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La braderie de Lille, c’est une longue histoire. Retracer ce parcours tumultueux est un défi dans lequel s’est lancée la journaliste Élodie De Vreyer dans La Braderie, une histoire lilloise (éditions Ouest France, 2014).
L’autrice et journaliste se souvient avoir voulu écrire sur le sujet après avoir fait un constat simple : aucun ouvrage ne s’était attardé sur l’histoire de la braderie. Avec l’idée de « dénouer le vrai du faux », elle se lance dans un travail de plusieurs mois : « J’ai fouillé pas mal d’archives, des journaux anciens… Notamment à la bibliothèque municipale de Lille. »
L’autrice le rappelle dès le début, « il n’existe finalement que peu de sources historiques » concernant la braderie telle qu’on la connaît aujourd’hui, c’est-à-dire un vide-greniers et une fête géante…
Les prémices de la braderie remonteraient pour autant au XIIe siècle et à la franche-foire. L’événement à vocation marchande et commerciale « voyait affluer à Lille, chaque année, des marchands de toute l’Europe ». C’est à l’occasion de cette franche-foire que se serait développée la vente dans les rues lilloises. Des cabaretiers (personnes qui servaient du vin au détail et donnaient à manger contre de l’argent) auraient en effet demandé de pouvoir vendre pendant la franche-foire viande rôtie et harengs cuits devant leurs maisons (le mot braderie serait ainsi à l’origine l’équivalent de rôtisserie, et du flamand « braaden » qui veut dire « rôtir »).
Les boutiques extérieures à la foire devaient alors être fermées, à l’exception de celles qui vendaient des denrées périssables, et tous devaient vendre devant leur boutique. « On suppose, sans pouvoir la dater, que cette pratique des commerçants non plus dans leur boutique, mais devant leur pas-de-porte, rencontra tant de succès qu’ils furent ensuite imités par les particuliers » écrit Élodie De Vreyer. Mais nous sommes alors bien loin, toutefois, du marché aux puces actuel, et la franche-foire est avant tout composée de marchands.
Pendant des siècles, la franche-foire va ainsi perdurer. Mais au fil des conflits militaires qui jalonnent l’histoire du Nord de la France, elle va décliner progressivement jusqu’au XIXe siècle. C’est à ce moment qu’apparaît la première mention d’achats de vieux objets, explique Élodie De Vreyer. La braderie, dans le sens du marché de l’occasion, semble ainsi se développer lors de ce siècle qui voit aussi s’affirmer la vocation festive de l’événement.
Alors que les progrès de l’industrie et du transport condamnent la franche-foire, celle-ci survit ainsi en se transformant en un marché aux puces où les visiteurs peuvent chiner tout en faisant la fête. Se développe alors une sorte d’âge d’or de la braderie lilloise, magnifiée par les nombreux chansonniers qui ont écrit sur l’événement.
À cette époque, « la braderie commence à 4 heures le lundi matin, pour s’achever à midi, écrit Élodie De Vreyer. On peut imaginer l’effervescence qui régnait alors pour profiter de ces huit heures de bonnes affaires, de fête et de boisson. » On sait par exemple que les mariages étaient nombreux en ce lundi de fête ! Ce jour-là, « on enregistre 26 mariages en 1858, une cinquantaine en 1865 », écrit par exemple Pierre Pierrard dans l’ouvrage La vie ouvrière à Lille sous le second Empire.
« Cette braderie idéale et sans doute mythifiée du XIXe siècle » comme l’écrit Élodie De Vreyer, ne dure toutefois pas. Marquée par les deux guerres mondiales, la braderie lilloise s’étiole ensuite jusqu’à la fin des années 1960. « À la braderie des années 1950-1960, envahie par les commerçants, on fait parfois des affaires, mais on ne fait plus la fête », écrit l’autrice. « Elle mourrait tout doucement depuis trente ans » commente pour sa part le journal Nord-Eclair, en 1966.
Celle-ci va cependant renaître quelques années plus tard « avec les soixante-huitards, venus s’amuser et militer sur le plus grand des marchés à ciel ouvert, écrit l’autrice de La braderie, une histoire lilloise. C’est le début pour la braderie, d’une irrésistible médiatisation. » Celle-ci prend ensuite un coup de boost dans les années 1980, « avec Pierre Mauroy qui amène avec lui les journalistes parisiens ».
Installée petit à petit le week-end avec différentes restrictions sécuritaires, annulées à quelques reprises cette dernière décennie, la braderie change encore une fois de forme au fil des années… Tout en s’ouvrant considérablement au monde avec une notoriété qui dépasse aujourd’hui les frontières françaises, et de loin !
Ces dernières années, elle a retrouvé son authenticité selon l’autrice. Avec la volonté de limiter l’accès aux commerçants, de renouer avec la vente des vieux objets… « Tout ce qui fait son charme ! », sourit Élodie De Vreyer.
Kévin Saroul
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