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L’AFAUP, Association française d’agriculture urbaine professionnelle, a vocation à fédérer les professionnels de l’agriculture urbaine et faciliter les liens avec les autres acteurs de la ville, le monde agricole et le grand public. Elle organise les 29 et 30 avril prochains à travers toute la France, les 48 h de l’agriculture urbaine. À cette occasion, plusieurs animations seront proposées dans la Métropole lilloise.
Dans le Nord-Pas de Calais, les projets d’agriculture urbaine fleurissent sur le territoire. En 2021, la Métropole Européenne de Lille (MEL), qui indique être “la métropole la plus agricole de France” “avec près de 50 % de son territoire cultivé“, avait d’ailleurs lancé un appel à manifestation d’intérêt “pour valoriser l’agriculture urbaine de demain“.
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Mais comment définir l’agriculture urbaine ? Selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture urbaine et périurbaine représente “les activités agricoles et processus connexes (transformation, distribution, commercialisation et recyclage, entre autres) qui permettent de produire des aliments et d’autres biens sur des terres et dans divers espaces situés au sein des villes et dans les régions avoisinantes”. L’agence spécialisée des Nations Unies y voit “une stratégie fondamentale pour renforcer la résilience de l’approvisionnement alimentaire des villes”.
La chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais est, elle, plus exigeante, sur sa définition de l’agriculture urbaine. “Nous avons travaillé pour tenter de définir ce qu’on entend par ces termes qui regroupent pas mal de choses, avance Christian Durlin, président de la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais avant de détailler, certains y voient la culture végétale verticale avec des concepts particuliers comme la culture hydroponique (ndlr : système de culture qui permet de faire pousser des plantes, fleurs, fruits et légumes sans terre) qui ne demande donc pas forcément d’avoir du foncier urbain. Un modèle particulier, qui n’est pas nouveau puisque nous y avons déjà recours pour les endives, les fraises ou encore les tomates, mais qui économiquement, n’est pas simple. D’autres y voient aussi une reconquête de terrain foncier à l’intérieur des villes qui se fait généralement avec un volet social. Cela relève parfois plus des jardins ouvriers ou espaces partagés qui, selon nous, ne sont pas des exploitations agricoles en tant que telles.”
Il n’y a pas de clivage entre ces deux agricultures, la météo est la même pour tout le monde, tout comme le marché, les formations… »Christian Durlin, Président de la Chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais.
© franckbeloncle
Pour la chambre d’agriculture, plusieurs critères doivent être réunis pour parler d’agriculture urbaine. D’abord, l’agriculture doit être bien présente.
“On ne parle pas ici d’espaces partagés où chacun a un petit carré de terrain qu’il cultive mais d’exploitation agricole”, précise le président de la chambre.
Ensuite, l’agriculteur doit avoir la maîtrise de son foncier. “Sans forcément en être propriétaire, il doit disposer de son moyen de production et en avoir les capacités de gestion. Il doit être autonome dans son schéma de décision”, poursuit Christian Durlin. Enfin sa rémunération principale doit être liée à sa production.
Depuis 2011, sur les 1 620 installations bénéficiaires des aides nationales ou régionales dans le Nord-Pas de Calais, seules 115 concernaient une exploitation en agriculture urbaine.
108 d’entre elles représenteraient une agriculture périurbaine classique, 12 étaient axées sur une agriculture sociale et solidaire telles que des fermes multi-activités avec de l’insertion, du réemploi ou encore du recyclage. Et enfin, cinq portaient sur une agriculture technologique comme des fermes spécialisées ou encore verticales.
Christian Durlin voit aussi en l’agriculture urbaine un retour aux sources : “Avant, en périphérie des villes, il y avait des ceintures vertes où des maraîchers et autres producteurs étaient installés et nourrissaient les villes avec leur production. Mais avec le développement des zones commerciales, ces terrains ont disparu. Aujourd’hui, cela crée un manque et les collectivités veulent récupérer cela.”
Pour ce dernier, il existe une forme de “mode politique” autour de l’agriculture urbaine notamment avec les PAT (Projets alimentaires territoriaux).
“Cet outil mis à disposition par l’État permet aux collectivités de faire des conventions avec des opérateurs pour travailler sur leur chaîne alimentaire afin d’approvisionner les circuits urbains. Un certain nombre d’élus pensent qu’ils peuvent construire leur agriculture ainsi, mais ce n’est pas possible. D’autant que, dans ces systèmes, le producteur peut ne pas avoir de sécurité sur l’outil foncier et de production et c’est donc difficile pour lui de faire des investissements”, détaille le président de la chambre.
Et de conclure : “Un producteur salarié d’une collectivité payé pour alimenter une cantine par exemple, n’est pas un agriculteur, à notre sens.”
Cependant, le président de la chambre d’agriculture concède que les fermes urbaines peuvent être un élément, parmi d’autres, contribuant à la souveraineté alimentaire de la France et insiste sur le fait que l’agriculture conventionnelle et agriculture urbaine ne doivent pas être mises en opposition. “Il n’y a pas de clivage entre ces deux agricultures, la météo est la même pour tout le monde, tout comme le marché, les formations…”, souligne Christian Durlin.
Une philosophie que partage Jean-François Deneuville. Cet agriculteur basé à Villeneuve-d’Ascq a fondé, il y a deux ans, l’association Récoltes & Nous dont l’objectif est de concilier le monde agricole et le monde urbain. Elle met des terres à disposition de porteurs de projets. Des terres qui accueillent les ruches Francoruche, Cueillette fleurie, un champ où les gens peuvent, en toute autonomie, venir cueillir leurs fleurs, ou encore une maraîchère permacultrice, Céline Bocquet.
“L’un de nos meilleurs exemples est Etika Spirulina, une entreprise que l’on a accompagnée dans l’installation d’une micro-ferme de spiruline fraîche et éthique. En mettant à disposition 800 m2 de terrain, Xavier Delannoy a pu y installer sa ferme urbaine avec ses bassins et ses serres, souligne Jean-François Deneuville. L’agriculture urbaine peut aller dans des domaines où l’agriculture classique ne va pas forcément. En plus de créer du lien avec les consommateurs, cela permet de tester des modes de production novateurs. Il y a une dizaine d’années, on ne voyait pas l’intérêt d’associer des plantes sur une même parcelle, ce qui est la base de la permaculture. Aujourd’hui, on sème le colza avec des plantes compagnes qui le fertilisent par exemple, ou on sème les lentilles avec de la caméline qui sert de tuteur !”
Et de conclure : “Il est important de ne pas opposer agriculture urbaine et agriculture classique, elles ont toutes les deux des choses à apporter à l’autre. L’idée de notre association est de s’entraider, on fait une agriculture différente mais nous travaillons dans le même sens : nourrir le monde.”
Hélène Graffeuille
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