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Quinze jours après le passage de la tempête Eunice sur la région, les chiffres continuent de grimper jour après jour. ” Au 1er mars, on estime à 1,4 million d’euros les dégâts subis par les maraîchers ” dans les Hauts-de-France, chiffre Basile Decrock, coordinateur et technicien en maraîchage chez Norabio.
Montant des dégâts matériels, coût de la main-d’œuvre pour la remise en état des serres et bâtiments, pertes de production, pertes du chiffre d’affaires immédiat et pour l’année à venir, les professionnels tentent de n’oublier aucun des postes touchés par la tempête. Le but : tenter d’estimer au plus juste la facture des dégâts et recenser les besoins.
Particularité de la tempête Eunice : aucun secteur géographique n’a été épargné dans le Nord et le Pas-de-Calais. C’est ce que constate Anne Coupet, présidente du Pôle légumes région Nord.
Les maraîchers équipés de serres sont parmi les plus touchés au niveau agricole. ” Nous sommes encore en train de collecter les données pour mesurer l’ampleur des dégâts, explique-t-elle. Une chose est sûre, il y a aura un coût conséquent de remise en état.” Basile Decrock estime les dégâts chez les maraîchers touchés, ” en moyenne, entre 500 et 1 000 m² par ferme”.
Comme chez Marine Florent, maraîchère à Wavrin : 1 000 m² de serres – soit la moitié – ont été débâchés, les pignons sont abîmés, les arceaux pliés. “Les experts ne sont pas encore passés sur la ferme, alors pour l’instant, on ne peut pas réparer.” Avec le taux de vétusté qui augmente chaque année, Marine risque de n’obtenir qu’une compensation maximum de 40 % sur ses serres de cinq ans. ” Ce n’est pas normal sur de tels outils, indispensables pour produire des légumes sur le territoire “, déplore-t-elle.
La maraîchère est à l’initiative, avec d’autres, d’un recensement des dégâts et pertes des producteurs. “La liste permet d’avoir une vue d’ensemble pour la Préfecture, la Direction départementale des territoires et de la mer, l’État. L’enjeu est d’obtenir la reconnaissance de calamités agricoles, avec la mise en place d’un fonds d’urgence”, explique-t-elle.
L’enjeu est d’autant plus de taille que beaucoup de maraîchers, pour des raisons de coûts, ne sont pas assurés pour leurs serres, s’inquiète Anne Coupet.
Les demandes devraient continuer d’affluer encore quelques jours. “Certains producteurs sont encore choqués de l’ampleur des dégâts”, confie Marine Florent, et peinent à les chiffrer.
Pour recenser celles et ceux disposés à prêter main-forte aux producteurs victimes de la tempête, la coopérative Norabio a lancé un appel aux bénévoles pour aider les producteurs à remettre en état leurs équipements de production. Le besoin est urgent alors que le printemps arrive et avec lui le gros démarrage de la saison de production.
Une centaine de personnes se sont portées volontaires, listées dans un fichier transmis aux producteurs pour qu’ils puissent contacter directement les bénévoles de leur secteur. “Tant que les experts ne sont pas passés, il est difficile d’organiser les chantiers de mise en état et réparation, qui devraient se tenir à partir de la mi-mars“, précise Basile Decrock.
La question de l’évacuation des déchets va aussi rapidement se poser. Pas question de déposer le plastique dans une simple poubelle. ” Le plastique des serres fait partie de la filière Adivalor “, souligne Gaël Denizart, responsable du pôle performance collecte à Adivalor. ” Les maraîchers peuvent faire appel à nos services pour l’enlèvement, l’écocontribution APE (agriculture, plastique et environnement, ndlr) permettant en effet la reprise des serres usagées “. Mais il faudra très sûrement que les agriculteurs se regroupent car “le seuil d’enlèvement est de deux tonnes minimum“. Quelques demandes ont d’ores et déjà été enregistrées.
Les éleveurs n’ont pas été épargnés par la tempête Eunice. Dans le Béthunois, sur la plaine, des vents à 140 km/h ont balayé l’exploitation d’Alain Chaudez, agriculteur au sein du Gaec de Fontenelle à Labeuvrière (62). La tempête a eu raison de la toiture de la maison d’habitation, qui s’est envolée. ” Nous avions quitté les lieux quelques minutes avant. La cheminée est tombée juste derrière nous. ” Heureusement, aucun blessé n’est à déplorer. Mais les dégâts sont bien réels. Outre la maison qui a perdu son toit, la toiture, en tombant, a largement endommagé le bâtiment d’élevage, juste à côté, épargnant le troupeau de bovins allaitants. Un dossier d’assurances est en cours avec Groupama qui estime le montant des dégâts à 90 000 €.
Au nord de la métropole lilloise, à Roncq, la ferme du Vinage a également subi de gros dégâts. En plus de la chute d’un arbre et des dégâts matériels divers (serres détruites, toiles abîmées, toitures endommagées…), c’est surtout une coupure d’électricité de près de 30 h qui a posé problème. “Nous avons un troupeau laitier de 70 vaches à traire, une chambre froide pour le magasin à la ferme ainsi qu’une fromagerie “, détaille Géraldine Capelle, gérante de l’exploitation. La priorité absolue a été de trouver un groupe électrogène suffisamment puissant pour faire fonctionner les robots de traite. “Alors que la coupure d’électricité est survenue en début d’après-midi, les vaches n’ont pu commencer à défiler au robot qu’à partir de minuit. Les bêtes n’ont pas eu peur de la tempête, mais elles commençaient à s’impatienter.” Les pertes sont estimées à 9 000 € de denrées alimentaires. À l’avenir, Géraldine Capelle envisage d’investir dans un alternateur à brancher sur la prise de force du tracteur pour faire face à telle situation si elle venait à se reproduire. V.CH.
Louise TESSE
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