Votre météo par ville
« Il s’agit du moment de l’année où nous connaissons notre plus grosse activité », entame Amandine Lukasik. Officiellement, elle est secrétaire et assistante de direction à la Banque alimentaire du Nord. En réalité, elle a revêtu, en même temps qu’un gilet orange fluo, le rôle de guide. « On se doit d’être polyvalent », sourit-elle.
L’entrepôt, situé au Port de Lille, tourne à plein régime : les 11 salariés et quelque 130 bénévoles actifs y préparent la grande collecte d’automne. Les points de collecte sont partout : dans les supermarchés, les écoles, les mairies, les associations… L’an passé, 331 tonnes de denrées avaient été récoltées. « On se prépare à trier 400 à 600 palettes sur une seule semaine, c’est un énorme volume », s’exclame Amandine Lukasik. Les collectes, toutefois, peinent à égaler « les glorieuses années » qui ont précédé le covid – et l’inflation -, alors même que le nombre de bénéficiaires ne cesse d’augmenter. Le Sénat vient d’ailleurs d’adopter, ce lundi 20 novembre, l’ouverture d’une enveloppe de 30 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’aide alimentaire, en réponse à la situation difficile des réseaux associatifs.
Si elle ne représentait, toujours en 2022, que 8 % des denrées distribuées, la collecte d’automne constitue « un complément vital pour les Banques alimentaires », rapporte Amandine Lukasik. « Elle nous permet d’apporter de la diversité, avec des produits que nous ne recevons pas à d’autres moments de l’année. » Les tablettes de chocolat, par exemple. De fait, un tiers des dons proviennent du Fonds de soutien européen à l’aide alimentaire, cofinancé par l’Union européenne à hauteur de 90 %. « Avec ce fonds, on commande les produits les plus basiques et accessibles pour avoir beaucoup de volumes et toucher plus d’associations », précise encore Amandine Lukasik. En 2022, pour la Banque alimentaire du Nord, cela a représenté, entre autres, 99 825 kg de riz, 21 057 kg de farine, 29 976 litres de potage ou encore 54 120 litres d’huile.
Pour le reste, 46 % des denrées collectées proviennent de dons de l’industrie agroalimentaire ou de producteurs agricoles. Parmi les légumes, beaucoup d’oignons, de pommes de terre et d’endives. Des variétés qui se conservent bien et sont particulièrement appréciées dans la région, mais dont la quantité fluctue forcément selon les années : « Il y a des années où on est submergé, d’autres où on manque », confie Amandine Lukasik. Pour les fruits, c’est plus compliqué, le Nord n’étant pas un grand producteur, à part de pommes peut-être, mais ces dernières, même abîmées, peuvent toujours être transformées en jus ou en compote.
Enfin, 14 % des denrées distribuées proviennent de grandes ou moyennes surfaces (GMS) et de grossistes. Souvent des produits dont les date limite de consommation et date de durabilité minimale arrivent à leur terme. « Tout en faisant attention à ce qu’il n’y ait pas de danger sur la santé, nous parvenons, au quotidien, à enrichir nos entrepôts de produits qui n’auraient plus d’utilité ailleurs », se réjouit la secrétaire de la Banque alimentaire du Nord. Elle rappelle ce qui a été la genèse des 79 banques alimentaires de France – réparties par département : « Lutter contre le gaspillage pour lutter contre la faim ». En 2022, 68 % des denrées collectées par la Banque alimentaire du Nord ont ainsi été sauvées du gaspillage alimentaire.
Une fois triées et stockées dans ce gigantesque hangar de 4 000 m2, où vont donc les denrées récoltées ? Aux 178 associations partenaires de la Banque alimentaire du Nord. Chacune d’entre elles se voit définir une fréquence de visite selon le nombre de foyers qu’elle alimente. La veille, les préparateurs de la Banque alimentaire ont pris le soin d’élaborer une commande, composée de produits de l’Union européenne – ou de l’État français s’il s’agit d’épiceries solidaires (47 parmi les 178 associations), ces dernières n’étant pas habilitées à revendre des produits européens – et de la collecte.
En libre-service, se trouvent aussi des « produits complémentaires » : en ce moment, une cargaison de l’industriel Lipton, mais aussi des boîtes de conserve dont il manque l’étiquette ou encore du lait de coco. En 2022, 93 971 personnes ont bénéficié de cette aide alimentaire, ce qui équivaudrait, selon la Banque alimentaire du Nord, à 13,345 millions de repas distribués. À savoir que la structure a quatre antennes dans le département : Lille, Ferrière-la-Grande, Valenciennes et Dunkerque.
Une petite partie des dons, enfin, sert à Sandra Delcourt, animatrice des ateliers cuisine, et son acolyte Marie-Jo Desodt. Ensemble, elles visitent les associations partenaires et y enseignent la « débrouille culinaire » et le mieux manger. Par mois, le duo anime entre 10 et 12 ateliers sur tout le département. Comme cet après-midi de mi-novembre, à Douai, lorsqu’elles ont réalisé, devant les adhérentes de l’association Deux mains ensemble, un gâteau au chocolat… et à la betterave.
Aux moues dubitatives, s’est rapidement substitué l’enthousiasme de la nouveauté. Les fouets ont battu les œufs en cadence et en un rien de temps, les gâteaux étaient au four. Chacun des participants est reparti avec son dessert, promettant de reproduire la recette – « à condition que ce soit bon ». « C’est tout notre objectif : utiliser des produits de la Banque alimentaire, des denrées accessibles à tous, pour construire quelque chose de nouveau, de sain et surtout de gourmand ! », sourit Sandra Delcourt, la voix couverte par la joyeuse cacophonie du groupe et une délicieuse odeur de chocolat.
Marion Lecas