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Il y a quelques semaines, Frédéric Gorguet a décroché son téléphone pour joindre Terres et Territoires. Sa requête ? Il venait d’installer un distributeur automatique à la sortie de son exploitation, L’Étape fermière, située à Boursies (59) et désirait le faire savoir aux agriculteurs du coin : “Aux producteurs qui souhaiteraient y mettre leurs produits : rejoignez-nous !”
Frédéric Gorguet, 46 ans, et son épouse Aline, 49 ans, ont repris le distributeur courant avril et sont depuis à la recherche incessante de nouveautés, issues de 30 kilomètres à la ronde et susceptibles de plaire aux clients. “Les fraises, les radis, les salades fonctionnent bien. Les plats préparés aussi : nous proposons déjà des bouchées à la reine, du hachis parmentier, des grillades…” détaille l’agriculteur, qui transmet des remerciements appuyés à son boulanger, dont les sandwichs, les baguettes et le pain sont des produits phares du distributeur. “On a remarqué que lorsqu’il n’y a pas de pain, les gens ne prennent pas de grillades”, énonce Frédéric Gorguet. “Ça cartonne” particulièrement les soirs de semaine, les dimanches et jours fériés. “Quand les supermarchés sont fermés, en gros. On sent à quel point ils ponctionnent tout”, regrette encore le quadragénaire. Il prend un pourcentage à la vente et consacre un jour par semaine à faire la tournée des producteurs, afin d’en récupérer les denrées. Du travail qui paie : depuis sa mise en place, le distributeur rencontre un petit succès. “Mais on ne va pas crier victoire trop vite”, tempère Frédéric Gorguet, en remettant ses lunettes.
Outre une volonté de diversifier leurs sources de revenus, les Gorguet ont à cœur de “faire vivre (leur) village”. Boursies, de fait, est une petite commune rurale, qui compte à peine 400 habitants. Située dans le bassin de vie de Bapaume, elle est traversée par la route nationale 29, qui relie la Normandie à la Belgique. “C’est un point stratégique au niveau des routes, explique Aline Gorguet. Des Allemands y passent pour aller en Bretagne, des Hollandais pour aller en Espagne, des Anglais aussi… Beaucoup de gens traversent Boursies, finalement, mais très peu s’y arrêtent.” Faisant l’hypothèse que le problème venait peut-être de l’offre, inexistante dans le secteur, le couple met en location sa chambre d’amis en 2019. Et surprise, ça fonctionne. La chambre est constamment occupée : en semaine par des ouvriers qui travaillent sur le Canal Seine Nord Europe, les éoliennes, les rails… Et le week-end, par des touristes sur la route, qui s’y reposent avant de poursuivre leur chemin.
La famille profite alors du confinement pour se lancer dans les travaux. La bâtisse, qui regroupait autrefois les écuries, les étables à vache et le grenier à blé, est transformée en logements. Afin de conserver l’âme du bâtiment, qui garde d’ailleurs ses typiques briques rouges, les Gorguet font appel à un architecte qui planche notamment sur la question de l’escalier extérieur. “Il nous fallait quelque chose de fonctionnel et pas trop massif”, précise Aline Gorguet, qui a opté pour un escalier métallique en colimaçon. “Je ne voulais pas dénaturer l’endroit, rapporte Frédéric Gorguet. Il est dans ma famille depuis trois générations. De 1977 à 1992 on y faisait des endives, ensuite ça a été des poules jusqu’en 2012.”
À l’intérieur, six studios pour une capacité d’accueil de 14 personnes. À chacun son thème et son nom, qui rappelle la ferme. On trouve par exemple le studio escourgeon, dont l’intérieur est décoré de nuances de verts ou le studio phacélie, peint en violet. Chaque meuble a été récupéré et customisé par la fille et la grand-mère : “Elles se sont pris de passion pour la décoration”, sourit Aline Gorguet, pas peu fière.
La quasi-totalité des visiteurs reviennent au retour : certains studios sont réservés jusqu’en décembre. D’autant que, pas bête, le couple propose aux gîtes les produits du distributeur. “On y met des bêtises de Cambrai, des friandises de la Ferme aux Chiconettes, localisée à Arras”, décrit Frédéric Gorguet. Et 20 à 30 % des hôtes repartent avec.
Avant de posséder ces multiples casquettes, les Gorguet aimaient surtout la terre et les bêtes. Frédéric Gorguet est un enfant du milieu, il est diplômé d’un BTSA grandes cultures au lycée Saint-Éloi et a travaillé, aux côtés d’Aline Gorguet, plus de 15 ans dans la ferme pédagogique de la commune de Courrière. Mais, las des “pesanteurs administratives”, il finit par quitter son emploi et reprendre l’exploitation familiale, 80 hectares de blé, betteraves, maïs, escourgeon. “Je n’ai toujours pensé qu’à la ferme de mes parents. Pendant la moisson, je prenais des congés pour y travailler. Je ne me suis jamais senti fonctionnaire”, dit-il, reconnaissant toutefois pour “la sécurité de l’emploi”. Aline Gorguet, dont aucun des parents n’est agriculteur, est diplômée en biologie à la faculté de Lille 1. Sa passion à elle, ce sont les chevaux. Frédéric Gorguet lui offrira d’ailleurs son premier cheval pour leurs fiançailles, et son dernier “bébé”, une jument Trait du Nord, est un cadeau pour leurs 20 ans de mariage.
Le couple élève aussi des furets, pour la chasse, que pratique Frédéric Gorguet. “Les gens sont toujours heureux de les découvrir”, s’exclame Aline Gorguet, en tenant dans ses bras un petit albinos. Car, c’est un point fort de leur offre, les Gorguet proposent à leurs hôtes de découvrir la ferme, ses animaux et ses champs. “On adore échanger les points de vue, découvrir ce qui se fait ailleurs. La plupart des visiteurs sont très intéressés”, ajoute Aline Gorguet, qui raconte la manière dont des Américains, venus de Floride, ont été pris de fascination pour leurs champs après un tour en calèche. “Ils nous posaient tout un tas de question : pourquoi c’est bâché là ? Et qu’est-ce que c’est que ça ?…” Un tourisme international, donc, qui nécessite toutefois une bonne maîtrise de l’anglais. “Et au pire, il y a toujours Google Traduction“, rit-elle.
Marion Lecas