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C’est l’histoire d’un agriculteur au bout de ses forces. Un récit qui émeut désormais aussi le grand public, mais que le monde rural connaît depuis longtemps. « C’était il y a cinq ans, commence Sylvie Vanneuville d’une voix claire. Mon mari a fait un burn-out… » Éleveur laitier à Noordpeene (59), au cœur du Marais audomarois, Didier Vanneuville craque en 2015. « Il a été porté disparu une journée, se souvient-elle. Il était parti dans les bois… Et au dernier moment, il a pensé à nous. » « Nous », c’est son épouse, et leurs trois enfants. Didier est hospitalisé. C’est le début autour d’eux d’un ballet d’aidants salutaires, à qui la famille s’accroche pour refaire surface. L’association Arcade, Avenir conseil élevage… « De belles personnes. Elles nous ont montré que nous n’étions pas seuls. » Un plan d’action se met en place : extrême rigueur budgétaire, travail sur la pousse de l’herbe pour mieux maîtriser la ration du troupeau… « Nous sommes redevenus maîtres de nos dépenses. C’est nous qui décidons, maintenant. »
Si le pire est aujourd’hui derrière la famille Vanneuville, cette période de turbulences a marqué à jamais le couple et leurs trois enfants. Aussi, c’est à cinq qu’ils se rendent au cinéma en septembre 2019 pour voir Au nom de la terre, film d’Édouard Bergeon sur un sujet qu’ils ne connaissent que trop bien. « Une claque incroyable…! Nous avons été frappés par l’exactitude de l’histoire. Mon fils aîné m’a dit que c’était exactement ce qu’il avait vécu. » La séance ravive également, chez Sylvie Vanneuville, un autre souvenir. « Quand ils ont retrouvé mon mari, l’un des gendarmes m’a dit : “Madame, on n’a pas souvent une deuxième chance. Il faut la saisir. Ne lâchez rien”. »
Car des gens au bout du rouleau admis à l’hôpital après une tentative de suicide, cette spécialiste en imagerie médicale à l’hôpital de Saint-Omer en voit passer beaucoup, et pas que des agriculteurs. « Avec 9 000 décès par suicide chaque année, la France présente un des taux les plus élevés d’Europe. Mais quand ils arrivent à l’hôpital, c’est trop tard. Pour les aider, c’est avant qu’il faut intervenir. Dans mon métier, je suis aussi formatrice en centre d’imagerie médicale. Je me suis dit qu’il fallait que je mette mes compétences de transmission au service des gens qui ne vont pas bien. »
Après une formation auprès de l’Institut de neurosciences appliquées à Paris, elle s’inspire d’“Au temps pour toi”, des séjours champêtres de trois semaines dans le Limousin pour « renaître du burn-out », et adapte la formule. « Trois semaines, c’est trop. Les agriculteurs ne peuvent pas s’absenter aussi longtemps, explique-t-elle, et nombreuses sont les personnes dans ce cas d’ailleurs. » La solution : des séjours en mid-week, du lundi au vendredi, une période de la semaine où les gîtes sont généralement libres.
“Le but est de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils ne sont pas fous. Et qu’on peut s’en sortir“
Sylvie Vanneuville
C’est l’autre volet de son projet : occuper les gîtes des Hauts-de-France durant les périodes creuses. « Durant une formation pour les propriétaires de meublés de tourisme, je me suis rendu compte qu’avant la crise, les agriculteurs ne remplissaient leurs gîtes qu’à 50 %, au lieu des 80 % à partir desquels on rentre dans ses frais. L’idée est d’utiliser les gîtes vides pour nos séjours, et de cibler des fermes avec des circuits de production intéressants et dans un environnement favorable. »
Le but est d’offrir une parenthèse à des gens en surcharge mentale. « L’important, c’est de poser des actions pour remplacer les idées négatives par des idées constructives. On va utiliser la marche, réapprendre à bien manger, à retrouver la juste dose de sommeil… En somme, retrouver le plaisir des choses simples. Dans le monde agricole, on a la nature, l’air en abondance… On ne peut pas nous le retirer ! Le but est aussi de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils ne sont pas fous. Et qu’on peut s’en sortir. »
Lucie De Gusseme
Infos pratiques :
La première session de Bye bye burn-out a eu lieu du 8 au 12 juin à Écuires (62) avec cinq personnes. Une seconde session aura lieu du 22 au 26 juin au même endroit. Plus d’informations : sur le site web de Sylvie Vanneuville, au 06 10 66 33 82, à sylvievanneuveville1@gmail.com et sur Facebook