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À Farbus, dans le Pas-de-Calais (un peu plus de 615 âmes), Brigitte Caruyer, « 93 ans pour les démarcheurs téléphoniques, 83 ans en réalité », ancienne documentaliste, vit en colocation depuis septembre avec Al Amine, un étudiant soudanais. Ce n’est pas la première fois que Brigitte fait cela : « J’ai commencé à accueillir des étudiants avec Générations et cultures il y a environ 10 ans. Je crois me souvenir que c’est une connaissance qui m’en avait parlé et je me suis tout de suite lancée. J’avais de la place dans cette maison qui ne servait à rien ! Alors, autant que ça serve. »
Et si elle fait cela depuis 10 ans, et bien qu’elle parle de tout cela avec beaucoup de détachement, il n’y a pas de hasard : Brigitte aime s’occuper des autres. « Al Amine parle très mal le français donc on a parfois un peu de mal à communiquer, commence-t-elle. Mais j’ai remarqué qu’il jouait parfois un peu de musique sur le piano du salon. Donc je l’ai fait ré-accorder… » C’est une succession de petites attentions que détaille l’octogénaire : « Il aime les raisins secs donc je lui fais des petits bols de temps en temps », « Pour être sûre qu’il a mangé le matin, je lui glisse une banane dans ses chaussures », « Je lui ai acheté un gilet fluo pour son vélo ». Pourrait-on dire qu’il y a de l’attachement ? Brigitte est pudique mais répond : « Oui un petit peu. Enfin rendez-vous compte, à 18 ans être loin de sa famille comme ça, loin de son pays… »
De son côté, Al Amine le lui rend bien : « Il est très serviable : il fait tout le temps la vaisselle, il balaie souvent, il a même balayé le garage ! Alors que je ne lui demande rien ! »
En plus des menus services, Brigitte l’affirme, l’accueil d’étudiants permet aussi d’avoir « une présence ». Et c’est exactement pour ça que Générations et cultures, créée par les Petits frères des pauvres, a lancé cette activité il y a 20 ans. « Tout est parti d’un film appelé Xueiv (vieux à l’envers, ndlr) réalisé par l’association. Il avait été tourné dans le Nord-Pas de Calais et avait fait un peu de bruit à l’époque car il montrait une misère et un isolement social des personnes âgées », raconte Valentin Parage, coordinateur de l’association.
Et ça fait donc 20 ans que ça dure. Il faut dire que Générations et cultures a des statistiques qui feraient pâlir n’importe quel site de rencontre. « C’est vraiment très rare que des binômes ne fonctionnent pas. Pour chaque personne âgée, on réalise un entretien pour déterminer les attentes et les besoins de la personne. On parle des “règles” de la maison, mais aussi des goûts personnels. Puis, on fait la même chose avec les étudiants et on voit si ça matche ou non. »
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Actuellement, Générations et cultures gère 90 binômes. « Nous étions plutôt à 150 avant le covid… Mais nous voyons que cela réaugmente fortement ! On a eu une explosion des demandes à la rentrée 2023. Il faut dire que les loyers (maximum 250 € dans les villes) sont attractifs et souvent ce sont des jeunes qui sont intéressés par ce type de colocation. »
En tout cas, une chose est sûre, Brigitte l’affirme : « Je pourrais vraiment conseiller de faire ça à tous ceux qui ont de la place chez eux et qui veulent de la compagnie ! »
Eglantine Puel