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“Inquiétants.” C’est le qualificatif qu’emploie Patrick Marlière, directeur du bureau d’expertise météorologique Agate, au sujet des relevés de pluviométrie du mois dernier, et plus globalement de l’année écoulée avec des cumuls de pluies significatives (c’est-à-dire supérieures à 10 millimètres) faibles, voire nuls. Les déficits régionaux s’étalent de 80 à 97 %, et certains secteurs métropolitains atteignent un déficit de 100 % comme à Melun, en Seine-et-Marne.
Pour le Nord-Pas de Calais, on ne note pas de distinction significative entre les zones littorales, traditionnellement plus arrosées, et les terres. Ainsi, on relève pour février 2023 un déficit en précipitations de 79,2 % à Calais et 80 % à Hirson ou encore de 90,3 % au Touquet et 97,8 % à Beauvais.
La situation est particulièrement inquiétante pour le sud de la France, catastrophique pour le centre, y compris la région parisienne. Certaines zones seront également impactées par les faibles tombées de neiges, avec un taux de fonte nivale bas.
Les chiffres du mois dernier ont été scrutés de près pour deux raisons : la longue période sans pluies significatives, plus de 30 jours consécutifs, et ce moment de l’année où les jeux sont pratiquement faits.
L’année se divise en deux périodes : celle de la recharge des nappes phréatiques, de mi-octobre à la fin mars, quand l’eau de pluie peut aller s’enfoncer dans les sols pour en remplir les réservoirs ; la période agricole, lorsque la végétation reprend ses droits et qu’elle mobilise l’eau pour son développement. Ce qui tombe du ciel n’atteindra plus les nappes. “Et ce qui ne tombe pas n’alimentera pas non plus les autres réserves en eau : champs captant ou cours d’eau“, souligne Jean-Marc Pietrzak, directeur interrégional de Météo-France.
Février donc, l’avant-dernier mois de remplissage potentiel, et qui ne peut de toute façon pas inverser la tendance à lui seul. Et quand il ne tombe pas une goutte de pluie, le déficit se creuse naturellement. Car déficit il y avait avant ces fameux ” 32 jours sans pluie ” entre le 21 janvier et le 21 février. ” Il manque 20 à 30 % de pluies pour l’année 2022 et si c’était encore plus inquiétant avant les pluies de novembre et décembre qui ont permis de rattraper un peu les volumes, nous restons en déficit pour cette année “, explique Patrick Marlière.
À l’échelle nationale, l’hiver 2023 se classe au neuvième rang des moins arrosés depuis 1959. “Le déficit pluviométrique a dépassé 75 % en février 2023 qui se classe au quatrième rang des mois de février les plus secs sur la période 1959 – 2023 (derrière février 2012, 1965 et 1959)“, précise encore Météo-France qui fait le compte : “Cet hiver est ainsi en France la cinquième saison consécutive marquée par un déficit de précipitations et des températures plus élevées que la normale.“
Et tous s’interrogent désormais. 2023 s’annonce a priori sous des auspices similaires à 2022, bien que les prévisions saisonnières soient de moins en moins fiables. 2022 est-elle un accident ou le point de départ d’une nouvelle norme ? Quelle sera la ” durée de retour ” de ces phénomènes ?
L’année 2023 commence par des chiffres inquiétants, et si ” 10 à 20 millimètres sont attendus cette prochaine quinzaine, ce ne sera pas assez pour recharger correctement les nappes d’ici la fin du mois “, prévient le directeur d’Agate météo. Giboulées de neige et pluies devraient ponctuer le week-end à venir, avec même quelques bonnes précipitations, ” pour au final un mois de mars quasi normal ” qui ne rattraperont pas le cumul déficitaire. Car les sols sont particulièrement secs. “Fin février, la situation des sols correspond à une situation normale de mi-avril en moyenne sur la France“, indique Météo-France dans un rapport publié le 6 mars. En moyenne car pour les Pyrénées-Orientales par exemple, la situation correspond à un mois de juillet !
On s’inquiète légitimement pour les mois à venir. On évoque des restrictions, nécessaires. Les producteurs s’inquiètent et ils auraient tort de ne pas le faire. Il va falloir plus que jamais rationaliser l’usage de l’eau. ” Nous connaîtrons de chaudes journées en mai, se projette Patrick Marlière. Dès lors, les gens auront envie de manger des salades, or pour produire des salades il faut de l’eau, beaucoup d’eau. Il va falloir prendre des mesures, évidemment. ” L’expert météo pose à nouveau la question du stockage des eaux pluviales – “ des bassines de récupération oui, mais pas de pompage dans les nappes ” – et de l’utilisation des eaux usées.
On nous répète qu’à l’avenir, il n’y aura pas moins d’eau mais que cette dernière tombera différemment, avec des saisons sèches et d’autres arrosées. ” Oui, mais ces précipitations, plus fortes et concentrées, s’infiltreront moins facilement et tomberont aussi dans un environnement plus chaud, avec une évaporation accrue. Les sous-sols seront moins rechargés en conséquence “, décrypte le directeur de Météo-France.
Il y a l’eau qui tombe, ça on devra subir, et celle qui reste, là il faudra agir. Entre les deux, celle qu’on mobilise et là encore il faudra des actes. Car, si comme beaucoup l’imaginent la norme change, il faudra que les pratiques s’adaptent. On ne pourra pas jouer éternellement les Danaïdes des temps modernes, en cherchant à remplir sans fin un tonneau percé.
Justine Demade Pellorce
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