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Il tourne le grand livre de la vie après 30 ans passés à la caisse régionale du Crédit Agricole. C’est ainsi que Bernard Pacory évoque son départ, « avec sérénité », de la banque dont il assure la présidence depuis une douzaine d’années.
« Ainsi va la vie. Une transmission du flambeau reçu en héritage, et que l’on a essayé de faire fructifier, précise le banquier. Mais rien ne nous appartient. »
À quelques jours de céder sa place, il revient sur le chemin qui l’a conduit jusqu’à son bureau au sixième étage du square Foch, à Lille, et les années qui ont suivi.
Diplômé de la marine marchande, le Breton a d’abord navigué sur toutes les mers du monde, aux commandes de paquebots, cargos, porte-conteneurs ou encore navires météo. « Avant les satellites, les météorologues lançaient des ballons-sondes au large de Brest et transmettaient les données à Paris », explique le marin, qui pose un temps l’ancre au point K, situé à 70 km de Brest. Il y rencontre un météorologue qui lui partage l’envie de visiter la Terre-Adélie. Ce sera l’un des projets de sa retraite.
Sa route passe ensuite par Paris avant de débarquer à Lille en 1989 pour en diriger le port ainsi que la plateforme de Dourges. Puis, il devient administrateur de la banque qu’il ne quitte plus et rencontre le monde agricole.
Bernard Pacory découvre « un territoire fantastique » où les terres, les hommes et les clients sont bons. Il rencontre « des gens de profondeur, accueillants, très engagés, croyant en leur territoire. »
En 30 ans, il assiste à l’évolution de ce monde agricole. « On a connu des crises mais on a su entendre ce qui se disait sur le terrain », se targue-t-il.
Aujourd’hui, la banque créée il y a 140 ans dans un village du Doubs, finance huit agriculteurs sur dix et autant de jeunes dans le Nord-Pas de Calais. Pour son président, il s’agit de « coopération de long terme, de l’installation à la transmission de l’exploitation agricole, ce qui montre une confiance réciproque. » 193 installations ont été financées en 2022, cite l’homme de chiffres. « Le défi est de rester à ce niveau ».
Le Crédit Agricole Nord de France est l’une des 39 caisses régionales de France, la troisième en termes de poids. Il compte un million de clients dont la moitié est sociétaire (détenant des parts sociales des caisses locales) et 3 000 salariés, dont 450 à Arras, 650 à Lille et le reste sur le terrain dans les 230 agences.
Une centaine de salariés – dont la moitié de conseillers – sont dédiés au service agriculture de la caisse. 98 % des décisions sont prises à Lille et Arras, signe pour Bernard Pacory d’unité et de décentralisation. Sur les 70 caisses locales, 60 sont présidées par des agriculteurs. « Nos élus sont nos sociopalpeurs », ajoute le banquier.
Globalement, il ne perçoit « pas de risques avérés dans l’agriculture », mais des défis à relever. Celui de la transmission, celui de l’énergie, celui de l’eau.
« Les jeunes ont compris que l’agriculture ne sera plus la même », indique-t-il. En 2022, la banque a investi 450 millions d’euros pour l’agriculture à travers près de 7 000 dossiers, parmi lesquels la méthanisation et l’achat de matériel figurent en haut de la liste.
« L’agriculture s’est adaptée à ses contraintes, ses sols, son climat », remarque le président de la banque. Parmi les dossiers du moment, celui de l’assurance récolte, « cette mutualisation voulue par l’État pour couvrir d’éventuels dégâts », et qui fait l’objet de réunions sur les territoires pour l’expliquer aux premiers concernés.
Ces dossiers, Bernard Pacory les lègue à son successeur tandis que lui s’apprête à écrire une nouvelle page, un pied dans le Nord, un autre plus près de sa Bretagne natale, avec des sauts à droite ou gauche, comme tout ancien matelot.
À Saint-Nazaire, il accompagnera l’école de la production, créée pour « redonner l’envie de travailler aux enfants ». D’ailleurs, la fondation du Crédit Agricole – dont il a contribué à la création en 2015 – a financé des antennes locales à Béthune, Douai ou encore Dunkerque. Il a également été désigné pour mener des enquêtes publiques pour le tribunal de Nantes où il passera une partie de son temps.
Il écrit un livre, aussi, Dernier voyage, dont le récit se situe – évidemment – sur un paquebot.
Et puis, il a « un vieux rêve d’enfant », apprendre à jouer du piano. Il sait qu’il est plus difficile de débuter au fur et à mesure que s’additionnent les décennies, mais qu’importe.
« Je veux donner du temps au temps après avoir été pris dans la tornade positive du Crédit Agricole », conclut-il.
1973. Diplômé de l’école nationale de la marine marchande à Nantes, il navigue pendant neuf ans.
1989. Il s’installe à Lille pour en diriger le port ainsi que la plateforme de Dourges.
1993. Il entre au Crédit agricole en tant qu’administrateur de la caisse régionale.
2011. Il prend la présidence du Crédit agricole Nord de France qu’il conserve jusqu’en avril 2023.
Louise Tesse
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