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Regards. Brésil : un mastodonte agricole

07-05-2024

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Le Brésil est un acteur incontournable des marchés agricoles mondiaux. La 12 promotion des Responsables en formation pour demain (Renford) y est allée en voyage d’études. Visites de fermes, industries, centre de recherche et coopératives : retour et partage d’expériences.

Direction le Brésil, en ce début 2024, pour les stagiaires de la formation Renford (lire encadré ci-contre). L’objet est de découvrir et mieux comprendre ce mastodonte agricole, un de nos principaux partenaires, fournisseurs, concurrents… spécialisé dans la production de commodités. L’agriculture est historiquement un secteur dynamique, porté par la disponibilité en foncier, mais aussi par la ressource en eau et le climat tropical.

Un modèle agricole conforme aux clichés, mais pas que…

L’agriculture brésilienne est bien plus diversifiée que l’image renvoyée. Elle est partagée entre l’agro-négoce – modèle issu du passé colonial de grandes propriétés concentrées sur les cultures d’exportation – et l’agriculture familiale. Au sud, l’agriculture familiale, dynamique, très proche des modèles européens (fermes de 40 à 100 ha), s’est structurée autour de coopératives organisées exactement comme en France. En montant vers le nord, on trouve l’agriculture de firme, de grande taille, sur le modèle “latifundios” de plusieurs milliers d’hectares.

Les enjeux évoqués par les responsables agricoles y sont les mêmes qu’en Europe : gestion du capital humain et renouvellement des générations, adaptation au changement climatique qui se caractérise déjà violemment par des épisodes climatiques extrêmes, réductions des intrants et amélioration de la vie des sols.

Un manque de main-d’œuvre

Comme en France, le vieillissement de la population agricole et la difficulté à trouver de la main-d’œuvre salariée sont de vrais enjeux. À ce jour, la réponse des agriculteurs est d’automatiser, mécaniser un maximum et simplifier les systèmes. Parmi les exploitations visitées, l’une compte 1 500 bovins. Elle est accessible uniquement par un chemin de 18 km, en piste de terre, avec trous, bosses et boue… L’endroit est magnifique, mais isolé, et les salariés agricoles doivent choisir entre vivre sur place au milieu de nulle part ou pratiquer le chemin deux fois par jour, avec les contraintes de temps et de sécurité. Un exemple de difficulté concrète pour le recrutement, au-delà même de l’intérêt porté au secteur. Le salaire moyen d’un ouvrier agricole est de 500 euros, auxquels il faut rajouter le logement et la fourniture d’énergie. Il existe quelques ETA (entreprises de travaux agricoles, ndlr) de récolte, mais le système est peu développé, tout comme les Cuma (coopérative d’utilisation de matériels agricoles, ndlr), quasi inexistantes. La durée légale du travail est de 42 h/semaine, et la retraite est à 65 ans pour les hommes, et 60 pour les femmes.

Le foncier

Une autre question centrale est celle du foncier. Il y a des questions politiques liées au partage des terres entre communautés (exploitants en place, Indiens, Mouvement des Sans Terres), mais aussi une volonté d’extension des hectares disponibles. Les autorités souhaitent favoriser le développement de la production agricole. Pour des raisons environnementales, chaque ferme doit cependant déjà réserver au moins 20 % de sa surface à des zones naturelles (landes, bois, forêts…). Les nouvelles surfaces ne peuvent pas être gagnées sur la forêt amazonienne, dont le défrichement est interdit, même si cette règle est très compliquée à contrôler. Une autre zone, le Cerrado, est sous tension. C’est une région à l’est de l’Amazonie, constituée de savane arborée. L’interdiction de défricher y est peu respectée. La seule réserve de terres labourables se trouve dans les pâturages, ce qui implique d’intensifier l’élevage. Le prix des terres évolue entre 10 000 et 25 000 euros/ha avec des coûts de production (intrants, machinisme) globalement identiques à ceux de la France. Les quelques terres en location se négocient, tous les ans, aux alentours de 700 à 1 000 euros/ha.

Deux récoltes par an avec semis direct et OGM

La principale caractéristique de l’agriculture brésilienne est la capacité à enchaîner les récoltes, de 2 à 2,5 par an. La production historique traditionnelle est la canne à sucre, associée au café, dont le Brésil est premier producteur mondial. Et depuis les années 1970, il faut ajouter le soja arrivé suite à une grosse gelée en 1975 qui a fait périr une partie des caféiers. Aujourd’hui, c’est le maïs qui monte en puissance, le Brésil étant troisième exportateur mondial. Le blé est très peu cultivé, et le pays en est le troisième importateur mondial.

L’assolement classique, avec semis direct systématique va être : soja d’octobre à janvier, puis maïs pour récolte en août-septembre. Certains ajoutent un haricot pour faire une troisième récolte sur 2 ans. Maïs et soja sont principalement OGM, entre autres pour faciliter le désherbage au glyphosate. De nombreux produits phytosanitaires, interdits en France, sont utilisés en routine comme le Diquat (Reglone), ou l’atrazine qui commence juste à être remis en question. Le Brésil est le 1er consommateur mondial de produits phytosanitaires, avec 20 % de l’utilisation mondiale. On note en revanche que 93 % des emballages de phytosanitaires sont récupérés, contre 20 % en Argentine.

Une économie robuste mais…

L’agriculture a un poids très important dans l’économie (7 % du PIB, contre 1,5 % en France), mais le secteur reste centré sur la production de matières premières brutes. L’enjeu est d’aller plus loin dans la chaîne de valeur, et de transformer davantage. À l’image de ce qui se fait pour le bioéthanol. Toutes les voitures sont flex-fuel, et peuvent rouler indifféremment au bioéthanol ou à l’essence. C’est l’automobiliste qui arbitre, à la pompe, en fonction du prix de l’un et l’autre.

Même si les fondamentaux du pays sont sains, avec un taux de chômage officiel qui reste faible (7 %) et une inflation maîtrisée, il reste des difficultés qui bloquent une évolution rapide. Un Brésilien sur trois a connu l’insécurité alimentaire en 2022, et le pays a sorti un plan « Brésil sans faim ». Dans certaines régions ou quartiers, une violence endémique gangrène la vie sociale. La vie politique est polarisée dans les extrêmes, avec deux courants très marqués qui s’opposent violemment : celui de Lula, récemment revenu au pouvoir, et Bolsonaro. À cela s’ajoutent une lourdeur administrative et une corruption encore bien présente. Une entreprise confiait employer 10 personnes dans son service commercial, et 30 dans le service administratif, entre autres pour le calcul des impôts. 

Eric Taisne

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