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Comment résister au dérèglement climatique, à l’effondrement de la biodiversité et à la problématique de renouvellement de génération des agriculteurs ? Le sujet est vaste mais Pierre Wolf et l’association roubaisienne (59) le collectif urbain du Trichon ont peut-être une solution. En tout cas, ils tiennent à apporter leur pierre à l’édifice. “J’ai lu une étude sur la résilience du système alimentaire des Hauts-de-France de l’Ademe, et on se rend compte que, finalement, la production et la consommation dans la région sont déconnectées, avance Pierre Wolf, chef de projet. Pour la production, nous sommes dans des chaînes longues avec des outils de transformation énormes, mais qui ne travaillent pas directement pour le territoire. Du côté des consommateurs, on utilise peu le circuit court.”
Alors, lorsque l’association, composée de trois salariés et d’une trentaine de militants, a eu connaissance d’un terrain de 6 300 m2, en plein centre-ville de Roubaix, appartenant à la métropole européenne de Lille, qui ne trouvait pas preneur auprès de promoteur immobilier, elle y a vu une aubaine : créer une ferme urbaine ! “L’idée est d’y installer un ou deux maraîchers avec un principe de maraîchage en autorécolte. On n’y fera pas des oignons ou des pommes de terre, il y en a déjà plein qui le font. Nous aimerions avoir des choses étonnantes comme des kiwis, par exemple. Les gens s’abonneront à l’année – on imagine un tarif d’environ 1,50 € par personne et par jour – et pourront venir, quand ils le souhaitent, cueillir les fruits et légumes dont ils auront besoin. Cela permettra de reconnecter les habitants à la production”, détaille le chef de projet de la ferme urbaine du Trichon qui travaille le sujet depuis 2017.
Le collectif souhaite également mettre en place un système pour les gens à faibles revenus afin qu’ils aient, eux aussi, accès à ce service. “Roubaix est l’une des villes les plus pauvres de France, les gens ne mangent pas bien car ils n’ont pas les moyens. On pourrait aller voir des organismes comme la CPAM pour trouver une collaboration, car la malbouffe a un coût aujourd’hui pour notre société”, avance Pierre Wolf.
Ce dernier y voit aussi l’opportunité de rendre les métiers agricoles plus attractifs : “Un maraîcher va arriver d’ici un mois. Aujourd’hui, ces professionnels travaillent plus de 70 h par semaine pour un salaire qui ne dépasse pas 1 000 € par mois. Le fait d’être en autorécolte réduirait sa charge de travail. Nous voulons un bien-vivre alimentaire, où les gens mangent équilibré, et où l’on travaille dans de bonnes conditions, pour un bon salaire, avec la possibilité de prendre des vacances et d’avoir des week-ends.”
La ferme du Trichon sera aussi une réponse au faible nombre d’espaces verts sur Roubaix : “Avec cette ferme, l’objectif est d’améliorer le cadre de vie, en faire un lieu où on peut s’aérer en pleine ville, écouter chanter les oiseaux.” Elle accueille d’ores et déjà 20 classes roubaisiennes : “Les élèves viennent une dizaine de fois dans l’année pour participer à des ateliers sur la nature”.
Pierre Wolf et l’association voient même plus loin : le terrain de la future ferme urbaine est bordé par l’ancienne faculté de LEA, aujourd’hui à l’abandon. “Nous sommes actuellement en dialogue avec le bailleur, Partenord, pour trouver un terrain d’entente afin que l’on puisse utiliser le rez-de-chaussée de ce bâtiment pour y installer un tiers-lieu nourricier où nous proposerons des produits issus d’agriculteurs basés dans un rayon de 200 km. On pourrait également imaginer des ateliers pour apprendre aux habitants à les cuisiner…”
Actuellement, la ferme urbaine est en phase de test. “Nous avons semé du blé, pour voir ce que cela va donner, on en fabriquera de la farine”, sourit Pierre Wolf.
Prochainement, des concombres, des courgettes, des courges ou encore de la salade devraient également être plantés. Pierre Wolf espère que la ferme urbaine de Roubaix sera opérationnelle en 2025.
Sur les 6 300 m2 de terre qui accueillent la ferme urbaine du Trichon, il a fallu reconstituer un sol. Pour cela, le collectif des paysans urbains du Trichon collabore avec trois laboratoires scientifiques universitaires de Lille et de Junia, ainsi qu’avec un bureau d’études de sol autour d’un projet de recherche qui vise à évaluer la pertinence de l’utilisation du compost d’origine locale dans la gestion durable des sols dégradés. “Ce sol n’était plus fertile, il a été tassé sous du béton”, explique Pierre Wolf. Pour lui rendre sa fertilité, le collectif s’est donc servi de ressources locales telles que du bois, du fumier ou encore des feuilles, provenant de la métropole lilloise.
“Une partie du terrain a été polluée à la suite de son occupation par des Roms qui y ont notamment brûlé des voitures et stockés des métaux”, explique Pierre Wolf. Sur cette parcelle, qui ne servira évidemment pas pour la ferme urbaine, des tests sont en cours : “On étudie ce qui s’y passe lorsqu’on apporte du compost : cela permet-il de dépolluer la terre ? Les polluants se retrouvent-ils dans les plantes qui y poussent ? Cela contribue à augmenter le niveau de connaissances des sols urbains et leurs comportements lorsqu’on les remet en agriculture.”
Hélène Graffeuille
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