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Lait bio : Ils cherchent leur(s) successeur(s)

11-05-2023

Actualité

Élevage

La retraite approche pour Ghislain et Franck Lanthier, éleveurs laitiers en agriculture biologique en plein cœur de l’Avesnois, et avec elle, la quête d’un successeur pour reprendre les rênes de l’exploitation. Visite guidée.

Ghislain et Franck Lanthier, éleveurs laitiers bio à Dompierre-sur-Helpe, dans l’Avesnois, cherchent à passer la main en laissant une vraie place au porteur de projet intéressé. © L. T.

Sur la route de Maroilles, à Avesnes-sur-Helpe (59), le carrefour menant vers Dompierre-sur-Helpe porte le nom de Lanthier. C’est dire que l’exploitation agricole homonyme est solidement ancrée dans le paysage.

Ghislain et Franck Lanthier en sont la quatrième génération d’éleveurs, convertis en agriculture biologique depuis quelques années.

Tandis que le départ à la retraite approche, les deux frères cherchent celui, celle ou ceux qui guideront le troupeau après eux.

Blandine Lestoquoy, conseillère en transmission d’entreprise pour la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais, est à leurs côtés pour trouver le candidat idéal à la reprise.

« Ce modèle d’exploitation peut s’inscrire dans la durée, c’est une référence chez nous, commence-t-elle. Elle est au point techniquement et économiquement. »

Le cycle de l’herbe

Car loin d’être un défaut, la curiosité des deux frères les a poussés à toujours chercher à s’améliorer en allant voir ce qui se faisait ici, en se formant là. C’est ainsi qu’ils ont découvert l’autonomie puis le pâturage tournant dynamique.

Il ne restait qu’un pas avant de se convertir en biologique, « une évidence », ce qu’ils ont fait, encouragés par le « marché du lait qui était alors catastrophique ».

Mais revenons au pâturage tournant. Les 130 vaches – 100 prim’holstein et 30 croisées – broutent chaque jour une herbe nouvelle. Les éleveurs ont délimité 21 à 22 pâtures d’un peu plus d’un hectare (1,30 ha) et le troupeau tourne quotidiennement. « Cela correspond au cycle de l’herbe, explique Ghislain Lanthier. En trois semaines, elle cicatrise, met en réserve puis pousse. »

Après la traite, les vaches rejoignent leur « pâture de nuit », où elles continuent de se nourrir sans trop d’effort. Les frères leur apportent leur remorque d’herbe fraîche, rapidement engloutie.

« C’est l’approvisionnement en vert, reprend le quinquagénaire. Une vache qui pâture n’est pas rassasiée et en deux heures, elle mange autant qu’en une journée. »

Particularité de ce printemps humide, les ruminantes ont toujours faim. « On les entend râler, s’amusent les éleveurs. Le taux d’humidité doit être trop élevé pour elles, le taux de matière sèche joue beaucoup. »

Trèfle, maïs et un soupçon de soja

En effet, l’assiette du troupeau est scrutée à la loupe par Franck et Ghislain Lanthier avec un œil technique. « Ils ont toujours su s’adapter, avec leur technicité, leur recherche permanente et leur exigence », analyse la conseillère. C’est ce qui leur a permis de ne pas vraiment ressentir les effets de la sécheresse de 2022. 90 % des 135 hectares de l’exploitation sont en herbe, la moitié en prairies permanentes, la moitié en prairies temporaires.

« Elles sont ressemées derrière la rotation avec des mélanges multi-espèces, détaille Ghislain Lanthier. On privilégie les légumineuses, au moins 50 % de trèfle pour que la prairie soit productive : il capte l’azote de l’air et la graminée voisine en profite. »

En cas de sécheresse, les prairies restent vertes. En revanche, « les années humides, le trèfle souffre », constate l’éleveur. L’herbe est récoltée très jeune, pour sa richesse. Elle constitue 100 % de la ration estivale, et entre 70 à 80 % de l’hivernale.

« On a été obligés de continuer à mettre du maïs pour produire et maintenir la lactation », justifient les deux hommes. La ration compte 20 kg de maïs – sans quoi la lactation est cassée et le pic moins élevé – et 1,5 kg de soja, « pour l’équilibre et la richesse de la ration » en provenance d’Italie ou d’Espagne. « Avec 40 tonnes de soja sur un an, cela prouve qu’on peut produire bio en achetant très peu. »

Trois ans d’herbe, un an de maïs

Résultat, la ferme produit environ 900 000 litres de lait bio par an, avec une moyenne s’élevant à 7 400 litres par vache pour les prim’holstein. Et si, depuis quelques mois, le lait s’est vendu « en partie » en conventionnel, les éleveurs ont vu leur prix maintenu par leur laiterie, Ucanel.

« Le seul inconvénient de la bio est l’achat des concentrés », remarque Franck Lanthier. Pour le reste, les deux frères ne regrettent pas leur conversion. « Déjà, on ne se battait pas pour passer le pulvérisateur ! On est tellement bien à fonctionner sans chimie », continue l’aîné. Le désherbage, lui, est géré « sans problème ».

La rotation paraît simple : trois ans d’herbe, un an de maïs. Les éleveurs insistent sur les légumineuses, indispensables pour l’apport d’azote au sol. Puis ils décrivent leur mode d’emploi.

« On laboure en février pour que l’herbe ait le temps de pourrir et se transformer en engrais. Le sol est très vivant. Les terres reçoivent 25 à 30 tonnes de fumier chaque année. On effectue deux à trois faux semis avant de semer le maïs que l’on sème assez profondément et lorsque le sol est suffisamment chaud pour qu’il pousse rapidement. »

Deux à trois passages de herse étrille permettent de casser les ligaments. Puis un passage de bineuse et le tour est – presque – joué. Bilan : un taux de matière sèche par hectare à 19 tonnes, qui récolte les encouragements.

« À trois on est bien, à deux on devient fous »

Les frères pensent aujourd’hui à la suite. Ce ne sera pas leurs enfants, aucun des six ne souhaite poursuivre l’aventure familiale. Les regards se tournent donc vers d’autres jeunes qui partageraient leur philosophie et leur envie de viser « la pointe de la technique. »

Pour le reste, ils sont très flexibles. Eux sont associés en Gaec depuis le départ en retraite de leur père et ont, quand ils trouvent, l’appui d’un salarié. « À trois on est bien, à deux on devient fous », plaisante Franck Lanthier.

Projet de couple, d’associés, collectif, toutes les portes sont ouvertes. Même l’échéance de 2027 annoncée par la MSA peut être avancée si tel est le souhait du ou des prochains. Ce dernier peut aussi tester l’aventure en commençant par une période de salariat sur l’exploitation pour le tuilage.

” On est capables de s’adapter à différents scénarios. » Les investissements ont été faits au fil des ans, les bâtiments sont aux normes et un outil de transformation (crémerie, boucherie, salle de découpe, salle de cuisson, magasin) était opérationnel jusqu’à peu. « Il y a du potentiel. Et la clientèle était là », remarquent-ils. Mais voilà, les frères s’épuisent.

L’heure est donc arrivée de tourner la page pour, si possible, « céder à un jeune ». « Le porteur de projet aura une vraie place », promettent-ils. 

Louise Tesse

Lire aussi : Lait : Antoine Danna ou Moins se diversifier pour mieux rebondir

L’offre est consultable sur le site du Répertoire Départ Installation (référence 59-2023-06-BL).

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