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À Richebourg, près de Béthune, une jolie ferme tout en briques, typique du coin, sept boîtes aux lettres. Mais pourquoi ? Il n’y a pourtant qu’un numéro. Eh bien parce qu’en plus de son propriétaire Didier Durlin, 58 ans, six étudiants logent ici.
Depuis 2014, cet agriculteur fait partie du réseau de l’association Campus vert qui propose des logements étudiants à des loyers modérés à la campagne. Or, depuis la crise du Covid et face à la crise du logement, les demandes augmentent chaque année.
Créée en 1995 à Violaines, l’association Campus Vert part d’un constat simple : avec la décentralisation de la faculté de Lille vers les villes moyennes, il va falloir des logements pour les étudiants. Or, ces villes moyennes n’ont pas ces logements, mais elles ont dans leur périphérie bon nombre d’agriculteurs avec des bâtiments non utilisés.
Depuis, Campus Vert gère 500 logements, « et 100 sont en cours de réalisation », comptabilise Odile Colin, directrice de l’association depuis 2011. Après un démarrage à Béthune, Campus Vert rayonne désormais dans tous les Hauts-de-France, en Île-de-France et en Bretagne.
Les agriculteurs qui souhaitent entrer dans le réseau ont des critères à respecter, et ce depuis le début. « Dans un premier temps, il doit y avoir une valorisation du patrimoine, dans le sens où l’agriculteur doit avoir un bâtiment existant dans lequel il installe les logements », explique Odile Colin. Tous les logements doivent ensuite être équipés (kitchenette et salle de bains avec branchement machine ainsi que de la vaisselle pour quatre personnes) et meublés. « Une connexion internet fait aussi partie du loyer ». Enfin, les agriculteurs s’engagent à appliquer la grille tarifaire de Campus Vert. Comptez en moyenne 336 €/mois pour un T2 entre 30 et 35 m2 (dans les Hauts-de-France). À titre de comparaison, dans la métropole lilloise, un T2 meublé compris entre 30 et 35 m2 coûte en moyenne 503 €/mois (hors internet).
Pour ce qui est de la rémunération, les agriculteurs touchent évidemment le loyer. Quant à Campus Vert, l’association se rémunère via les cotisations que versent les agriculteurs. En retour, l’association s’occupe de trouver les locataires et de la partie administrative des locations.
Et cette année, ça a commencé tôt. « On a généralement deux vagues de demandes : une au mois de juin et une à la fin de l’été. Là, on a eu beaucoup de demandes dès le début du mois de juin, juste après les premiers résultats de Parcoursup. Il nous reste à l’heure actuelle à peine 10 % de logements vacants. Je pense qu’avec la crise du logement et l’inflation, les parents et les futurs étudiants préfèrent sécuriser un logement rapidement, d’autant qu’ils savent que chez nous, on peut réserver l’appartement mais qu’on ne payera qu’à partir de l’entrée dedans. »
Pour Didier Durlin, tout a commencé en 2006. Il dépose son dossier qui n’est pas accepté car « l’association n’était pas sûre du taux de remplissage ». Il retente sa chance en 2014 et cette fois le dossier passe. « J’aimais le concept de Campus Vert et la sécurité que cela apportait. Je savais aussi que l’association m’accompagnerait dans les travaux et l’administratif. »
En effet, Campus Vert, financée en partie par le conseil régional des Hauts-de-France, permet aux agriculteurs de bénéficier de subventions dans le cadre du FEADER pour leurs travaux de rénovation. « J’avais ces anciennes étables dont la toiture était à refaire mais étant donné que je ne me servais pas du bâtiment, il était dommage de ne pas le valoriser. J’ai voulu faire ça proprement. J’avais été marqué par des appartements que nous avions visités à Lille pour mes propres enfants et je ne voulais pas faire ça. J’ai donc pas mal investi. »
Aussi, il le reconnaît, « ce n’est pas vraiment pour les sous que je fais ça, bien que ce soit un futur complément de retraite intéressant ». C’est surtout pour le lien social et le maintien de son bâtiment : « J’organise une fois par trimestre environ une soirée gaufres chez moi avec les locataires. Ça leur donne l’occasion de se rencontrer mais aussi pour moi de discuter avec eux. »
Il faut dire que les profils sont variés. « Environ 50 % des locataires viennent du monde rural et les autres 50 % du monde urbain. Cela va des bacheliers aux doctorants et parfois même, aux personnes sortant juste d’études », indique Odile Colin.
C’est le cas par exemple de Sophie, 24 ans, qui loue un appartement à Didier Durlin depuis deux ans. « Je venais de finir mes études d’ingénieure agronome et de décrocher mon premier travail en tant que technicienne en culture légumière, à Violaines », se souvient la jeune femme.
« Je connaissais déjà le concept car mon père, agriculteur, avait voulu entrer dans le système. Puis mon frère a été logé dans un logement Campus vert quand il faisait ses études. Quand il a fallu trouver un logement, j’ai vite pensé à ça car je voulais un logement à loyer modéré sans être en ville. » De plus, travaillant à Violaines, Sophie se dit qu’elle a plus de chance de trouver un appartement près de son lieu de travail en cherchant du côté de la campagne, « mais qui ne soit pas non plus trop loin des villes ».
« Le fait que je puisse garer ma voiture, qu’il y ait un espace vert et que ce soit tout équipé, c’était un vrai plus. C’est tout de même un luxe quand on a seulement à amener ses habits quand on commence tout juste à travailler et qu’on n’a pas les ressources pour acheter des meubles, de l’électroménager, etc. »
Qui plus est, c’était la première fois que Sophie allait être seule : « Pendant mes études j’étais en colocation et pareil pendant mes stages. Savoir que je pouvais compter sur quelqu’un, Didier Durlin en l’occurrence, c’est important. Moi j’étais rassurée ainsi que mon entourage. »
Si après deux ans de location, Sophie quitte cet appartement pour s’installer avec son compagnon, elle le dit « je conseille vivement ce système ! »
Eglantine Puel