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Mobilisation des agriculteurs : « Il y a un alignement des planètes inédit »

01-02-2024

Actualité

C’est tout frais

En 1884, les syndicats agricoles se créent pour pouvoir acheter des engrais et les faire analyser. 140 ans plus tard, ils ont bien changé mais ils montent au front ensemble en pleine mobilisation des agriculteurs.

Éric Taisne est responsable de formation et enseignant en politiques agricoles à Junia Lille. © Junia

Aujourd’hui ancrés dans le paysage politique et sociétal, les syndicats agricoles n’ont pourtant pas toujours eu ce visage et n’avaient pas forcément vocation à organiser des cortèges de tracteurs sur les autoroutes comme c’est le cas actuellement avec la mobilisation inédite des agriculteurs en ce début d’année 2024.. Cela dit, l’histoire des syndicats et les positions historiques de ces derniers peuvent éclairer le présent et peut-être même le futur.

Pour Éric Taisne, responsable de formations et enseignant de politiques agricoles à Junia Lille, si les manifestations agricoles ne sont pas nouvelles, le mouvement de ce mois de janvier est singulier par plusieurs aspects.

Dans quel but sont créés les premiers syndicats agricoles et sous quelle forme ?

Les premiers syndicats agricoles sont créés en 1884 grâce à une loi qui permet la création d’organisations ayant pour but de représenter les intérêts des professions. L’anecdote, c’est que cette loi ne s’adressait pas du tout aux agriculteurs. C’est un député qui, à la dernière minute, a suggéré de rajouter la mention du secteur agricole, en pensant alors aux ouvriers agricoles. Les agriculteurs ont simplement saisi l’opportunité.

Se sont alors développés dans les villages des syndicats. L’objectif premier était de pouvoir acheter en commun des engrais et surtout de pouvoir payer des analyses sur ces engrais, car il y avait beaucoup de fraudes. La chose à comprendre, c’est qu’encore aujourd’hui, l’unité de base des syndicats est à l’échelle du village. Ils se sont associés en canton, département, région, etc. par la suite.

Quelles sont les positions historiques des cinq syndicats agricoles français actuels ?

En 1946, à la sortie de la guerre, le Général de Gaulle supprime la Corporation paysanne qui avait été créée par Philippe Pétain pour faciliter l’acheminement de nourriture demandé par les Allemands. Mais il se dit que d’avoir un interlocuteur unique peut être une bonne chose pour organiser l’agriculture française. Il incite donc les agriculteurs à créer ce qui sera la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles). Deux tiers des agriculteurs y adhéreront. La valeur majeure de la FNSEA c’est l’unité paysanne, le fait que les agriculteurs sont plus forts unis et qu’un agriculteur sera toujours plus proche d’un autre agriculteur que d’un ouvrier, par exemple. Quelle que soit la taille de son exploitation ou sa production.

En 1956, une partie des adhérents de la FNSEA, des jeunes, créent le CNJA (Centre national des jeunes agriculteurs) qui deviendra les Jeunes Agriculteurs. Leur idée est de davantage s’engager dans le progrès social et technique, le tout dans un contexte de société qui évolue.

Ils sont suivis en 1958 par la création du Modef par des agriculteurs du sud-ouest qui, eux aussi, quittent la FNSEA. Le Modef est créé en réaction à la future loi d’orientation de la politique agricole prévue pour 1962, qui revendique un modèle d’entreprises agricoles de taille moyenne. Or, cela exclut les grosses et les petites exploitations. Le Modef entend défendre les petites fermes.

Lire aussi : Dossier : Découvrez toute l’actualité concernant les mobilisations des agriculteurs

Arrive 1968 et tous les bouleversements qui vont avec pour la France. Se dégage alors un courant d’agriculteurs, porté par Bernard Lambert, qui ne se reconnaît pas dans cette notion d’unité du monde paysan revendiqué par la FNSEA. Ce courant s’inscrit dans la lutte des classes et revendique que les agriculteurs doivent davantage s’associer, selon les combats, avec la société civile. Il s’oppose au modèle productiviste ainsi qu’aux effets de la modernisation. Cela mène en 1970 à la création des Paysans travailleurs qui devient la Confédération paysanne en 1987.

Le dernier syndicat qui a été créé, c’est la Coordination rurale en 1992, en réaction à la réforme de la PAC. Cette réforme a supprimé la régulation des prix par l’Europe au profit du versement d’aides directes aux agriculteurs (lire aussi notre édition du 19 janvier). Pour eux, cette réforme allait rendre les agriculteurs dépendants de ces aides et l’Europe pourrait les « mener par le bout du nez », c’est l’expression de l’époque. Ils revendiquent un modèle plus libéral, où quelque part, le maître mot est « laissez-nous travailler comme on l’entend ». Ils s’opposent au fonctionnement des structures collectives comme les coopératives

On le voit, les syndicats actuels portent donc des valeurs très différentes. Pourtant ils sont tous au front. C’est ce qui rend le mouvement actuel inédit ?

Entre autres ! Il y a le fait qu’ils manifestent tous mais aussi que ce soit un appel conjoint à manifester. Cette union c’est une des singularités de cette crise. Ensuite, sa durée et son ampleur sont, elles aussi, inhabituelles. Et puis, il y a un alignement des planètes inédit : un nouveau Premier ministre, des élections européennes en juin et des manifestations dans toute l’Europe. Les agriculteurs ont un boulevard et ont toutes les cartes en main. 

Propos recueillis par Eglantine Puel

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