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Début d’après-midi. Un homme, seul client pour l’heure, est accoudé au comptoir du Calibou. Pour lui, point de déjeuner tardif, pas plus que de levée de coude précoce. Il vient pour commander… un livre. « On ne l’a pas sur place, il va falloir attendre un peu, lui répond Myriam Tiberghien, propriétaire de ce café de Godewaersvelde (59). Mais on a de nouveaux ouvrages en poche si vous voulez jeter un œil », poursuit-elle, pianotant sur son ordinateur afin d’assouvir au plus vite la fringale littéraire de son visiteur.
Dans le même temps, le Calibou accueille un second visiteur. Un « bonjour » plus tard, il traverse la salle, enveloppe en main. « C’est où pour les envois vers la France ? » Tour à tour bar, librairie et bureau de poste. C’est à n’y rien comprendre. Et pourtant, dans son nom même le Calibou porte la marque de son originalité et de sa polyvalence.
« C’est Myriam qui a proposé d’appeler l’établissement comme ça, raconte son compagnon et associé Gérard Lefebvre. Je trouvais ça marrant, mais presque un peu trop évident. Et finalement, peu de personnes comprennent par elles-mêmes », se marre-t-il.
Café. Librairie. Boulangerie. Ca-li-bou. Après révélation, l’astuce paraît limpide. Mais la difficulté à percer ce mystère patronymique ne proviendrait-elle pas du fait qu’il est difficile d’envisager qu’un bistrot de village assume tous ces rôles à la fois ? « Le café-librairie, c’est un concept assez répandu en Bretagne. Très peu dans notre région, explique le propriétaire. On va souvent en vacances là-bas et on fréquente ce type d’endroits. »
L’air celte les inspire, et les convainc de se lancer. La genèse du projet remonte à 2015. Le couple, qui travaillait jusqu’alors dans une association de protection de l’environnement implantée dans la capitale des Flandres, cherchait une reconversion, lassé de son quotidien. « On est tombé sous le charme de ces cafés. On s’est dit : pourquoi pas dans le Nord? »
L’idée est semée dans leurs esprits. Elle germe jusqu’à concrétisation. Vient alors la première étape : trouver le lieu. « On cherchait un endroit qui soit à la fois rural et suffisamment touristique pour générer du passage. » À Godewaersvelde, l’Estaminet, bistrot du village, est vendeur. Banco ! Ce sera ici, dans les monts de Flandres. Et ils n’y emménageront pas seuls.
Un troisième larron se mêle à la fête. « Xavier, l’un de nos amis, initialement professeur, songeait lui aussi à changer de profession. Il se passionnait pour la boulangerie et la confection de pain bio. Plutôt que de partir chacun dans notre coin, on a préféré se réunir et se lancer ensemble. » Un café-librairie d’un coté, une boulangerie de l’autre : ainsi naquit le Calibou !
C’est en 2016 que le choix de Gérard et Myriam s’est arrêté sur le petit café en face de l’église de Godewaersvelde. Acquis en mars 2017, c’est quatre mois plus tard, en juillet, que le Calibou ouvre ses portes.
Ce sont au total trois structures, distinctes mais en collaboration, qui partagent les locaux. Le Calibou donc, mais aussi « Du pain des croissants », l’établissement de Xavier, et « Du pain des paysans », seconde boulangerie tenue par un couple que ce dernier a rencontré lors de sa formation à l’art de faire le pain.
Le Calibou ne se contente ainsi pas seulement des trois activités qui ont contribué à la construction de son nom. Il vend le pain préparé sur place, et accueille également une petite épicerie dont les étagères sont emplies de produits de première nécessité.
Enfin, il est devenu au fil du temps un véritable lieu de vie et de rassemblement de la petite commune. Pas seulement en tant que bar, mais en tant que salle de spectacle, ou même d’enseignement. « On a une grande pièce à l’arrière, dont on n’a pas d’usage constant, décrit Gérard Lefebvre. Plutôt que de la laisser inoccupée, on a préféré la rendre disponible à ceux qui le souhaitaient. Des gens avec des talents ou des passions qu’ils désirent partager. » La fameuse salle reçoit ponctuellement des ateliers (poterie, origami) ou encore des spectacles, comme ceux du conservatoire communal ou de l’atelier théâtre.
Une intégration parfaite à la vie du village, grandement facilitée par son dynamisme. La belle histoire du café-librairie commence tout juste à s’écrire.
Clément Peyron