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Des capteurs pour mesurer la bonne pousse des fraises : c’est ce que teste, depuis 2018, la start-up Orchid à Godewaersvelde (59), sous les serres des Vergers de Viveterres. Démonstration.
Sous les touffes de feuilles dentelées qui débordent des bacs s’accroche un énigmatique petit boîtier blanc. Quelques mètres plus loin, un jeu de dispositifs de mesure de l’eau posé au sol est, lui aussi, raccordé à des câbles électriques, tandis qu’au centre de la serre, un cylindre blanc attaché à un poteau a l’air de jouer les tours de guet. Bienvenue aux très connectés Vergers de Viveterres, à Godewaersvelde (59), équipés des savants capteurs de la start-up Orchid.
Depuis 2018, l’exploitation prête ses 6 000 m2 de serres de fraises « remontantes » (qui donnent du fruit de mai à octobre, ndlr) à la jeune entreprise pour ses expérimentations. « Nos capteurs sont mis en place pendant la saison des fraises. Nous les enlevons l’hiver pour les réétalonner, explique Yoann Merlier, fondateur d’Orchid. Ils mesurent tout l’itinéraire de culture (la façon dont le producteur va “faire” ses fraises, ndlr) : les cycles d’eau, les apports d’engrais, le pH, la température, l’humidité relative, le taux d’ensoleillement, le rayonnement photosynthétique actif… » Indicateur d’importance, la lumière permet de prédire la maturité des fruits.
L’enjeu de l’irrigation
Aux côtés du startupeur qui guette ses capteurs, Élie Vasseur, lui, vérifie la bonne pousse de ses plants, en coupant au passage ceux qui se lancent en direction du sol. Il a lancé son activité lorsqu’il a rejoint l’exploitation familiale en 2010, avec une partie en cueillette libre-service.
C’est par l’intermédiaire de la chambre d’agriculture que les deux entrepreneurs se sont rencontrés en 2017. « Yoann Merlier a essayé de cerner nos besoins en production. Orchid évolue sur un marché d’avenir », estime-t-il. C’est en matière de drainage que les capteurs de la start-up lui font gagner le plus de temps. « Avant, je devais comparer, dans des bidons, les volumes d’eau à l’entrée et à la sortie des bacs pour savoir ce que les plantes avaient bu, détaille le producteur à la barbe rousse. Maintenant, c’est automatisé. »
Un avantage d’autant plus stratégique que l’irrigation est un enjeu de taille dans la culture sous serre où l’effet « tampon » normalement réalisé par le sol repose uniquement sur les épaules du producteur. « On peut vite passer à côté des besoins de la plante. Ici, les capteurs calculent le volume d’eau, mais aussi l’électroconductivité et le pH. Les engrais se trouvent sous forme d’ions. Une eau de pluie, par exemple, est à 0,4 d’électroconductivité. Pour les fraises, on doit se situer entre 1 et 1,8. »
Mesurer la saveur
Pour suivre le travail de ses capteurs, Yoann Merlier délaisse ses bureaux hébergés au Village by CA sur le campus d’Euratechnologies à Lille, et se rend à Godewaersvelde une à deux fois par semaine. C’est en 2016, après avoir travaillé 20 ans dans la prestation de services informatiques, que le quadragénaire a lancé Orchid : « Après des années à travailler dans le secteur de l’avant-vente et de la vente, je voulais rendre l’informatique utile. »
Et il ne compte pas s’arrêter là. La commercialisation de ses capteurs pour fraises est prévue pour la fin de l’année. Prochaine étape : mesurer la qualité du fruit tant d’un point de vue biochimique (qualités gustative, nutritionnelle) que d’un point de vue hédoniste (la façon dont il sera perçu par le consommateur). Et ceci par un simple scan. Un procédé déjà en cours de calibrage à Godewaersvelde avec, là encore, la participation d’Élie Vasseur. « Aujourd’hui, on mesure le taux de sucre avec un réfractomètre à partir du jus, une technique où on doit écraser le fruit. Notre méthode sera non-destructive », annonce Yoann Merlier.
Merci Cash Investigation
Après la fraise, la tomate : la start-up envisage en effet de formater ses capteurs de goût au légume-fruit le plus cultivé sous serre. Une réponse en forme de pied de nez à l’émission Cash investigation, qui s’alarmait mi-juin de la disparition de ses qualités gustatives, accusant au passage son mode de culture.
Or, la serre permet notamment d’économiser des insecticides, de mettre la juste dose d’engrais ou encore de capter jusqu’à 30 % d’ensoleillement en plus… Un mont d’explications à apporter au consommateur avec le soutien inconditionnel des capteurs capables d’attester de ces données. « Quelque part, opine Yoann Merlier dans un sourire, sur ce sujet Élise Lucet nous a bien servis ! »
Lucie de Gusseme