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Sandrine Rousseau nous emmène dans un dédale de couloirs. Presque labyrinthique. Dans un petit renfoncement, son bureau de vice-présidente de l’université de Lille. Ce vendredi matin, elle toussote, se sent congestionnée au niveau du nez. “Je suis encombrée depuis hier. ça m’arrive régulièrement ».
Car depuis quelques années, Sandrine Rousseau, ex-secrétaire nationale du parti Europe écologie les Verts (EELV), aujourd’hui retirée de la vie politique, est atteinte d’une sinusite chronique. Eu égard aux températures souvent fraîches du nord de la France ? “Au début, je n’en savais rien. J’ai fait des batteries d’examen pour en connaître la cause”, retrace-t-elle.
Réaction allergique, pathologie naissante ? Les résultats écarteront ces options. Pour elle, le problème se trouve tout autour de nous. “C’est la pollution qui a créé mes problèmes respiratoires.” Surtout depuis qu’elle a emménagé aux abords d’un axe routier. Sur lequel se succèdent les ballets de camion, “qui ne font que passer et qui n’apportent rien à la région. Sinon une pollution massive“.
Mais pour Sandrine Rousseau, déménager ce serait en quelque sorte renoncer. “Et c‘est mal me connaître“, glisse-t-elle avec le sourire. Touchée dans sa chair et face aux pics de pollution successifs étouffant la métropole lilloise, Sandrine Rousseau préfère réagir. Lancer l’alerte.
En juin 2017, elle dépose un recours pour “carence fautive de l’État” en matière de pollution. Visant tout particulièrement la préfecture du Nord, l’administration compétente, ici, pour prendre les mesures ad hoc.
Une action en justice qui s’inscrit dans la foulée d’initiatives similaires dans d’autres bassins de pollution en France. Comme à Paris (75), Lyon (69), Grenoble (38) ou encore la vallée de l’Arve (74). Pour se faire épauler juridiquement, Sandrine Rousseau a fait appel à l’avocat François Lafforgue, connu pour avoir défendu en justice des travailleurs malades de l’amiante et des agriculteurs victimes des pesticides. L’audience devant le tribunal administratif de Lille s’est déroulée le 4 décembre 2019.
Sandrine Rousseau le sait : le dossier est compliqué. ” D’un côté, le rapporteur public a souligné que la métropole lilloise était surexposée à la pollution et que la faute de l’État pouvait être caractérisée, résume-t-elle. De l’autre, il est très difficile, voire impossible d’établir un lien entre mes problèmes respiratoires et la qualité de l’air. On espère tout de même que le tribunal rendra un jugement appelant les autorités publiques à se saisir de cette problématique”. C’est exactement ce qui s’est passé. Ce mardi 14 janvier 2020, l’Etat a été reconnu fautif “d’une insuffisance amélioration de la qualité de l’air dans la métropole lilloise“. En revanche, le tribunal administratif de Lille estime que le lien entre les sinusites de Sandrine Rousseau et la qualité de l’air ne peut être établi. L’Etat n’a donc pas été condamné sur ce point.
Selon plusieurs associations environnementales, la pollution serait à l’origine du décès de 1 700 personnes par an dans la métropole lilloise. Soit quatre personnes par jour… L’année 2018 a été marquée par plus de soixante jours de pics de pollution rien que pour les PM2,5, les particules les plus fines et notoirement nocives. Alors qu’au-dessus de trois jours, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) considère qu’il y a danger.
Sandrine Rousseau l’assure : elle détecte lorsque la qualité de l’air est altérée. Par acquit de conscience, elle pianote sur son ordinateur pour vérifier. Ses symptômes ne mentent pas. “Je suis un baromètre“, estime-t-elle. Manifestement, même avec une sinusite, Sandrine Rousseau a encore du nez.
Simon Henry