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Je suis éleveur de vaches laitières à Saint-Amand-les-Eaux et je représente la profession à la commission agricole du Parc naturel régional Scarpe-Escaut. Je suis donc facilement sollicité pour faire des expérimentations. D’autant plus que j’ai été pris à mon propre jeu. J’ai toujours demandé des moyens financiers pour permettre aux agriculteurs du parc de poursuivre leurs activités et les aider à conserver la biodiversité de ces zones humides.
Lorsque l’Agence de l’eau Artois-Picardie a financé en partie ce programme, je n’ai pas pu refuser. Il faut aussi remettre ce programme dans le contexte de l’époque. En 2015, nous avons vécu la crise du lait, cela nous a aussi poussés à revoir nos habitudes. De plus, en habitant à proximité d’une ville, j’ai senti les regards de mes voisins changer envers mon travail, de façon négative, donc j’avais envie de faire quelque chose.
En 2013, j’avais une trentaine d’hectares de prairies pour mes 90 vaches laitières. Mon objectif était d’honorer mon contrat de 660 000 litres. Je ne calculais pas mes marges brutes sur le pâturage. Grâce aux collectes de données effectuées par l’Agence de l’eau, j’ai calculé mes marges brutes avec la Chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais et je les ai comparées avec mes collègues des environs qui sont dans une situation quasiment similaire. Ces chiffres m’ont permis de mettre en évidence des problématiques liées au milieu et non pas à mes compétences. J’ai alors pu reprendre confiance en moi et analyser mes points d’amélioration. Je me suis déculpabilisé.
J’ai revu complètement mon système d’élevage. J’ai compris qu’il ne fallait pas regarder le compteur de litre de lait par vache mais mes coûts de production. Alors, j’ai replanté une vingtaine d’hectares de prairie temporaires autour de mon exploitation. Mes vaches pâturent davantage et je suis plus autonome au niveau de la nourriture.
Par ailleurs, j’ai choisi de faire un pâturage tournant toutes les semaines sur les prairies humides. J’y mets mes génisses. En les bougeant toutes les semaines, elles sont moins sauvages. Cela me permet de ne pas surexploiter les prairies humides et de laisser à la végétation plus lente le temps de pousser. Je n’y fais plus de coupes rases, ni de foin et n’applique plus d’engrais. Cela laisse le temps aux graminées de se développer.
Résultat, fin juin, ma prairie est encore verdoyante et elle peut être pâturée tout l’été même si les conditions sont sèches. Cela m’évite d’avoir un coût de mécanisation pour réaliser l’affourragement l’été. Il faut quand même faire remarquer que ces résultats ont été observés lors d’années sèches, je n’ai pas encore pu analyser mes pratiques en cas d’année pluvieuse.
J’ai contractualisé des MAE (mesures agro-environnementales) sur une dizaine d’hectares de prairies implantées. Deux hectares, où aucune fertilisation n’est acceptée, sont engagés dans des MAE. Par ailleurs, je me suis aussi lancé dans le programme Natura 2000 qui cherche à valoriser les prairies en réalisant des reports de fauches.
Depuis que j’ai implanté des prairies, je ne m’occupe plus de la productivité de mon troupeau mais je valorise mes surfaces fourragères. J’ai encore beaucoup de choses à peaufiner mais ça me remotive, ça redonne du sens à mon métier et en participant à des réunions collectives, je peux en échanger avec mes voisins. Quel que soit le bilan, je suis très heureux de revoir mes vaches pâturer, je suis prêt à passer au bio ou à expérimenter le projet de paiements pour services environnementaux.
Propos recueillis par Lucie Debuire