de ces gestes qui va fatiguer les muscles. » Pour ménager la personne qui trait, un exosquelette, destiné à la base aux ouvriers dans certaines usines, a été adapté par l’entreprise à la tâche de la traite des vaches.
Après avoir enfilé l’exosquelette, aussi lourd qu’un sac à dos vide, effectué quelques réglages afin de ne pas avoir de déperditions, le trayeur prend l’allure de RoboCop. « C’est très léger, on le remarque pendant quelques minutes, ensuite on l’oublie, constate Thibault Roseleur. Je branche les griffes, porte les bidons, tout devient plus facile, j’ai moins de difficultés, je n’ai plus besoin de tirer sur mes muscles pour y parvenir. » Grâce aux ressorts et lamelles de carbone, l’exosquelette vient relayer les muscles lorsque les mouvements se dirigent vers une hauteur supérieure à celle du cœur.
C’est la deuxième fois qu’il essaye l’outil en deux mois. S’il est convaincu de son effet positif, l’éleveur hésite à investir dans cet exosquelette. L’unique frein : le prix. Comptez 4 150 euros pour cet équipement, avec la formation. « C’est un investissement pour l’avenir, abonde Charles Hemelsdaël. L’exosquelette est reconnu pour réduire les troubles musculaires squelettiques dus à la traite. » Depuis le début de leur commercialisation, une dizaine d’exosquelettes ont déjà été vendus dans toute la France. Ca intrigue, ça fait parler, reste à attendre que ça se démocratise.
Ce beau joujou laisse en effet rêveur. D’autant plus que, sur l’exploitation, certaines personnes qui trayaient auparavant ont déjà eu des troubles musculaires. « Nous avions une employée qui a trait quelques années, mais elle a dû arrêter car elle était cassée, témoigne le père de Thibault Roseleur, également éleveur. Dans ce cas-là, il est trop tard. C’est quand tout va bien qu’il faut se préserver. »
Pour cela, les éleveurs attendent un geste de leur MSA. « Une petite subvention serait la bienvenue de leur part », sourit Thibault Roseleur. Un geste qui serait vu comme une aide à la prévention. Car après une heure de traite, les effets sont notables. « Je sens moins de tensions dans mes muscles, je ne me rends pas compte que j’ai trait alors que d’habitude je me sens plus fatigué, constate le jeune éleveur. Je sens que je suis aidé dans ma gestuelle, ça tire moins sur les épaules. » Un bel outil de prévention et d’aide qui ne demande qu’à être démocratisé.
Lucie Debuire