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C’est dans une aile de la maison familiale à Phalempin (59) où se trouve l’Indispensable, un immense four à pain qu’autrefois tous les Phalempinois utilisaient, que Charles Dumeignil, 35 ans, a aménagé son labo. Longtemps abandonné, le lieu a retrouvé la chaleur humaine depuis le mois d’octobre 2019. Et si la farine a disparu, les levures, elles, se portent à merveille, pour faire pétiller le kombucha.
Dans une pièce chauffée à 25°C, le brasseur – c’est ainsi qu’il se définit – dévoile de grandes dames-jeannes en verre contenant des liquides aux couleurs ocre variées. Sur le dessus de chacune, une épaisse couche visqueuse : « Ce sont les mères kombucha ou scoby, pour culture symbiotique de bactéries et levures », présente, très sérieusement, Charles Dumeignil.
Cette souche, c’est la base de la boisson fermentée, légèrement pétillante, qu’il produit dans de grandes cuves inox en y ajoutant de l’eau filtrée et du thé sucré. « Pas d’additifs, pas de colorants », tranche le brasseur.
Au départ de ce mélange vivant flotte comme un mystère… « L’histoire raconte qu’une personne aurait laissé traîner un thé plusieurs jours dehors, et, probablement entraînée par le vent, une petite bactérie s’y serait développée… », relate Charles Dumeignil, sourire en coin. N’empêche que ces petits êtres vivants, il y veille, comme le lait sur le feu : « On s’habitue à les côtoyer, il faut les nourrir, les chauffer… Un peu comme des bébés ! », décrit le papa poule.
C’est de retour d’un long séjour au Québec que Charles Dumeignil a ramené son projet et ses recettes. « Là-bas, c’est une boisson ultra-démocratisée, qui a, au début, été portée par le monde du yoga, pour son côté détox. Mais, depuis quatre, cinq ans, elle se développe dans les bars. »
Cantonné aux magasins spécialisés, le kombucha reste discret en France : « Je pense être le seul à en produire dans la région, et même si cette boisson est connue pour ses actions probiotiques (qui aident à la bonne digestion, ndlr), je veux en faire une boisson cool à boire. Mes parents m’ont dit : “T’es sûr que tu veux pas plutôt faire de la bière ?”, mais c’est un milieu ultra-concurrentiel qui demande des investissements de dingue. Et j’ai justement envie de proposer une alternative à ceux qui n’aiment pas la bière. » C’est donc le thé que cet ancien responsable com’ fera désormais pétiller.
Pour gagner son marché, Charles Dumeignil n’a pas le choix. Il doit miser sur le goût, car le kombucha n’a, a priori, rien d’un soda lambda. Un peu piquant voire acide, il peut au départ surprendre. « J’ai travaillé mes recettes pendant des mois, j’ai fait tester à mes amis et j’attendais vraiment d’eux qu’ils soient honnêtes. Je dois dire qu’aujourd’hui je suis confiant. » Pour ne pas totalement déstabiliser le palais nordiste, Charles Dumeignil élabore une recette aromatisée au houblon bio de Godewaersvelde (59). L’autre est au gingembre et à la cardamome. La dernière, nature, pour les puristes.
Le brasseur envisage de proposer d’autres recettes saisonnières aromatisées avec des produits locaux : « Bien sûr, je vais me renseigner pour avoir un sucre de betteraves local. Puis au niveau des parfums, il y a de très beaux produits qui poussent tout près d’ici, je pense à la pomme, à la fraise notamment. L’idée est de travailler avec les agriculteurs pour proposer le produit le plus local possible. »
Pour le thé, en revanche, il l’admet : impossible de se fournir localement, mais, il voudrait à terme, pouvoir faire son propre sourcing en rencontrant des producteurs. Alors que la production atteint les 300 L par semaine, Charles Dumeignil a commencé sa commercialisation, auprès de supermarchés locaux mais pas que… « Je démarche aussi les salles de concerts, bars et restaurants. Mon kombucha sera distribué en fûts et servi à la pression pour garder le côté fun du soda. »
Sa drôle de limonade très légèrement alcoolisée (car issue d’une fermentation), Charles Dumeignil l’a baptisée Loven Kombucha, « Leven, c’est la mère et la vie en néerlandais, et proche de love, l’amour en anglais… » Vous reprendrez bien un peu de philtre d’amour à la pression ?
Agathe Villemagne