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La pratique de la bicyclette en France est en hausse ces dernières années. Une tendance qui touche aujourd’hui plus rapidement les villes que les campagnes. Mais nous y reviendrons plus tard car pour comprendre et analyser les usages du vélo en 2023, « il faut d’abord prendre un recul historique important », avertit Frédéric Héran, économiste, urbaniste et auteur de l’ouvrage Le retour de la bicyclette (éditions La Découverte). Premier constat : « Dans les milieux ruraux, jusqu’aux années 1970 voire 1980, on roulait beaucoup à bicyclette, et même plus qu’en milieu urbain. »
Si ce constat peut paraître étonnant pour les moins âgés d’entre nous, il s’explique pourtant facilement par la concurrence d’un autre mode de transport, la voiture individuelle… « La voiture a d’abord conquis les villes et les centres-villes, car c’est là qu’il y avait les revenus pour acheter les voitures » éclaire Frédéric Héran. Puis la tendance a commencé à s’inverser progressivement à partir des années 1990.
Depuis cette date, parce qu’elle cause beaucoup de nuisances, l’automobile quitte petit à petit la ville pour rejoindre le monde rural. Le vélo, lui, fait le chemin contraire et s’installe dans les territoires urbains. Deux dynamiques qui s’inscrivent dans “un mouvement long et profond” selon l’urbaniste, mais qu’il faut compléter par d’autres éléments.
« Clairement, on voit une évolution ces dernières années, estime Mathieu Chassignet, ingénieur mobilité à l’Ademe Hauts-de-France. Les budgets, les linéaires de pistes, les services… Tout augmente. Aujourd’hui, quand on annonce des dispositifs de financement (avec l’Ademe, ndlr), on a une demande qui est énorme ! Tous types de collectivités viennent nous voir, y compris les collectivités rurales. »
En 2019, la part modale du vélo en France représentait 2,7 % de l’ensemble des déplacements de moins de 80 km. Aujourd’hui, on serait plus aux alentours de 3,5 % à 4 % selon Mathieu Chassignet. Le bulletin de janvier dernier du réseau Vélos et Territoires confirme cette tendance avec une augmentation de 31 % des passages de cyclistes sur les itinéraires surveillés. Les chiffres sont donc positifs, mais la France reste quand même en queue de peloton en Europe, derrière l’Allemagne (part modale du vélo autour de 10 %), et bien loin des Pays-Bas (part modale d’environ 30 %).
Autre constat partagé par les deux spécialistes : le vélo progresse plus rapidement dans les villes que dans les campagnes. Mais ces dernières vont intégrer « ce mouvement long et profond » insiste Frédéric Héran. « Ça commence par les grandes villes, puis les moyennes, les petites villes. De même, ça commence par les centres-villes, puis le vélo se développe en proche périphérie. Et il n’y a aucune raison que ça s’arrête. »
L’intérêt du développement de l’usage quotidien du vélo est d’autant plus important que les bénéfices, notamment pour le trajet domicile-travail, sont nombreux en termes de santé, d’impact financier, de réduction de la circulation… Pour notre société, l’enjeu est vital dans notre objectif de décarbonation. Alors, comment favoriser un développement encore plus important ?
« Le principal frein est la sécurité, avance Mathieu Chassignet. Ça veut dire qu’il faut améliorer les conditions de sécurité par les infrastructures, séparer les cyclistes des flux routiers. Et lorsque ce n’est pas possible, jouer sur le levier de la régulation de vitesse. »
Développer les infrastructures est donc la première des priorités, mais pas n’importe comment. « On fait du vélo quand le trafic automobile est calme, explique Frédéric Héran. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas faire d’aménagements, mais il faut que ces aménagements prennent la place de la voiture, sinon ils ne sont pas efficaces ! »
Un véritable « un choix politique » convient Mathieu Chassignet. Mais, selon l’ingénieur de l’Ademe, il faut aussi développer le « système vélo », c’est-à-dire tout ce qui entoure la pratique de la bicyclette : loueurs, réparateurs, parkings, déploiement de la multimodalité avec le train… Les services de location de longue durée peuvent être intéressants dans les moyennes et petites villes et amener à la découverte du vélo. Les aides à l’achat sont également des outils efficaces. « Il faut travailler sur l’offre et la demande. »
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L’Ademe Hauts-de-France travaille par exemple avec plusieurs centaines de collèges et lycées pour les accompagner dans la réalisation de leur plan de déplacements établissement scolaire (PDES). L’objectif ? Comprendre comment les élèves se déplacent, quels sont les freins aux mobilités douces pour changer les comportements. L’intérêt est immense, « car c’est l’âge parfait pour se mettre au vélo ».
Mathieu Chassignet évoque aussi le besoin de cohérence des politiques publiques, en particulier pour l’aménagement du territoire qui doit réduire les distances de parcours plutôt que de les allonger. La proximité est un enjeu et les territoires ruraux ont leur carte à jouer, par exemple avec le cyclotourisme. Son développement est une opportunité économique à saisir, dont tous les habitants de ces territoires pourraient profiter.
Frédéric Héran liste ainsi quatre cercles vertueux qui vont favoriser la bicyclette. « La sécurité par le nombre qui veut que plus il y ait de cyclistes, plus il y a de sécurité… C’est un effet étudié et vérifié pour tous les modes de transports. » L’effet de parc : plus vous avez de vélo, plus il est possible de développer une offre à l’usage comme les vélos cargos, les vélos à assistance électrique (VAE)…
« Une offre plus diversifiée attire plus de cyclistes » et plus il y a de cyclistes, plus ils peuvent peser dans le débat public, c’est l’effet de club. Enfin, l’effet de réseau : plus le réseau d’infrastructures cyclables est dense, plus il dessert une grande partie du territoire. « Ces quatre effets rendent la croissance du vélo irrésistible », selon l’urbaniste. De quoi rattraper bientôt les Pays-Bas ?