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Société : L’inclusivité sans accessiblité, l’équation impossible

12-10-2023

Actualité

Hors-champ

À 64 ans, Serge Ebersold est reconnu comme un spécialiste de l’inclusivité et de l’accessibilité. Pour lui, l’une ne va pas sans l’autre. Dans cette interview, il nous explique pourquoi il faudrait changer de paradigme sur ces notions en France.

Portrait de Serge Ebersold – Serge Ebersold © BENOIT Laurence CNAM

Les notions d’inclusivité et d’accessibilité ne sont pas nouvelles en France. Pourtant, chaque année, les politiques sont épinglés quant au déficit de moyens mis en place pour permettre à ces notions de se réaliser au quotidien. Les affaires de harcèlement scolaire notamment viennent rappeler qu’il est encore difficile de permettre l’inclusion à l’école. Pour Serge Ebersold, il faut changer de paradigme sur ces notions.

Comment tous vos travaux vous permettent aujourd’hui de concevoir les notions d’inclusivité et d’accessibilité ?

Eh bien cela commence par mon ouvrage L’invention du handicap, dans lequel je pose que le handicap se trouve plus dans la manière dont une société rend signifiante une différence que dans un réel facteur biologique. Ensuite, lors de ma collaboration avec l’OMS (Organisation mondiale de la santé), j’ai pu observer ce qui se jouait en France au regard de ce qui se jouait dans d’autres pays, ou plutôt dans d’autres sociétés où l’on rend plus ou moins signifiant le principe d’inclusivité. C’est ce qui m’a conduit à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Depuis que je suis à la chaire accessibilité du CNAM, j’observe cette notion au regard des mutations politiques publiques. Et ce que j’observe, c’est que l’accessibilité peut être pensée comme un moyen de rapprocher la protection sociale ou les outils de protection sociale, alors même que le système de protection sociale a de plus en plus de mal à protéger les plus faibles.

Serge Ebersold en quatre dates

1992. Il sort le livre L’invention du handicap.

1997-2001. Il collabore avec l’OMS pour une révision de la classification des handicaps.

2006-2009. Il travaille à l’OCDE sur la notion d’inclusivité.

2016. Il est nommé professeur titulaire à la chaire accessibilité du Cnam.

Quand on parle d’inclusivité scolaire, de quoi parle-t-on et qu’est-ce qui coince ?

L’inclusivité scolaire, c’est comment on permet à un élève de prendre sa place et de faire son métier d’élève. Le problème, c’est qu’on a résumé cette inclusivité au 3 % d’élèves reconnu en situation de handicap. On a donc oublié que face à la massification du nombre d’élèves, on avait une diversification des profils et des élèves éloignés de la culture scolaire. Par ailleurs, on demande aux enseignants de différencier la pratique pédagogique pour ces élèves alors que tous les autres élèves pourraient en bénéficier. En fait, on demande à l’école de s’ouvrir à cette diversité sans étayer le système. Or, il y a une différence entre soutenir un élève et un système. On a bien amené “le spécialisé” à l’école, avec des accompagnants. Mais ils analysent toujours les difficultés d’un point de vue médical, ce qui ne fait pas de sens pour les enseignants. On utilise des outils qui font qu’on ne se concentre que sur les problèmes de l’élève plutôt que sur le travail réalisé.

Concrètement, il faudrait que l’ensemble des enseignants et du personnel pédagogique soit formé afin que le milieu spécialisé devienne un espace ressource pour répondre à des questions pratiques. Pour le moment, ces deux mondes fonctionnent en silos. Enfin, il faut s’intéresser au pouvoir capacitant de ces actions. En quoi est-ce que le soutien apporté à cet élève lui permet d’exercer son métier d’élève ?

Dans les villes et le monde rural, là aussi des politiques d’inclusion sont tentées, et là aussi, on rencontre des problèmes. Pourquoi ?

Il faut bien se rendre compte que la discrimination se mesure statistiquement mais se vit au quotidien. Pour pouvoir inclure dans les villes comme dans le monde rural, il faut prendre en compte toutes les violences, toutes les situations de vulnérabilité qu’une personne peut vivre. Si l’on prend l’exemple de la ville de Saint-Venant, où le jardin suspendu de l’ancien hospice est accessible, en plein cœur de ville, à tous, ce jardin rend possible la coexistence de personnes qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer. Et c’est cela qu’il faut rendre possible. Par exemple, à une époque, on a construit des logements accessibles aux personnes handicapés dans des quartiers défavorisés. Les réactions ont été vives de la part des habitants, du type “on est pauvres mais pas handicapés”. Encore une fois, c’est là qu’on doit se poser la question de l’effet capacitant d’une action. Car de manière globale, on a tendance à rejeter une action quand on ne s’y retrouve pas. Ensuite, surtout dans le monde rural, les pouvoirs publics ont présupposé que les gens ont accès aux services publics/aux soins et que la mobilité est équitablement répartie. Ce qui fait qu’il y a eu confusion entre “le droit à” et “la possibilité de”.

Un exemple : la création du guichet France Services. Est-ce qu’il a été construit en se posant la question : en quoi permet-il un accès aux services ? Et puis, en quoi l’accès à ce service permet d’être considéré comme une personne aussi respectable que les autres et prendre part dans la société ? Car il y a un autre enjeu derrière tout ça, c’est le non-recours aux droits et aux aides de personnes qui le peuvent. Car quelque part, cela fait qu’elles ne prennent pas leur place dans la société. Il faudrait aussi penser autrement qu’en projets. Le projet n’offre aucune perspective à moyen ou long terme et n’existe qu’à travers les objectifs qu’on s’est fixé pour l’atteindre. Aussi, lorsque l’on n’y parvient pas, c’est forcément de notre faute. Alors que si on se donne un horizon, on permet aux personnes de s’ouvrir des possibilités à long terme. Finalement, de manière générale, pour mieux penser l’inclusivité, il faut déplacer le questionnement sur l’accessibilité et l’effet capacitant d’une action.

Propos Recueillis Par Eglantine Puel

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