Votre météo par ville

Violences : « La ruralité a longtemps été oubliée »

03-03-2023

Actualité

Hors-champ

Si la parole des femmes s’est libérée avec le mouvement #MeToo en 2017 et que les dispositifs d’aide se sont développés depuis, la ruralité reste un lieu où il est plus compliqué de s’ouvrir. « En voiture Nina et Simon.e.s », van qui sillonne les campagnes, est l’une des réponses.

Prochaines escales : grand place d’Hazebrouck le 4 mars de 10 h à 18 h, université de Dunkerque le 6 mars de 10 h à 16 h, centre hospitalier de Cambrai le 8 mars de 9 h 30 à 12 h 30. Le compte Instagram @ninaetsimones reprend les permanences des vans de toute la région. © Solfa

Le van « En voiture Nina et Simon.e.s », point d’accueil itinérant sur le Nord porté par l’association Solfa, a pris la route en février 2021.

Deux ans plus tard, près de 800 femmes sont montées à bord pour se confier sur tous types de sujets liés à leur sexe. 70 % concernaient des violences subies. Delphine Beauvais, directrice du pôle Violences faites aux femmes de Solfa, décrypte.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est Solfa ?

Solfa, pour Solidarité femmes accueil, a été créée à Lille en 1947. Elle a toujours travaillé auprès, du côté et pour les femmes, et compte trois pôles : l’accompagnement des femmes en situation d’exclusion et de précarité, la protection de l’enfance et, depuis 2002, le pôle violences faites aux femmes qui regroupe 25 services et établissements du Nord-Pas de Calais. 73 salariés, 254 places d’hébergement : nous sommes l’un des plus importants pôles dédiés aux violences de France. Nous gérons six centres : à Lille, Hazebrouck, Dunkerque, Douai, Armentières et Hénin-Beaumont qui ont tous un point d’accueil.

L’association a été fondée en 1947, le pôle Violences faites aux femmes en 2002. Pourquoi ?

La conscientisation sociale a évolué. En 2002, une élue du Pas-de-Calais, sensibilisée à la question, décide qu’il doit y avoir un service d’écoute dédié sur son territoire. Une création qui a essaimé. Le pôle est resté à services et moyens constants jusque 2015-2016 et la vague #Metoo. Elle a fait exploser les révélations de violences et l’émergence des besoins de protection et accompagnement. Dans les milieux urbains ou ruraux, aisés ou précaires, la parole s’est libérée. Il était temps de sortir de cette idée que les violences sont un sujet personnel, propre au couple et qui ne regarde que lui. C’est en réalité une question, un fléau sociétal. Ça concerne tout le monde, les victimes et les auteurs mais aussi l’Éducation nationale, les politiques, l’entreprise, le milieu médical, les associations, les forces de l’ordre, les ministères.

Comment la société s’est-elle saisie du sujet alors ?

Le Grenelle des violences a été organisé en 2019 : deux mois et demi durant lesquels tous les acteurs concernés se sont mis autour de la table pour faire le point sur l’existant, sur les besoins. Monde associatif, politique, de la justice, la santé. ne se parlaient pas assez ou ne se comprenaient pas. L’accueil des femmes violentées s’est amélioré, avec la création dans beaucoup de commissariats ou gendarmeries, de brigades ou cellules dédiées. L’arsenal législatif s’est développé depuis une vingtaine d’années pour mieux encadrer le droit à la protection d’une part, et la responsabilisation voire la condamnation d’autre part. La lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale par Emmanuel Macron, à chaque mandat. Cela a donné lieu à des budgets dédiés, même si on peut faire toujours plus et toujours mieux car les besoins ne diminuent pas.

Où pouvons-nous encore progresser ?

Le parent pauvre de tout ça reste la prévention. Si on laisse les enfants aujourd’hui, on les retrouvera demain en victimes et/ou auteurs de violences. Il faut que l’égalité hommes/femmes soit au cœur de l’éducation des enfants, et qu’un jour ces questions ne soient plus un sujet, comme on ne se pose plus la question de mettre la ceinture de sécurité en voiture. On enseigne encore trop les hommes illustres en oubliant les femmes dans les établissements, qui s’emparent au cas par cas de ces sujets. L’éducation à la sexualité est inscrite dans le Code de l’éducation depuis une loi de 2001, elle n’est pourtant toujours pas dispensée dans les écoles à ma connaissance.

Quelles sont les tendances ?

C’est compliqué à dire mais une chose est sûre, le covid a accentué les situations de violences : avec l’entre-soi, le retour au télétravail, notre activité a augmenté de 20 à 30 % depuis 2020. De manière constante, on peut aussi affirmer que plus de 80 % des femmes porteuses de handicap sont victimes de violences.

Les violences n’épargnent aucun milieu mais y a-t-il des endroits plus ou moins touchés ?

