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La mobilisation des agriculteurs s’est étendue à la France en dépit de la réception des représentants des principaux syndicats agricoles dès le lundi 22 janvier.
« Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de décisions concrètes […] il n’y aura pas de levée des actions sur le terrain », a déclaré le 22 janvier 2024 le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau qui était accompagné du président des JA, Arnaud Gaillot. Les deux responsables syndicaux ont rencontré le Premier ministre, Gabriel Attal, pendant presque deux heures. « La situation est aujourd’hui sans équivalent », a d’ailleurs expliqué Arnaud Rousseau. Trois thématiques ont été détaillées lors de cet entretien qui a vu « un Premier ministre à l’écoute et conscient des enjeux du moment ».
Premier dossier abordé : la dignité du métier et la place de l’agriculture dans la société. Les agriculteurs sont aujourd’hui déboussolés et « s’interrogent sur ce que veulent vraiment les Français. Ils ont l’impression de faire une alimentation de qualité, de servir la France et ce qui leur est renvoyé, ce n’est pas ça », a expliqué le président de la FNSEA.
Mobilisation des agriculteurs : la FRSEA Hauts-de-France a rencontré Christophe Béchu
« On est pris pour des délinquants, présumés coupables, une partie de la population pense qu’on est des voyous ! », surenchérit quelques heures plus tard Laurent Verhaeghe, président de la FDSEA du Nord. « Si on ne fait pas attention, on va perdre notre diversité et notre agriculture propre au détriment d’importations de produits qui ne respectent pas nos normes », alerte-t-il, s’interrogeant sur ce que veulent « vraiment » les consommateurs dans leur assiette.
Deuxième grand sujet : les revenus et les filières, « dans un moment où la France importe un tiers de son alimentation ». Pour la FNSEA et JA, il est indispensable et primordial de préserver les moyens de production. À ce titre, les questions de l’eau, des produits phytosanitaires, de la garantie des revenus et de la compétitivité de la Ferme France ont été abordées.
Le président de la FDSEA du Nord cite le lait, dont le prix a certes augmenté, mais pas autant que les charges. « Un lait en dessous des 450 € les 1 000 litres, ce n’est plus possible. Ce qui convenait il y a quelques années à 350 €, ne convient plus avec les hausses des charges et ne permet pas d’embaucher. On a besoin de gardiens de la loi Egalim pour qu’elle soit véritablement appliquée. » Résultat : « On est incapables d’employer des collaborateurs. » De quoi écœurer les candidats à l’installation, regrette Laurent Verhaeghe.
Enfin troisième thème sur lequel le chef du gouvernement et les responsables syndicaux ont planché : l’exercice du métier sous l’angle des normes, des législations et de la surréglementation. FNSEA et JA demandent qu’une réelle simplification soit mise en place. « Restaurer la confiance, c’est aussi rompre la sédimentation des textes. » S’il est un mille-feuille dont les agriculteurs ne veulent plus, c’est bien l’empilement réglementaire, approuve Laurent Verhaeghe. Et de citer un exemple au cœur même de l’actualité du Nord-Pas de Calais. « Dans la région, on est incapables de prendre une décision immédiate quand il faut curer. Donc rien ne se fait. »
Enfin, la question des 4 % de jachère prévus par la PAC est « insupportable » pour le syndicat majoritaire, de la voix de son représentant nordiste : « Cela correspond à une diminution de la production de 400 000 tonnes en Hauts-de-France : on n’en veut plus. »
À Matignon lundi dernier, « on a redit qu’on ne se contenterait pas de mots, ce que les agriculteurs attendent, ce sont des actes », ont martelé Arnaud Rousseau et Arnaud Gaillot qui croient toujours en l’avenir de leur métier. Les deux syndicats agricoles laissent quelques jours (jusqu’au 28 janvier) au gouvernement pour annoncer des mesures concrètes de court terme comme la remise immédiate de la détaxation sur le gasoil non routier (GNR) en pied de facture.
Pour les mesures de moyen et long terme, FNSEA et JA ont fixé une échéance au gouvernement pour formuler des propositions concrètes : « Jusqu’au salon de l’agriculture ». Le président de la FNSEA a bien réaffirmé que la rencontre avec Gabriel Attal n’avait pas pour objet de rentrer en négociation, mais de « poser un diagnostic ». « La balle est dans le camp du gouvernement. Il lui appartient maintenant de prendre les bonnes décisions », a précisé Arnaud Gaillot.
Prenant la parole peu après les deux responsables syndicaux, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a rappelé que le cap est celui de la transition écologique dans le cadre de la souveraineté et que ce cap doit susciter la confiance retrouvée. À demi-mot, il a aussi évoqué les surtranspositions et la surréglementation qui pèsent sur les agriculteurs, l’objectif étant d’aller vers une simplification des lois et de normes en vigueur. « Quant à la loi d’orientation agricole, qui devait être présentée le 24 janvier en Conseil des ministres, elle a été repoussée pour l’enrichir et la compléter par des dispositions sur la simplification, avec des cas concrets », a précisé le ministre.
La colère des agriculteurs fait depuis le début de la semaine l’objet de manifestations de soutien. L’UNPT a ainsi rejoint le mouvement regrettant que des « injonctions contradictoires entravent leurs moyens de production depuis des mois ». Tout comme les quatre autres associations spécialisées grandes cultures de la FNSEA (blé, maïs, betteraves à sucre, et oéloprotéagineux).
La Fédération nationale des Cuma (FNCuma), représentant des groupes d’agriculteurs, s’est également associée à « la saturation générale face à des charges et normes toujours plus lourdes », a-t-elle annoncé dans un communiqué de presse du 23 janvier.
La veille, ce sont les artisans bouchers-charcutiers qui se sont dits solidaires avec leurs éleveurs « alors que les élections européennes approchent à grands pas et qu’elles s’annoncent décisives pour l’avenir de notre souveraineté alimentaire, il est temps de reconsidérer cette dernière comme une priorité absolue ».
Enfin, « au moment où les paysans français disent leur trop-plein de tout en manifestant, le salon international de l’agriculture est solidaire car le salon est fait par et pour le monde agricole ».
Claire Duhar
Christophe Soulard Et Louise Tesse