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“Esquéhéries, c’est l’Amérique !” Le ton est jovial, léger. Rien à voir avec le Philippe Marchandier abattu que nous avions rencontré au printemps dernier (voir le Terres et territoires du 11 juin 2021). “Le moral est meilleur, ça n’a plus rien à voir ! On m’accusait de ne pas prendre soin de mes bêtes, que le problème venait de moi… Aujourd’hui, j’ai la preuve que non.”
Il poursuit : “Les 25 vaches laitières que j’ai amenées ici avaient baissé leur production à 4,2 kg par jour. Certes, elles n’en feront plus 25… Mais j’étais heureux car ça a tout de suite remonté. Au bout de deux jours, il y avait 180 l de lait dans le tank. Et aujourd’hui, je suis arrivé à 1 000 l tous les deux jours. Avec les mêmes vaches ! Mes petits veaux avaient le poil hérissé sur le dos… Ici, c’est fini.”
L’éleveur de Mazinghien (59) rencontre depuis quelques années d’énormes difficultés (animaux très affaiblis, refus de boire…), dues selon lui à l’installation en 1994 d’une ligne à haute tension qui enjambe ses pâtures, puis de cinq éoliennes à proximité en 2019. Quand nous l’avions quitté, en juin dernier, le Groupe permanent pour la sécurité électrique (GPSE, dont la mission est de veiller à la sécurité électrique en milieu agricole) devait refaire gratuitement la mise à la terre de ses bâtiments.
En vain. “Ça a été pire : de 15 kg de lait par jour, je suis descendu à 4,2 kg. J’ai emmené les membres du GPSE voir mes bêtes en pâture à 10 km de la ferme, elles étaient magnifiques. Début août, ils m’ont dit de ne pas les ramener à Mazinghien, et de trouver une autre ferme.”
Il entend alors parler d’Esquéhéries, une commune de l’Aisne à 17 km, où un confrère qui a arrêté le lait n’utilise plus sa salle de traite. Le 1er octobre, il y amène 25 vaches laitières, ses vaches taries gestantes, et une trentaine de veaux. La location des lieux est financée par le GPSE avec une échéance qui va “de trois mois en trois mois”. “À Mazinghien, il me reste 10 taurillons, 20 aubrac, ainsi que des génisses et des vaches allaitantes et réformées. Leur état est catastrophique.”
L’éleveur compte bien éloigner tous ses animaux de Mazinghien. “Je ne ferai plus rien à Mazinghien, c’est terminé. Il y avait 22 volts dans le sol de la salle de traite début octobre. On était à 12 au printemps… Là on est à 22. Plus l’hiver avance, plus le sol est humide.” Mais tout ne rentre pas à Esquéhéries. “La ferme n’est pas assez grande ! Ou alors il faudrait faire des travaux. Je suis donc en train de chercher une solution.” A bon entendeur.
Lucie De Gusseme