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” Un très bon rendement, de l’ordre de 40 % supérieur à l’an dernier. ” En même temps, quand Yvon Pruvost avance cette progression, il n’oublie pas de rappeler que ” l’an dernier a été catastrophique : une année record… en négatif “. 40 % de plus, ça donne quelque chose comme 2 à 2,2 tonnes de cônes de houblon récoltés durant ce mois de septembre, contre 1 à 1,2 tonne l’an dernier.
Pour la qualité, qui se mesure en alpha en fonction de la concentration en résine présente dans les cônes (entre 3 et 15 %, en fonction des variétés cultivées aussi), il faudra encore attendre ” une quinzaine de jours ” que le houblon, après avoir été coupé et trié, ait séché dans les hangars des houblonniers de la région : ” On passera alors d’un produit à 80 % d’humidité à 10 %, ce qui permettra sa parfaite conservation “, rappelle celui qui produit du houblon ” depuis la naissance ” et même avant. Il détaille les dernières étapes de transformation : le pressage en ballots pour être centralisés à la coopérative qui les envoie chez trois prestataires en Belgique en vue de transformer les cônes en pellets (entre novembre et décembre) pour une livraison aux brasseurs, ” après toutes les démarches administratives “, à partir de janvier.
Yvon Pruvost est actuellement le président de Coophounord, la coopérative de producteurs du houblon des Hauts-de-France (11 des 12 houblonniers de la région y adhèrent, en rappelant que 10 des 12 producteurs régionaux sont installés dans le Nord, a fortiori les Flandres). Il est surtout producteur de houblon à Boeschepe (59). ” Comme mes parents avant moi qui ont cultivé jusqu’à 11 hectares. J’ai repris, subi la crise du milieu des années 80, passé mon temps à démonter et à remonter les houblonnières en fonction du marché, des catastrophes aussi comme cette fois où une tornade a décimé la moitié de mes houblonnières en 2004 “, égraine le producteur de l’or vert des Flandres.
” Puis à partir de 2008 ça a commencé à remonter, il y a ensuite eu le boom des microbrasseries, puis celui du consommer local : la demande a augmenté et on a suivi mais on est restés prudents, parce que le vent tourne vite “, formule-t-il au dernier jour de récolte, le 5 octobre dernier. Parmi les nouveaux installés, des producteurs bio qui se lancent sur de plus petites surfaces : ils sont cinq sur les 11 coopérateurs. Une démarche de production que l’ancien estime risquée, ” car une fois que tout le monde y sera allé, pas sûr que la demande soit si forte “, observe-t-il.
Le houblon dans la région, et en particulier dans les Flandres, c’est une longue histoire. Parce que les brasseries y étaient implantées, d’un côté de la frontière comme de l’autre, les producteurs y ont planté. Idem en Alsace, l’autre région historiquement productrice en France. Logique. Une question de terroir aussi ? “ À partir du moment où on sait mettre des pommes de terre on sait mettre du houblon “, avance comme image Yvon Pruvost : une bonne terre, argilo-limoneuse, et c’est parti. Jusqu’à 350 hectares ont été cultivés à l’âge d’or des houblonnières, pour chuter à 27 hectares au milieu des années 80. “ C’était devenu une culture en voie d’extinction “, lance le Flamand. ” Nous sommes aujourd’hui remontés à 45 hectares, heureusement que quelques-uns n’ont jamais abandonné.
Dont notre homme qui détaille : “ Côté variété, nous nous adaptons à la demande des brasseurs, en cultivant des houblons anglais, américains ou allemands. Il existe des centaines de variétés dont 12 ou 13 sont cultivées dans la région. ” Sur les variétés endémiques, il laisse venir. “ Je sais que la question commence tout doucement à se poser. À Douai*, ils ont une petite houblonnière où ils font des essais en plantant quelques variétés récoltées à droite à gauche dans les buissons. ” L’idée à terme : cultiver une variété locale.
En attendant, l’odeur caractéristique du houblon va continuer à flotter sur les Flandres quelques jours. Puis sonnera l’heure du repos végétatif avant le retour dans les houblonnières en mars : taille, accrochage des fils et reprise de la pousse des lianes. Pour une culture loin d’être une jungle.
Justine Demade Pellorce