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C’est dans les champs de La maison du nombre d’or, à Hénin-sur-Cojeul, dans l’Arrageois, que 200 000 naissains, des bébés escargots, pâturent. Pour prendre soin d’eux, Myriam Grouselle, 31 ans, veille au grain.
Il faut dire que ce n’est pas si simple d’élever des escargots : fragiles, sensibles aux aléas climatiques et sans recherches techniques à leurs sujets. « Il faut apprendre par soi-même », confie-t-elle. Mais avec son bagage, Myriam Grouselle a vite pris le coup.
Comment devient-on éleveur d’escargots ? « Quand je parle avec mes collègues, je me rends compte qu’on y arrive par plein de voies. Moi, je crois que j’étais génétiquement programmée pour faire ça », plaisante Myriam Grouselle. Elle a toujours « été attirée par cette activité ». Petite, sa grand-mère lui prêtait ses vieux paniers à frites qu’elle accrochait ensuite sur les branches basses des arbres pour y mettre ses escargots. À l’adolescence, l’idée d’avoir un élevage germe, mais « il va se passer 15 ans avant que je concrétise ça ».
Son parcours professionnel ne l’entraîne pas tout de suite dans cette voie. Il faut dire que « personne dans ma famille n’était vraiment dans le domaine agricole et encore moins dans les escargots. Mais je savais que je voulais travailler en lien avec la nature ». Elle suit donc un BTS environnement au lycée agricole de Tilloy-lès-Mofflaines, puis se tourne vers l’ingénierie agricole en rejoignant les bancs de l’ISA (Junia). « L’objectif était de travailler dans le secteur de la recherche et développement (R & D) agricole pour faire se rejoindre les mondes de l’agriculture et de l’environnement. » Finalement, elle devient chargée de mission sur l’exploitation du lycée de Tilloy-lès-Mofflaines, puis responsable. « Ce qui me plaisait, c’était que cela mêlait expérimentation et transmission. » Après trois ans, elle devient responsable de secteur chez Tereos le temps d’une campagne betteravière et enchaîne avec un poste de responsable R & D chez le groupe Carré.
Mais voilà, Myriam Grouselle est touchée par la maladie en fin 2019. « Là je me suis dit qu’il allait falloir revoir mes plans car je ne pouvais pas continuer sur ce rythme de travail. » En parallèle, son grand-père auquel elle était très attachée décède. Au printemps 2020, quelques mois après le décès de ce dernier, la ferme à côté de chez elle est mise en vente. « J’étais déjà dans la remise en question mais tous ces événements qui se succèdent, c’était le destin », sourit la jeune femme.
C’est décidé, elle se lance. Elle réalise le parcours d’installation puis suit une formation sur l’héliciculture au lycée agricole de Chambéry pour l’élevage et la transformation en septembre 2020. Elle installe officiellement La maison du nombre d’or en janvier 2021 et débute la production en avril qui suit.
C’est ainsi que Myriam Grouselle élève des Gros-gris et développe actuellement une filière Blond des Flandres, « une race locale, qui a la taille des escargots de Bourgogne mais la chaire fine des Gros-gris ». Le tout en biodynamie, le seul élevage en France.
Son année démarre en février : « De février à mai, c’est la période de reproduction sous serres. En avril, on a les premiers bébés. On va les mettre au fur et à mesure dehors, dans une serre non chauffée. Ils seront rejoints par tout le monde à la fin-mai. »
De fin-mai à mi-septembre, tout ce petit monde (comptez environ 200 000 escargots, et on ne parle que des naissains !) reste donc dans les champs. En réalité, il s’agit d’un parc clôturé de 2 000 m2 divisé en parcelles dans lesquelles « il y a plein de plantes ! Ce sont des prairies naturelles, je leur ajoute juste de la moutarde ». Objectif : permettre aux escargots de se cacher sous les feuilles la journée pour remonter la nuit et profiter de la brumisation et la nourriture apportée par Myriam dans la journée. « Un mélange de céréales que je répartis sur les parcelles. »
Vient ensuite le temps du ramassage, de mi-septembre à mi-octobre. « On fait des chantiers solidaires pour que les gens puissent venir nous aider. Ils viennent le matin, ramassent toute la matinée et on offre le déjeuner sous forme d’un buffet campagnard. » De mi-octobre à février, les escargots entrent en hibernation. Au final, sur les 200 000 naissains, hors problème, Myriam Grouselle en tire 160 000 escargots qu’elle va cuisiner. « Ça fait des pertes mais l’escargot est très fragile. La grêle, les trop grosses pluies et le pire, les canicules, les affectent beaucoup. L’an passé, j’ai perdu la moitié de mes escargots. »
Étant en biodynamie, la jeune femme a dû trouver des solutions pour éliminer les ravageurs et protéger ses escargots. Pour ça, elle utilise la bonne vieille technique de la chaîne alimentaire. « Mes champs sont entourés d’une première barrière pour les escargots et d’une seconde pour les chats. » Vous avez bien lu. Quatre chats, menés par leur cheffe Paola, sont en permanence dans les champs d’escargots pour chasser les rongeurs, friands de ces gastéropodes. « Le gros avantage, c’est qu’ils sont très délicats donc ils n’écrasent pas les escargots ! »
En plus, une autre technique vieille comme le monde fait son œuvre : la peur. Autour du champ, un chemin a été aménagé pour faire passer le cheval et les deux ânes de la ferme. « De cette façon le chemin est toujours battu et donc à nu. Les rongeurs, notamment les rats, n’y passent pas car ils seraient à vu. Et ils n’aiment pas les vibrations que provoquent les sabots. » Pour surveiller la nourriture de l’élevage, le même principe s’applique. Quelques poules sont là aussi pour éliminer les insectes et parasites non souhaités. Elles dorment avec le cheval et les ânes, car les renards en ont peur. Le cheval, les ânes et les poules dorment dans le bâtiment de stockage de la nourriture, lui-même surveillé par trois autres chats. « Tous les animaux bossent ici ! »
Vient donc le moment de cuire ces escargots. « Je les cuisine au vin blanc ou alors fumés au bois de hêtre et je les mets en bocaux. Je suis anti escargots au beurre à l’ail ! Les gens ne mangent généralement leurs escargots que comme ça et ne connaissent donc pas son vrai goût ! » Aussi, tous les mois, elle propose une recette à base d’escargots : bruschetta, risotto, … En juin, c’était verrine escargots, asperge et ail des ours. Le tout est vendu à des professionnels et aux particuliers via des salons, l’épicerie en ligne « Pour de bon » et d’octobre à décembre, le jeudi soir directement à la ferme.
« Pour septembre 2023, je souhaite lancer une tartinade/pesto d’escargot. J’ai enfin trouvé le truc qui fait tout, c’est une tuerie ! »
Eglantine Puel