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« Moi, mon rêve c’était de travailler pour Aston Martin au départ ! » Entre-temps, Jeimila Donty a légèrement changé de rêve pour créer Koraï, une entreprise qui propose à d’autres entreprises, par l’achat de crédit carbone et la construction de plan RSE* sur mesure, de planter du corail, des herbiers marins ou de la mangrove au large de Madagascar.
Mais alors comment passe-t-on d’Aston Martin au corail ? Et comment ça marche ?
Si créer sa propre entreprise a toujours été dans un coin de la tête de Jeimila Donty, ce n’est pas un hasard : « Mes deux parents étaient entrepreneurs. Ma mère gérait Tropical aquarium à Antananarivo (alias Tana, la capitale de Madagascar) et mon père Lémurialand sur l’île de Nosy Be. À côté, ils géraient aussi des hôtels et d’autres entreprises. Le projet était de reprendre ces affaires familiales avec mes trois grands frères. Mais je savais que je ne serais jamais à la tête de ces entreprises car Madagascar reste un pays patriarcal et qu’en plus j’étais la plus jeune. »
Aussi, après le lycée, elle part en France où elle intègre une classe prépa à Paris puis l’Essec, une école de commerce. Après un stage dans une entreprise spécialisée dans les automobiles de luxe, « ce qui aurait dû me plaire », elle prend conscience que cette voie n’est peut-être pas la sienne. « En prépa j’étais dans ma bulle. Là avec l’Essec, j’ai dû faire un prêt étudiant mais mes parents subvenaient à tous mes besoins. J’ai réalisé la chance que j’avais et je me suis dit que servir des gens qui sont déjà dans un confort éternel, ça ne m’intéressait pas. »
Elle décide donc pendant son cursus de prendre les spécialisations « conseil en stratégie » et « économies africaines ». « À ce moment-là, je savais que je voulais trouver un travail qui me permettrait de faire le pont entre la France, Madagascar et l’Afrique en général ». Après un stage en Afrique du Sud chez Enko éducation (programme d’aide à l’éducation en Afrique) et six mois au Maroc sur le campus de l’Essec en spécialisation entrepreneuriat, elle décroche un travail au journal Jeune Afrique, où elle travaillera quatre ans.
C’est en 2020 que la vie de Jeimila Donty change : son père décède brutalement du covid en juillet. Étant donné la situation, elle ne peut se rendre à Madagascar qu’en octobre, faute de vol. Une période difficile qui fait se remettre en question la jeune femme.
Là-bas, elle règle les affaires de son père quant à ses sociétés. « Tout au long de mes études j’avais aidé mon père dans le développement de ses entreprises. Donc je connaissais bien les dossiers. » Mais à la fin, il reste une entreprise dont on ne sait pas quoi faire : une ferme de corail. L’idée d’en faire quelque chose tourne dans sa tête et elle finit par proposer à ses frères de reprendre l’affaire. « J’ai alors déposé un dossier qui répondait à un appel à projet de l’État malgache. Il fallait proposer un projet innovant en agriculture ou en tourisme : moi ça correspondant aux deux puisque je voulais poursuivre l’élevage de corail et créer une activité touristique autour. » Le projet est retoqué mais ça y est elle est décidée : elle va créer son entreprise.
Parallèlement, Jeimila apprend et lit « Corail, un trésor à préserver », de l’Institut océanographie de Monaco, « qui est un pionnier dans le domaine ». Elle découvre alors que des entreprises et des associations sont rémunérées pour planter du corail dans le cadre de crédits carbone et plan RSE. L’idée est là.
Jeimila Donty est incubée à Euratech, à Lille, en juin 2022, et en août 2022 elle devient officiellement la gérante de la ferme de corail de son père. « J’ai choisi Lille car mon compagnon avait de la famille ici et parce que d’un point de vue business c’est très intéressant car c’est un carrefour pour le commerce et la politique européenne. »
Concrètement, Koraï a deux jambes. Une en France, « la maison mère, qui vend dans le cadre des plans RSE des offres de plantations de corail ou de mangrove mais également des journées de sensibilisation et/ou des plaquettes de communication », et une à Madagascar, « qui plante le corail et la mangrove mais qui sensibilise aussi les touristes et la population locale grâce à un musée-aquarium éducatif à 5 € l’entrée. On y organise également des visites pédagogiques. On aimerait peut-être aussi faire venir des centres de plongée mais il faut faire les choses bien : s’ils viennent c’est en conscience. »
Pour planter le corail, c’est une équipe locale, celle de la ferme, qui s’en occupe. Sur des structures en plastique – « on est en train de voir si on peut prendre un matériau plus écologique » -, elle accroche des boutures de corail puis met la structure en mer dans des aires protégées pour qu’elles se développent. « Au-delà de protéger la biodiversité, planter du corail est une bonne chose pour la planète car il stocke du carbone et casse les vagues, évitant ainsi l’érosion. »
À terme, la trentenaire souhaite étendre son activité à toute la côte est de l’Afrique.
Le corail n’est pas une plante mais un animal, appelé polype. Selon l’institut océanographique de Monaco, les coraux « fabriquent un squelette commun qui, pour certaines espèces, devient les bases fondatrices d’un récif corallien. Les récifs coralliens comptent parmi les écosystèmes les plus importants et les plus complexes de la planète. Ils abritent des milliers d’espèces de poissons, mais aussi d’autres espèces animales, comme des crabes, étoiles de mer, coquillages… »
Eglantine Puel