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Quels modes d’occupation des sols et emplois dans la région en 2050 ? C’est autour de l’étude prospective réalisée par l’Agence de la transition écologique des Hauts-de-France qu’élus et acteurs des collectivités territoriales se sont retrouvés dans les locaux de la CCI Hauts-de-France. Pour bien comprendre, un peu de contexte : l’Ademe a dévoilé fin 2021 un rapport intitulé Transition(s) 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat.
Ce travail, construit avec les données du Giec, propose quatre scénarios (lire aussi notre édition du 2 décembre 2022) pour permettre à la France d’aller vers la neutralité carbone. L’étude intègre une large palette d’enjeux environnementaux : usages de la biomasse, de l’eau, gestion des déchets, occupation des sols, emploi, mobilité…
L’antenne régionale de l’Ademe est partie de ce rapport pour proposer ces mêmes scénarios à l’échelle des Hauts-de-France, suivant plusieurs thématiques. Elle avait déjà réalisé deux études dans le cadre de Rev 3 : l’une concernait les enjeux énergétiques (2018) et l’autre l’économie circulaire (2020). Cette fois-ci, le but est de donner au territoire une vision prospective (2050) de l’état de l’occupation des sols, de la pression des activités humaines, des services écosystémiques (les bénéfices que tire la société des écosystèmes : eau, alimentation, activités récréatives…) et des emplois pour chacun des scénarios.
L’ambition est de “faire atterrir les Hauts-de-France sur des thématiques précises“, illustre Simon Karleskind, directeur de l’Ademe régionale. En somme, montrer plusieurs chemins possibles pour créer une vision collective. Avec Rev 3, la Région a l’ambitieux objectif de décarboner l’économie régionale d’ici 2050 tout en créant de la valeur et des emplois durables.
Pour y parvenir, Frédéric Motte, son pilote, note le “besoin d’être accompagné“ pour “entraîner tout le monde“ et salue le travail effectué. “Nous avons une même vision et une même ambition“, assure-t-il.
L’étude (272 pages au total) s’intéresse donc aux sols, longtemps négligés, qui seront au cœur de la transition. “On estime qu’entre 50 et 60 % de la biodiversité mondiale dépendent des sols, explique Antonio Bispo, directeur de recherche à l’Inrae. 95 % de notre alimentation vient des sols.“
L’enjeu est donc de les préserver car ils permettent l’infiltration de l’eau, dont les besoins vont augmenter (pour l’alimentation, l’énergie, les matériaux, les puits de carbone…) alors même que les surfaces diminuent sous l’effet conjugué de l’artificialisation, de l’érosion et du recul du trait de côte (33 000 hectares touchés selon l’étude dans la région).
Une chose semble certaine : en 2050, la région n’atteindra pas la neutralité carbone en suivant les scénarios nationaux. S’il est difficile de résumer en quelques mots l’étude, il est possible d’en extraire quelques éléments clés. Le premier d’entre eux est que l’artificialisation d’espaces agricoles ou naturels reste importante jusqu’en 2050 dans tous les scénarios (entre +9 et +27 %), ceci s’expliquant par la production de bâtiments (activités ou logements), d’énergie ou de transports. Celle-ci devra être compensée par de la réhabilitation de friches et de la désartificialisation écrit l’Ademe.
D’autant plus que le deuxième constat commun à tous les scénarios vient percuter le premier : en réduisant sa dépendance aux énergies fossiles et sa consommation d’énergie, la région aura besoin de recourir davantage à la biomasse en 2050. Chaque hectare de terre agricole et forestière sera ainsi essentiel selon l’Ademe qui note toutefois que la région devra sans doute faire appel aux coopérations interrégionales car la forêt, même si elle progresse dans certains scénarios, restera insuffisante.
En entrant dans le détail côté agriculture, pour tous les scénarios également, les surfaces en cultures industrielles (pommes de terre, betteraves, légumes) et céréales à paille diminuent en 2050, au profit des protéagineux, des oléagineux, et pour certains scénarios, des surfaces dédiées aux animaux.
L’ensemble des scénarios impactent également négativement la disponibilité en eau pour les nappes (moins d’infiltration, plus de ruissellement et d’évaporation). Pour l’Ademe, des arbitrages seront donc nécessaires et la lutte contre le ruissellement des eaux de surface par les aménagements paysagers et l’amélioration de la perméabilité des sols seront des leviers essentiels.
Enfin, pour chaque scénario, les principaux secteurs d’activité perdent des emplois. Pour l’agriculture et l’agroalimentaire, seul le scénario 4 maintient ainsi le niveau des emplois. Ces pertes sont toutefois compensées, pour une bonne part, par l’augmentation des emplois dans les services et les secteurs de l’énergie et, facteur à prendre à compte, la population régionale devrait baisser de 10 % d’ici 2070 selon les prévisions de l’Insee.
Si elle a nécessairement des limites (données disponibles et calculs, nécessaire simplification…), cette étude donne ainsi une vision et une perspective utile à nombre de décideurs, mais pas seulement. L’Ademe a ainsi publié des supports plus pédagogiques (synthèse, atlas) à destination du grand public et il est intéressant, pour tout citoyen, de s’y attarder. Pour comprendre que ce qui se joue aujourd’hui façonnera demain.
Lire aussi : Frédéric Motte : « Entraîner les territoires pour être à la hauteur des enjeux »
Kévin Saroul