Il y a des réalités territoriales différentes en effet. La ruralité a longtemps été oubliée notamment. On y parlait encore moins des violences, or on sait bien que ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas que ça n’existe pas. Dans les campagnes, il est encore plus compliqué pour les femmes victimes de parler. Parce que l’entre-soi y est très fort, parce que les choses se savent beaucoup plus vite, que la représentation du « ça ne me regarde pas », du « je ne sais pas ce qu’il se passe, ce sont leurs histoires et de toute façon il y a des violences dans toutes les familles » est encore prégnante. Nous nous retrouvons à accompagner des femmes dont le départ est encore plus compliqué qu’ailleurs, parce qu’elles ont travaillé auprès de leur mari sans jamais être salariées, parce qu’elles ont un lourd conflit de loyauté en se demandant comment leur départ pèsera sur l’affaire familiale. Sans oublier la question de la mobilité.

C’est là que le van « En voiture Nina et Simon.e.s » intervient ?

À la mise en service du van en 2021, l’idée était d’aller à la rencontre de deux publics : le monde rural et les quartiers sensibles qui, enclavés, subissent les mêmes problématiques. Chaque jour ou presque, il sillonne le Nord et se pose sur un marché ou tout autre lieu fréquenté, proposant aux femmes de discuter de tous les sujets. Cela va de l’égalité salariale aux droits, en passant par la sexualité. Le « e.s » indique aussi que le dispositif est ouvert à tous, y compris aux hommes qui se posent des questions. Si ce n’est pas l’unique point d’entrée, les questions de violences représentent presque 70 % des rencontres. Nous intervenons toujours avec une association du territoire, qui pourra assurer le suivi si besoin. Nous sommes une sorte de porte d’entrée. 383 entretiens ont été réalisés dans 85 permanences en 2021 et 369 dans 76 permanences en 2022. Le dispositif a depuis été décliné dans les autres départements de la région et devient un label au national.

Un dernier message ?

Il faut parler, ne rien laisser passer. Arrêter de penser que ça n’appartient qu’au couple. Et éduquer nos enfants ! 

Le 3919, une écoute 24 h / 24

3919, c’est le numéro d’écoute anonyme (il n’apparaît pas sur les factures), gratuit, qui permet à toutes les femmes victimes de violences de se confier 24 h / 24 et d’être orientées, si elles le souhaitent, vers des structures d’accompagnement proches de chez elles.

Propos recueillis par Justine Demade Pellorce

Lire aussi : Droits des femmes : Claire Quesnel en charge de la diffusion d’une culture de l’égalité 

Facebook Twitter LinkedIn Google Email
Comment est fabriqué le vinaigre de cidre ?
Avec Terres et Territoires junior, nous choisissons de t'expliquer chaque mois la production d'un aliment du quotidien. [...]
Lire la suite ...

Une journée test pour les farines paysannes
Le réseau Initiatives paysannes a organisé une journée de panification au fournil Saint Casimir, à Vaudricourt. Obje [...]
Lire la suite ...

En boulangerie, la résistance des artisans s’organise
Entre hausse des coûts, difficultés de recrutement et concurrence industrielle, les boulangers du Nord et du Pas-de-Ca [...]
Lire la suite ...

Nord-Pas-de-Calais : le calendrier 2024 des dates et consignes de collecte est disponible !
Celles-ci se dérouleront les 5 et 6 novembre prochains pour le Nord et le Pas de Calais. La Chambre d’agriculture [...]
Lire la suite ...

Pourquoi la rivière de la Ternoise a été reméandrée ?
La Ternoise, affluent de la Canche, a été reméandrée à hauteur de la commune d'Huby-Saint-Leu. Si au départ l'ambi [...]
Lire la suite ...

Dunkerque et son port à l’Exposition Universelle d’Osaka 2025 !
Dunkerque et son port représenteront la France lors de la quinzaine thématique du Pavillon France intitulée « Ville [...]
Lire la suite ...

Téléchargez les mesures prises dans votre arrondissement suite aux inondations
Onze mois après les violentes inondations dans le Pas-de-Calais, Thomas Degos, préfet délégué en charge de la gesti [...]
Lire la suite ...

Innovations alimentaires : qu’est-ce qu’on mange demain ?
Food Creativ récompense les produits agroalimentaires innovants créés dans la région. La remise des prix a eu lieu l [...]
Lire la suite ...

DOSSIER : Gestion des eaux et environnement
Explorez les solutions durables pour la gestion de l’eau, la prévention des inondations et la protection de l’envir [...]
Lire la suite ...

Les contrôles de la Dreal renforcés
Dans les Hauts-de-France, 130 inspecteurs de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Log [...]
Lire la suite ...

Meilleur pâtissier : Dorothée Leroy, la “pâtissière du confinement”
La treizième saison du Meilleur pâtissier démarre jeudi 10 octobre sur M6. Parmi les 14 candidats sélectionnés sur [...]
Lire la suite ...

Le patrimoine, trésor des territoires
Chacun s’accorde à affirmer l’importance du patrimoine local, mais quand il s’agit de passer à la caisse, c̵ [...]
Lire la suite ...

