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Depuis début novembre et les crues impressionnantes de l’Aa qui ont mené à pas moins de deux épisodes d’inondations dans le Pas-de-Calais, chacun cherche un responsable. Et certains estiment que le tableau aurait été différent si les cours d’eau avaient été davantage curés. Ils dénoncent l’interdiction qui leur en est faite, par l’OFB (office français de la biodiversité) notamment, la police de l’environnement. Or des règles précises existent, qui encadrent l’entretien des cours d’eau. Sans oublier que certaines interventions peuvent avoir l’effet inverse à celui escompté.
“On distingue les cours d’eau des fossés, créés par les hommes entre les champs ou le long des routes à des fins de drainage“, pose Émilie Ledein, directrice régionale adjointe de l’OFB. “Les fossés nécessitent un curage régulier et ne posent le plus souvent pas de problème au regard de l’environnement.” Comme pour tous les cours d’eau, l’entretien des fossés incombe aux propriétaires du foncier où ils passent. S’il est de la responsabilité du propriétaire, l’entretien peut être délégué à des structures ou des sections de wateringues comme la 7e section de wateringues, dans le cas de l’Audomarois.
Les cours d’eau, eux, ont globalement une origine naturelle et se caractérisent notamment par un écoulement en majeure partie de l’année. “Avec en général la présence d’une source et d’un lit naturel originel“, précise Paul-Emilien Toucry, chef de service départemental adjoint du Pas-de-Calais pour l’OFB. Pour ces cours d’eau, au statut juridique différent, plusieurs possibilités.
“Il faut distinguer les opérations d’entretien courant du curage“, explique Émilie Ledein. Dans le premier cas, ces opérations sont nécessaires et non soumises à autorisation préalable. Il s’agit de quatre types d’interventions : le retrait des embâcles, c’est-à-dire les débris flottants s’accumulant jusqu’à former des barrages et autres obstructions à l’écoulement de l’eau ; l’entretien de la végétation des berges ; le faucardage, c’est-à-dire le retrait de la végétation aquatique en excès (à partir du moment où cette dernière gêne le bon écoulement de l’eau) et enfin le retrait des atterrissements, soit l’accumulation de sédiments ou graviers au fond de l’eau. Il s’agira alors d’interventions localisées, souvent manuelles, sur des zones limitées de quelques mètres carrés à l’aide de râteaux ou de pelles. “Toutes ces opérations d’entretien peuvent être réalisées de façon groupée, par des syndicats de gestion notamment, mais dans tous les cas la responsabilité de l’entretien incombe au propriétaire“, redit Paul-Emilien Toucry qui rappelle aussi que “des opérations plus ambitieuses concourant à une restauration écologique du milieu peuvent donner droit à des aides techniques et financières, elles sont alors soumises à déclaration d’intérêt général“.
“Les opérations plus lourdes de retrait des sédiments n’ont pas les mêmes enjeux selon qu’ils sont réalisés dans des canaux ou des cours d’eau naturels“, pose Émilie Ledein. Concernant les canaux, les opérations de dragage sont courantes et font partie de l’entretien, intégrées dans des plans de gestion pluriannuels à la charge des maîtres d’ouvrage, ici l’Institution des Wateringues ou les VNF (Voies navigables de France). “Pour les canaux se pose essentiellement l’enjeu de la gestion des sédiments“, explique la directrice adjointe régionale de l’OFB : “Ceux de bonne qualité pourront être valorisés comme amendement sur les terres agricoles ou pour conforter les berges si besoin. Les autres, notamment contaminés par les métaux lourds, devront être éliminés.” Les capacités de stockage et les financements seront les principales limites de ces opérations. Autre enjeu, celui de l’élargissement ou de l’approfondissement des canaux qui peut créer “un piège à sédiments“. “Les pentes sont très faibles dans ces infrastructures et quand on vient élargir un canal, on réduit la vitesse d’écoulement, favorisant le dépôt des sédiments“, explique Paul-Emilien Toucry. À noter que pour la faune, ces opérations ne sont pas neutres car, apportant des matières en suspension dans l’eau, elles peuvent en réduire l’oxygénation.
Sur les cours d’eau naturels, l’enjeu du curage est beaucoup plus fort, disent logiquement les représentants locaux de l’OFB. “Le plus important étant de ne pas modifier le profil du cours d’eau“, résume Émilie Ledein. La pente et la largeur naturelles du cours d’eau ne doivent en aucun cas être modifiées afin de lui permettre la meilleure autorégulation possible : éviter la sécheresse en été et réguler le débit en cas de crue. Or, “quand on cure un cours d’eau on augmente le débit de l’eau, qui circule vers l’aval des bassins-versants ce qui aggrave les phénomènes d’inondations.”
Et le mieux pour éviter d’inonder en aval, c’est de garder un maximum d’eau en amont. “N’oublions pas que tout va à la mer par les exutoires, dimensionnés et limités, appuie Émilie Ledein. L’augmentation du débit des pompes est une piste à étudier mais cette solution aurait un coût énorme par rapport à la récurrence attendue de tels événements. Il faut surtout réfléchir à l’échelle du bassin-versant en évitant les travaux pouvant conduire à l’accélération des écoulements à l’amont.” Pour ça, il faut notamment favoriser l’infiltration de l’eau là où elle tombe, par le moyen de bandes enherbées, de prairies, de haies. Aussi en adaptant les techniques culturales notamment dans les secteurs les plus pentus.
Parce que ces questions demandent une forme d’expertise, en cas de doute, le premier réflexe est de s’adresser au service police de l’eau de la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer) qui pourra donner son avis sur les travaux envisagés. Un guide pratique sur les règles entourant l’entretien des cours d’eau à destination des propriétaires riverains est également disponible sur le site de la préfecture du Pas-de-Calais.
Justine Demade Pellorce