Logement insolite : formez-vous pour diversifier votre activité agricole
L'entreprise Cocolodge propose une formation pour accueillir du logement insolite sur les exploitations agricoles. Très [...]
Lire la suite ...

Une agence pour enrayer le déclin de la biodiversité
Ce mardi 24 septembre, la première édition des Rencontres biodiversité était organisée. L'objectif était notammen [...]
Lire la suite ...

Économie : Lactalis réduit sa collecte de lait
Dans un communiqué de presse publié jeudi 26 septembre 2024, le géant Lactalis confirme les rumeurs : la collecte de [...]
Lire la suite ...

Comment la Chambre d’Agriculture se prépare à redresser la barre ?
Le président de la chambre d'agriculture du Nord-Pas de Calais a présenté son budget rectificatif 2025 couplé d'un p [...]
Lire la suite ...

Émilie roibet, itinéraire d’une reconversion bien pensée
Architecte paysagiste de formation, Émilie Roibet a quitté ses bureaux lillois pour créer sa ferme florale "À l'ombr [...]
Lire la suite ...

Une Cuma qui a le sens de l’accueil
Localisée à Bois-Bernard, la Cuma " L'accueillante " est confrontée aux départs en retraite de ses membres, souvent [...]
Lire la suite ...

DOSSIER ÉNERGIE. À la centrale de Lens, le bois devient énergies
Unique dans la région, par son genre et sa taille, la centrale de cogénération de Lens produit à la fois de l'élect [...]
Lire la suite ...

Inondations : après la pluie, se reconstruire
Une semaine après les premières crues, le Pas-de-Calais tente d'émerger peu à peu, malgré la menace de nouvelles in [...]
Lire la suite ...

Inondations : 50 millions d’euros pour les collectivités sinistrées
Le chef de l'État en déplacement à Saint-Omer et à Blendecques, le mardi 14 novembre, a annoncé un plan d'aide pou [...]
Lire la suite ...

À la ferme du Major, “on crée de l’énergie”
La ferme d'insertion du Major, à Raismes, emploie 40 hommes et femmes éloignés de l'emploi pour leur permettre, en ac [...]
Lire la suite ...

Jean-Marie Vanlerenberghe : « L’attentat à Arras a souligné les failles du dispositif »
Ancien maire d'Arras et doyen du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe réclame « une réponse ferme » mais dans le resp [...]
Lire la suite ...

Changer de goût et agir pour le futur
Plus saine, plus durable, plus accessible, l'alimentation de demain doit répondre à d'innombrables défis. À l'occasi [...]
Lire la suite ...

Retour sur la première édition du championnat international de la frite
Le premier championnat international de la frite s'est déroulé à Arras le samedi 7 octobre 2023. Soleil et ambiance [...]
Lire la suite ...

Jean-Paul Dambrine, le patron sensas’
Il est l'icône de la frite nordiste. À 75 ans, Jean-Paul Dambrine, fondateur des friteries Sensas et président du jur [...]
Lire la suite ...

Quatre lycéennes d’Anchin à la conquête de l’Andalousie
Iris, Angèle, Louise et Eulalie, lycéennes à l'Institut d'Anchin, ont passé trois semaines caniculaires près de Sé [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Nord, plusieurs nuances de rose, plusieurs nuances de bleu : l’éparpillement façon puzzle
Avec 11 sièges à pourvoir, c’est le département à renouveler le plus grand nombre de sièges derrière Paris : le [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Pas-de-Calais, la droite (presque) unie, la gauche en ordre dispersé et l’éventualité du Rassemblement National :
Pour les prochaines élections sénatoriales, les gauches ne font pas bloc dans le Pas-de-Calais. La droite, elle, table [...]
Lire la suite ...

À la Ferme de Duneleet, le pari au long cours de la diversification
À la ferme du Duneleet, à Leffrinckoucke, Stéphanie Vanderhaeghe multiplie les cultures qu'elle transforme et commerc [...]
Lire la suite ...

Le séjour de Jules, Nathan et Loïc en Suède
Jules Gallet, Nathan Verhaeghe et Loïc Baudour, élèves à l'Institut Savy-Berlette, sont partis en Suède pour y effe [...]
Lire la suite ...

Quelles solutions pour développer les haies en Hauts-de-France ?
Le 18 octobre, agriculteurs, élus et techniciens se sont réunis à Le Wast pour la troisième édition de la Journée [...]
Lire la suite ...

Numéro 387 : 18 octobre 2024

La région se rêve leader des légumineuses
Si les légumineuses ne représentent aujourd’hui qu’1 % de la surface agricole utile des Hauts-de-France, la filiè [...]
Lire la suite ...

Lupi Coffee : l’alternative au café d’Anaïs Marescaux
Le café est la deuxième boisson la plus bue dans le monde. Mais consommé en trop grande quantité, il peut être mauv [...]
Lire la suite ...

Au cœur des terres

#terresetterritoires